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Pause fiscale en Egypte

par Akram Belkaïd, Paris

Après avoir émis le signal d’une forte volonté de réformer l’économie, le gouvernement égyptien semble vouloir prendre son temps. En témoigne sa décision de reporter, d’ici à au moins deux ans, sa décision de créer une taxe de 10% sur les gains en capital. Pourtant, il y a deux mois, lors de la conférence de Charm el-Cheikh, le ministère égyptien du Développement économique avait confirmé le maintien de cette taxe destinée à réduire le déficit budgétaire, indiquant qu’il souhaitait juste en amender quelques dispositions d’application.
 
PRESSION DES INVESTISSEURS
 
Pour mémoire, c’est en mai 2014 que Le Caire avait annoncé la mise en place d’un plan plus global de réforme fiscale afin d’améliorer l’état de ses finances publiques. La perspective d’un élargissement de la base des contribuables ainsi que l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée avait été évoqués. Il faut dire que cela fait plus de trente ans que les institutions internationales, dont le Fonds monétaire international (FMI), demandent à l’Egypte une modernisation de son système fiscal. Comme dans bon nombre de pays arabes, les prélèvements à la source ne concernent que les fonctionnaires et les employés du secteur public. Mal organisée, peu efficace, l’administration des impôts a du mal à récolter les recettes, notamment auprès du secteur privé et, plus encore, auprès des acteurs du secteur informel.

Pour le FMI, le report de la mise en place d’une taxe sur les gains en capital n’est pas une bonne chose. En effet, cette mesure semblait être l’une des plus simples à mettre en place dans la mesure où elle concernait un secteur organisé, plutôt transparent et dont l’activité est peu susceptible d’être délocalisée. Bien entendu, les investisseurs de la Bourse du Caire n’ont eu de cesse de dénoncer ce projet, et leur lobbying pour le faire annuler semble avoir réussi. Les « riches », comprendre les acteurs du marché financier égyptien, ne seront donc pas les premiers à fournir des efforts pour juguler le déficit public. Dès lors, on peut se demander comment le pouvoir du président Sissi va traiter la question de l’élargissement de la fiscalité des ménages (ou tout simplement sa création) et, de manière plus large, celle de la réduction des subventions. Dans un contexte politique des plus tendus, il est évident que les autorités rechignent à prendre le risque d’allumer la mèche de la contestation sociale dans les milieux les plus défavorisés.
 
NOUVELLE CAPITALE
 
En clair, Le Caire risque de laisser filer les dépenses, ce qui va l’obliger à faire appel à l’aide de ses partenaires, notamment du Golfe. Selon les officiels égyptiens, c’est le prix à payer pour à la fois garantir la paix sociale mais aussi ne pas effaroucher les investisseurs étrangers qui n’aiment guère qu’on leur parle de taxes. Il faut dire à ce sujet que les grands projets annoncés en mars dernier sont en train d’être lancés. Les cabinets et les groupes de BTP occidentaux défilent ainsi au Caire pour se placer dans le cadre de la construction de la nouvelle capitale (Capital City). La première phase de ce chantier pharaonique qui se situe à 45 kilomètres à l’est du Caire a été budgété à 45 milliards de dollars, le tout étant piloté par le gouvernement égyptien et par le groupe émirati Capital City Partners. Les travaux devraient bientôt être lancés et on peut comprendre que le gouvernement égyptien préfère pour l’instant ne pas faire de vagues sur le front de la fiscalité. Pour autant, il lui faudra tôt ou tard revenir sur cette question.