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Utilisation rationnelle de l'énergie ou la maîtrise énergétique en Algérie : quels efforts à faire et comment y parvenir ?

par Henni Mekki *

Suite et fin

Pour rappel, le programme national d'efficacité énergétique, émanant lui-même du programme national des énergies renouvelables et d'efficacité énergétique, a été adopté par le Conseil des ministres en février 2011 au même titre d'ailleurs que le programme national de développement des énergies renouvelables 2011-2030 ci-dessus cité, dont l'efficacité énergétique fait partie intégrante. Le programme national d'efficacité énergétique devra favoriser une utilisation plus responsable de l'énergie et explorer toutes les voies concourant à la préservation des ressources et la systématisation d'une consommation utile et optimale. La mise en œuvre de la première (1ère) tranche de ce programme national d'efficacité énergétique a été programmée durant la période "2011-2013" et concernait les volets suivants, notamment :

- L'isolation thermique des bâtiments ;

- Le développement du chauffe-eau solaire ;

- La généralisation de l'utilisation des lampes à basse consommation ;

- L'introduction de l'efficacité énergétique dans l'éclairage public ;

- L'aide à l'introduction de l'efficacité énergétique dans le secteur industriel et les établissements grands consommateurs d'énergie, par la réalisation d'audits et l'aide aux projets d'économie d'énergie ;

- L'augmentation de la part de marché du gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant et la promotion du gaz naturel carburant (GNC) ainsi que la conversion des centrales électriques au cycle combiné quand cela est possible ;

- La réalisation de projets pilotes de climatisation au solaire.

 Selon l'Agence Nationale pour la Promotion et la Rationalisation de l'Utilisation de l'Energie (APRUE), le démarrage de la deuxième (2ème) tranche du programme national d'efficacité énergétique est imminent et s'articulera autour de trois (03) importants projets, à savoir : le bâtiment, l'industrie et le transport qui bénéficieront d'aides financières du Fonds National pour la Maîtrise de l'Energie "FNME" et ce, comme suit :

- L'isolation thermique des bâtiments : installation de 10 000 m2 de double vitrage dans les constructions existantes ;

- Le développement du chauffe-eau solaire : installation de 4.000 m2 de chauffe-eau solaire individuel (CESI) et de 3.000 m2 de chauffe-eau solaire collectif (CESC) ;

- La diffusion de un million (1.000.000) de lampes à basse consommation ;

- La substitution de 50.000 lampes à mercure par des lampes à sodium haute pression avec le remplacement des luminaires existants par des luminaires plus efficaces ainsi que l'installation des systèmes de gestion de l'éclairage public ;

- La réalisation de 20 études de faisabilité dans le cadre de l'aide à la décision ;

- La réalisation de 30 projets porteurs d'efficacité énergétique dans le cadre de l'aide à l'investissement ;

- La conversion de 20.000 véhicules particuliers au gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant ;

- La conversion de 2.000 véhicules de flottes captives au gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant ;

- L'acquisition de 20 bus au gaz naturel carburant (GNC).

Par ailleurs, la consistance du programme en énergies renouvelables à réaliser pour les besoins du marché national sur la période 2015-2030 est de 22.000 mégawatts dont plus de 4.500 mégawatts seront réalisés d'ici 2020. La réalisation de ce programme, dont les retombées seront très significatives en termes de création d'emplois, d'industrialisation, de développement technologique et d'acquisition de savoir-faire, permettra d'atteindre à l'horizon 2030 une part de renouvelables de près de 27% dans le bilan national de production d'électricité et épargnera l'utilisation d'un volume de gaz naturel d'environ 300 milliards de m3, soit un volume équivalant à huit (08) fois la consommation nationale de l'année 2014. Ce programme contribuera ainsi à la croissance et à la modernisation économique du pays ainsi qu'à la préservation de l'environnement.

