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La stratégie de l’Opep paye «pour le moment»

par Akram Belkaïd, Paris

La réunion ministérielle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui se tient à Vienne, ce vendredi, va certainement être très suivie. Comme de coutume, les « opep-watchers », les analystes habitués à suivre le moindre fait relatif au Cartel, vont guetter un changement de discours ou une inflexion de la stratégie décidée en novembre dernier. Pour autant, personne ne pense qu’un bouleversement majeur va intervenir, une surprise reste toujours possible. Contrairement à ce que réclament la Libye, le Venezuela ou l’Algérie, le plafond de la production quotidienne ne sera pas diminué et restera à 30 millions de barils par jour (mb). Il est en effet très peu probable que l’Opep décide de jouer la baisse de l’offre pour doper les prix.

LES «BIG-OIL» LIMITENT LEURS PROJETS

On connaît les différentes raisons qui ont mené à la décision de novembre 2014 de laisser inchangé le niveau de production malgré la baisse des cours. Sous l’influence de l’Arabie saoudite, l’Opep entend freiner la progression de ses concurrents, notamment dans les hydrocarbures non conventionnels. Comme le notent de nombreux spécialistes, il a fallu six mois et une chute du baril à près de 60 dollars, pour atteindre cet objectif. A travers le monde, de nombreux projets d’exploitation ou d’exploration sont reportés ou gelés. Signe qui ne trompe pas, c’est plutôt par le biais d’opérations d’acquisitions boursières que les « Big-oil », ou grandes compagnies pétrolières cherchent à augmenter leurs réserves prouvées (et donc à améliorer leurs valorisations en Bourse). Dans le même temps, un baril à 60 dollars ne semble pas trop pénaliser les membres de l’Opep même si des pays comme le Venezuela ou l’Algérie s’inquiètent de la baisse prolongée de leurs recettes extérieures. Par contre, il est encore trop tôt pour savoir si le retournement du marché a eu des effets sur les politiques extérieures de la Russie ou de l’Iran.

Face à la presse, les dirigeants saoudiens ne se privent donc pas d’affirmer que la stratégie de l’Opep a payé ne serait-ce que parce que le Cartel a non seulement sauvegardé ses parts de marché mais qu’il les a surtout augmentées (la production réelle frôle les 32 millions de barils par jour en raison d’une hausse de production en Arabie saoudite, en Irak et en Iran). Riyad n’a donc pas l’intention de changer la donne en cherchant à diminuer l’offre. Et aucun pays de l’Organisation ne peut jouer ce rôle faute de capacités supplémentaires de production. Mais il faut tout de même relever que cette approche risque d’être pénalisante dans le long terme. Certes, les compagnies privées ont gelé leurs grands projets mais, dans le même temps, elles continuent à innover et à diminuer leurs coûts d’exploitation. Dans quelques années, si la situation reste en l’état, un champ inexploitable aujourd’hui à cause du baril à 60 dollars deviendra profitable en raison des avancées technologiques. Cela signifie que l’Opep sera obligée d’impulser un nouveau bras de fer en matière de niveau de production.

NEGOCIATIONS EN VUE

Cette perspective laisse à penser que l’Opep, et plus particulièrement l’Arabie saoudite, vont devoir négocier avec les autres producteurs qu’il s’agisse de la Russie, de la Norvège ou du Mexique. A la fin des années 1990, c’est une action concertée avec ces poids lourds du camp « non Opep » qui avait, entre autres, contribué à la remontée continue des cours. Cette fois, les tensions géopolitiques font que ces contacts ne donnent guère de résultats. Mais le Mexique comme la Russie ont besoin eux aussi de prix élevés pour équilibrer leurs budgets. Cela pourrait tôt ou tard les amener à consentir une réduction de leurs productions respectives.