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Au secours, les dinosaures reviennent !

par Abdellatif Bousenane

Qu'est-ce qui se dessine réellement sur la scène politique algérienne ? Des agitations, des rumeurs, des retours, des interrogations et un constat d'échec ! Les dernières manœuvres sont effectivement décisives pour l'avenir des alliés du président.

L'éventuel retour d'Ahmed Ouyahia au RND, de Abdelaziz Belkhadem au FLN et de Aboudjerra Soltani au MSP, laisse entendre qu'il y a une volonté de faire de l'ordre dans la maison « système ». Mais avec une ancienne recette : l'alliance présidentielle.

Dès lors la question d'une lutte « finale » entre les différentes tendances idéologiques du « système » est tellement justifiée. Entre les deux institutions très puissantes du moment, l'armée surtout son bras d'intelligence et la présidence qui a pris beaucoup plus des trois quarts du pouvoir politique après 1999. On vit ainsi un jeu de repositionnement et de redistribution des cartes pour les échéances à venir.

Ou, finalement, ce n'est qu'une énième hâblerie pour sonder la température chez les autres protagonistes.

La compréhension difficile !

Dans ce contexte, arrive la transmutation dans le ton de Louisa Hanoune qui change complètement de tactique, dont ses dernières attaques contre des membres du gouvernement sent un peu le règlement de comptes et les coups en dessous de la ceinture très répandus chez l'« ancien régime ». Néanmoins, il faut reconnaître tout de même que la femme de fer trotskiste défend tant bien que mal son idéologie, dans des circonstances très peu favorables, d'une manière pragmatique et essaie de faire pression sur le président, qui lui affiche une sympathie inchangeable, afin qu'il favorise l'aile gauche du « système » et mette un frein aux ambitions affichées des amis du grand capital mondialisé. Cette démarche d'une habilité politicienne certaine est en effet compréhensible dans la mesure où elle tente de repositionner son parti et de gagner du terrain médiatique et donc de l'opinion. Toutefois, la difficulté d'analyse vient toujours du fait que l'élite gouvernante algérienne est très réputée en fait pour sa capacité à jouer avec les paradoxes et inclure les antinomies. Elle brouille souvent les pistes, elle sonde la température de la rue, des cercles médiatico-financiers et les puissants lobbies hégémoniques de la civilisation dominante. Va-t-elle opter pour laisser ce flou jusqu'à la dernière minute ?

Supposons que ce retour se confirme dans les prochaines semaines ou mois. Dans ce cas de figure on peut imaginer dès lors que le chef de l'Etat s'est bien rendu compte que l'ultime objectif du plan qui visait à casser son alliance présidentielle, avec laquelle il a fait la grande partie du chemin de ses longs mandats, est d'installer d'autres forces politico-financières qui menacent la république populaire et qui risquent par conséquent de changer dangereusement la nature même de l'Etat algérien ou, au moins, de neutraliser des tendances politiques ancrées dans la société au profit d'une technocratie sans âme, rigide mais pragmatique, compatible avec l'ère du temps globalisé.

Sinon, peut-être, le président a compris qu'il a sacrifié trop d'amis durant ses dernières années et que le résultat n'était pas meilleur !

L'échec?

On peut concevoir toutes ces logiques que je viens de décrire mais l'échec est là, il est criant et frappant. Le FLN qui vit une crise profonde en s'éloignant dramatiquement du débat public sur les vrais questions de fond, les questions chers aux anciens leaders charismatiques de ce mouvement nationaliste comptabilisé à gauche de l'échiquier politique. Des sujets stratégiques pour l'avenir du pays et même l'avenir du « système » lui même tel que les risques qui guettent le volet populaire de la république par des prédateurs très peu loyaux. Cette crise réduit effectivement l'ex-parti unique à un théâtre de guéguerres fratricides motivées essentiellement par l'ego des personnes et des jeux enfantins au lieu de débattre les vrais enjeux du moment. Par ce fait, « EL HIZBE » est devenu un simple cabinet d'enregistrement des amendements gouvernementaux.

Pour le RND, « le bébé né avec des moustaches », ou le parti de l'administration comme on l'appelait jadis, à part le retour annoncé d'Ahmed Ouyahia, la situation est beaucoup plus calme cependant le parti a perdu beaucoup de terrain et il devient ainsi un joueur secondaire.

En revanche, le retour de Aboudjerra à la tête de son parti sera un vrai attentat contre le MSP de l'opposition et il va faire « exploser » ainsi une CNTLD déjà malmenée par son impopularité, le retrait du FFS et Hamrouche et son discours très peu convaincant.

Bref, si ces « rumeurs» seront confirmées, sans une alternative sérieuse et structurée, on va assister à une reconfiguration du champ politique et donc un retour à la situation des deux premiers quinquennats.

Cela ne changera guère le constat qu'il y a un vrai échec sur ce plan du renouveau de la classe dirigeante et son rajeunissement car on n'arrive même pas à retrouver la relève ! C'est un sérieux problème. Ce constat amer est d'autant plus problématique lorsqu'on note le grand détachement de la population de la chose politique, le peuple tourne le dos en fait aux politiques, opposition comme partis de gouvernement. 35% de taux de participation lors des dernières législatives, il y a là un vrai problème de représentativité.

Les raisons ? Il y en a plusieurs. Manque d'imagination et de créativité et donc un discours classique imprégné de langue de bois et de démagogie qu'on entend depuis des décennies, manque d'activités hors rendez-vous électoraux, un sentiment général chez les gens que le premier souci de nos politiques c'est de se servir et non pas de servir la Nation. Avec une vie de dinosaures, l'animal politique algérien se nourrit des guéguerres d'ego basées sur le culte de la personnalité, des considérations régionalistes voir ethniques, puis vient en dernière position les considérations idéologiques et stratégiques qui visent, plus au moins, l'intérêt général ou au moins qui font de la politique une chose intéressante et sérieuse.

Le temps n'est-il pas arrivé enfin pour que ces anciens passent le flambeau aux jeunes générations ? Et donner ainsi un nouveau souffle à la vie politique dans notre pays ou l'ambition de ces septuagénaires de rencontrer, même tardivement, leurs destins est beaucoup plus grande que le bon sens et l'image du pays ?