La répartition du programme en énergies renouvelables par filière technologique, se présente comme suit:

- Solaire photovoltaïque : 13.575 mégawatts

- Eolien : 5.010 mégawatts

- Solaire thermique : 2.000 mégawatts

- Biomasse : 1.000 mégawatts

- Cogénération : 400 mégawatts

- Géothermie : 15 mégawatts

Il est utile de noter que la mise en œuvre de ce programme bénéficie de l'apport substantiel et multiforme de l'Etat qui intervient notamment à travers le Fonds National des Energies Renouvelables et Cogénération (FNERC), alimenté par un prélèvement de 1% de la redevance pétrolière et que sa réalisation est ouverte aux investisseurs du secteur public et privé nationaux et étrangers et ce, conformément à la règlementation en vigueur.

Aussi, c'est dans le cadre de l'intégration du renouvelable dans le mix énergétique national que le projet ''Desertec'' en Algérie, entre la Société Nationale d'Electricité et de Gaz (Sonelgaz) et l'entreprise allemande Desertec initiative (Desertec Industrial Initiative DII), considéré comme un levier de développement économique et social, a vu la signature d'un mémorandum d'entente en date du 9 décembre 2011, mais à ce jour non encore démarré.

Cependant, il y a quelque temps, M. le Premier ministre a préconisé à l'Union européenne la relance du projet ''Desertec'' et ce, durant la conférence de presse animée conjointement avec son homologue portugais en déclarant qu'il est possible de produire une énergie solaire en Algérie et de la commercialiser en Europe. Cette déclaration s'inscrit dans le sillage de la nécessité de diversification des sources d'approvisionnement énergétique du pays en partant du fait que l'Algérie possède un gigantesque réservoir d'énergie solaire qui est l'un des plus importants au monde. Selon certains organismes spécialisés, le temps d'insolation sur le territoire algérien dépasse les 2.500 heures par an et peut atteindre jusqu'à 3.900 heures par an, ce qui amène le potentiel solaire algérien autour de 37 milliards de m3, soit l'équivalent de dix (10) grands gisements de gaz naturel.

La chute importante du prix du baril de pétrole conjuguée à la baisse des exportations des hydrocarbures et la consommation en gaz et en électricité qui connaît un rythme de croissance annuel de plus en plus élevé sont en train de générer une situation complexe aujourd'hui, qui risque, si l'on n'y prend pas garde, de devenir à moyen et long terme carrément irréversible. Ce qui complique encore davantage cette situation est le fait que les perspectives d'une reprise de la croissance mondiale restent bouchées. En effet, l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a publié, récemment, des prévisions pour l'années 2015 qui montrent qu'une franche reprise ne sera pas au rendez-vous en Europe et dans les grands pays émergents, comme la Chine et le Brésil. Pour cela, il faudra apporter, comme indiqué tout au long de ce document, les solutions idoines pour y remédier. En effet, à moins de 100 Dollars US le baril du pétrole, plusieurs pays parmi les douze (12) états membres de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), notamment les plus peuplés, ne parviendront pas à faire face à leurs dépenses budgétaires, qu'il s'agisse des subventions à l'énergie ou des mesures sociales en faveur de l'emploi, du logement ou de l'éducation.

Pour ce qui est du phénomène de gaspillage, tel qu'indiqué plus haut, il est malheureusement vécu au quotidien comme peuvent le révéler les indicateurs de performance en matière d'efficacité énergétique. En effet, pour l'Algérie, l'intensité énergétique ou la consommation énergétique totale par unité de PIB, qui est le rapport entre la consommation d'énergie primaire et le Produit Intérieur Brut (PIB) mesuré en dollars US constants en parité de pouvoir d'achat, est de l'ordre de 0,176 en Tonnes Equivalent Pétrole (TEP) par milliers de dollars US constants tels que publiés par le World Resources Institute, plus élevé que celui de l'Argentine (0,138), de l'Italie (0,123) et du Japon (0,130) ce qui veut signifier que nous consommons plus d'énergie pour produire la même quantité de biens. Ce qui reste à notre sens alarmant est le fait que cette indice ne fait que se dégrader ces dernières années.

