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Histoire du 19 juin 1965 : ni coup d'Etat ni redressement?

par Ahmed Saber

Cinquante ans après le coup de force de juin 1965 contre le premier président de l'Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella, c'est toujours une énigme pour les Algériens de l'époque et de la nouvelle génération. Un coup d'Etat qui fait toujours mystère et exécuté sur la base de querelles et de clans au plus haut sommet de l'Etat.

Les putschistes, encore en vie, évoquent le prétexte du zaïsme dont s'est prévalu Ben Bella. Pour nombre d'Algériens, cela ne tient pas debout. En effet, le Conseil de la Révolution présidé par le défunt président de la République, Houari Boumediene, n'a à aucun moment été homogène. Il était reproché à Boumediene une certaine gestion personnelle des affaires du pays et qui lui ont valu une hostilité de la part des membres du Conseil de la Révolution dont certains ont même voulu le liquider.

En effet, ce dont a été accusé Ben Bella, a été également porté contre le président Houari Boumediene par son groupe, auteur du coup d'Etat du 19 juin 1965. Cela laisse à penser que le renversement du premier président de l'Algérie indépendante n'a rien à voir avec les intérêts de la Nation et qu'il répond à d'autres considérations plus graves et qui persistent de nos jours dans la vie politique algérienne. L'Algérie a vécu durant un quart de siècle sous le régime du Conseil de la Révolution et de l'Etat-parti unique.

Ni coup d'Etat ni redressement, ce fut un règlement de compte résultat d'une sourde lutte d'influence que se livrent depuis l'indépendance civils et militaires. Il paraît acquis notamment que les auteurs du coup d'Etat étaient fermement opposés aux contacts établis par Ben Bella avec les milieux de l'opposition, et notamment à l'accord que le FLN vient de conclure avec le FFS et qui laissait présager des mesures de clémence en faveur des «rebelles» d'hier.

Ils auraient également refusé qu'à la faveur du remaniement préparé par Ben Bella, qu'un ministre kabyle entre dans le gouvernement (Krim Belkacem). Dans ce climat, se sont vraisemblablement réveillées les divergences fondamentales qui ont toujours opposé Ben Bella et ses amis au groupe des militaires, et qui portent sur l'orientation socialiste du régime ou plutôt sur les méthodes, les modalités ainsi que sur la place de l'islam dans la révolution algérienne.

Les auteurs du coup d'Etat, férus d'histoire, ne sont pas sans savoir que s'en prendre à un président de la République élu par le peuple n'est jamais un signe de force pour le pays. Encore moins d'intelligence. C'est plus qu'un crime, c'est une faute. Quand elle est le fait de militaire, elle est significative de la dérive psychologique de ceux qui dirigent l'Etat. Nommément et expressément désigné à la vindicte, le président Ahmed Ben Bella est accusé par les 26 membres du Conseil de la Révolution de : «mauvaise gestion du patrimoine national, la dilapidation des deniers publics, l'instabilité, la démagogie, l'anarchie, le mensonge et l'improvisation». Ben Bella doit donc, dans la «logique» paranoïaque du Conseil de la Révolution, se taire et disparaître. Il dérange ceux qui se sont entendus sur un statu quo qui garantisse les intérêts des uns et des autres.

Cela dit, il faut que l'on sache que ce que défend Ahmed Ben Bella, ce n'est pas des hommes ou des dirigeants, encore moins un gouvernement, ce qu'il a défendu ce fut le pays, les causes qui ont galvanisé le peuple, mobilisé son cœur, son courage et son esprit contre ceux qui en sont les fossoyeurs de sa dignité.