L'Algérie devra donc accélérer la dynamique d'énergie verte en mettant en œuvre le programme ambitieux de développement des énergies renouvelables et d'efficacité énergétique. Cette vision devra s'appuyer sur une stratégie axée sur la mise en valeur des ressources inépuisables comme le solaire et leur utilisation pour diversifier les sources d'énergie et préparer l'Algérie de demain. Grâce à la combinaison des initiatives et des intelligences, l'Algérie est en mesure de s'engager dans une nouvelle ère énergétique durable à travers un modèle énergétique prenant en compte les profondes mutations du marché énergétique mondial et devra impérativement accélérer sa transition énergétique vers le développement durable dont l'amorçage ne doit en aucun cas être retardé pour plus tard.

La maîtrise de l'énergie, quant à elle, est indissociable du développement des énergies renouvelables, elle constitue non seulement une étape obligatoire sur le chemin de l'indépendance énergétique et de la réduction de consommation des énergies fossiles mais aussi un objectif primordial pour l'avenir. La satisfaction des besoins énergétiques nécessite des progrès dans les domaines de la production et de l'utilisation rationnelle de l'énergie.

Par ailleurs, la transition énergétique devra reposer sur la mise en œuvre d'une stratégie de maîtrise de l'énergie sur la base de l'utilisation rationnelle de l'énergie et le développement des énergies renouve-lables. Cette stratégie s'impose pour relever les défis énergétiques, économiques et sociaux en Algérie. Elle devra se décliner selon des principes directeurs qui en constituent les fondements et une vision à long terme du système énergétique, avec des objectifs à la fois ambitieux et réalistes. L'objectif global de cette stratégie est d'assurer au pays un avenir énergétique durable par le renforcement de la maîtrise de la demande d'énergie et le développement des énergies renouvelables. Il est alors important d'enclencher un processus de transition serein qui devra agir sur la gouvernance des ressources du pays par la mise en place des investissements y afférents, la modification des standards de production et, surtout et impérativement, par le changement des modes de consommation. Ce processus de transition nécessitera un capital humain capable d'opérer des transformations fondamentales en y associant le secteur privé ainsi que l'engagement des pouvoirs publics tant pour la régulation que pour l'investissement qui reste un facteur important et décisif.

Aussi, il est aujourd'hui plus que nécessaire de procéder à la rationalisation de la consommation énergétique, d'assurer une relève graduelle par les énergies renouvelables et de lutter contre le gaspillage excessif qui représente un gisement perdu d'au moins 25%. Ceci ne serait possible qu'avec la mise en place d'une règlementation stricte et rigoureuse qui privilégierait la consommation des produits les plus disponibles localement et à promouvoir les énergies renouvelables autant que possible.

Ainsi, les économies d'énergies sont une nécessité absolue et, avec le développement des énergies renouvelables, elles permettent la rationalisation de l'utilisation de l'énergie, ce qui constitue un levier incontournable en faveur d'une politique énergétique durable. Aussi, la cogénération qui est basée sur le principe de la production simultanée de chaleur et d'électricité, peut être l'un des procédés qui pourrait représenter une opportunité majeure pour l'utilisation des énergies renouvelables et serait une des techniques les plus efficaces énergétiquement. Elle permet ainsi de faire d'importantes économies d'énergie, notamment au niveau du secteur industriel, tout en œuvrant durablement dans le domaine de l'efficacité énergétique. Pour l'Algérie, ce sont les économies d'énergie qui feront la plus grande réserve de gaz et de pétrole, sachant qu'ils pourraient aller jusqu'à 15% et 20% et doivent inciter les pouvoirs publics à s'y pencher en vue de dégager un modèle de consommation énergétique dont les axes doivent être définis par le Conseil National de l'Energie (CNE).

Aussi, les campagnes d'information et de sensibilisation sur la rationalisation de la consommation électrique qui ont été réalisées et lancées par l'Agence Nationale pour la Promotion et la Rationalisation de l'Utilisation de l'Energie (APRUE) en direction du grand public, en collaboration avec le ministère de l'Energie, la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG) et la Société Sonelgaz et l'Opérateur système, devront être poursuivies pour permettre la sécurisation de l'alimentation en énergie électrique du pays. Ne dit-on pas que ''L'énergie la moins chère est celle qu'on ne consomme pas''?

* Expert en Management général et industriel

Ancien Cadre dirigeant de Sonatrach

E-mail : techconsult.energy @gmail.com