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Parler du FLN pour chasser l'ennui

par Abed Charef

Pour éviter les sujets sérieux, on peut parler du FLN et de son prochain congrès. Avec cette question déterminante : Belayat a-t-il un avenir au FLN?

Abderrahmane Belayat est catégorique. Les difficultés auxquelles son groupe est confronté dans ses tentatives de prendre les commandes du FLN proviennent de deux origines : Amar Saadani, qu'il appelle « l'indu occupant » du siège du parti à Hydra, et l'administration, qui a accordé au secrétaire général actuel l'autorisation de tenir un congrès. C'est donc l'administration, se pliant aux volontés du ministère de l'Intérieur, qui se place ainsi en arbitre de la crise qui secoue le vieux parti. Alors qu'elle valide les démarches de M. Saadani, elle refuse de délivrer le quitus souhaité à M. Belayat pour qu'il puisse organiser, avec ses amis, les réunions de son FLN pour placer ses amis à la direction de ce qu'il considère comme son parti. Aux côtés de l'administration, la justice risque, elle aussi, d'être sollicitée. Un avocat a été chargé d'engager les procédures nécessaires à cet effet. Dans un passé récent, l'appareil judicaire avait donné un sens précis à des réunions du FLN, en statuant lors de célèbres « audiences de nuit », téléguidées à partir des ministères de l'Intérieur et de la Justice, pour introniser des dirigeants d'un autre groupe. Abdelaziz Belkhadem, l'homme dont on annonce le retour imminent, avait largement bénéficié de ces intrusions, avant de se voir balayé à son tour par une autre manœuvre dont il ne s'est pas encore remis.

M. Belayat n'a pas perdu espoir. Il attend. A un moment donné, espère-t-il, ceux qui ont la charge de décider pour le pays vont peut-être émettre un signe en sa faveur. Un juge qui invalide la réunion prévue par M. Saadani, un wali qui ne donne pas l'autorisation pour tenir une réunion publique, un coup de téléphone de « qui vous savez » pour redistribuer les cartes, peu importe. Il y aura bien un moment où les « amis » de M. Belayat vont intervenir pour rétablir l'ordre normal des choses, un ordre selon lequel M. Belayat doit naturellement être au pouvoir et ses ennemis naturellement refoulés vers l'opposition.

Au RND, on sait quitter la table

Dans l'autre camp, M. Amar Saadani tient un discours très convenu. C'est la base du parti qui décide, assure-t-il. Seule la base a le droit d'élire les dirigeants du FLN, en toute démocratie. (Non, M. Saadani n'est pas victime de la foudre quand il prononce le mot démocratie). Les contestataires ? Ils n'ont qu'à se plier aux règlements du parti et à la volonté de la base, affirme le secrétaire général. Chez ses adversaires, le message est perçu différemment. Pour eux, Amar Saadani bénéficie, jusqu'à preuve du contraire, de l'appui du président Bouteflika. Depuis qu'il s'était attaqué au général Toufik Mediène, il y a dix-huit mois, l'homme a montré une disponibilité remarquable à se sacrifier au profit du chef de l'Etat, qui l'a remis en selle après l'avoir longtemps méprisé. Même s'il est un peu différent dans la forme, un scénario similaire se déroule au RND, où les choses se passent de manière plus lisse. Avec des acteurs qui se veulent moins ridicules, moins loufoques. On est plus énarque que pieds nickelés. Ahmed Ouyahia et Abdelkader Bensalah savent se tenir. Ils savent quitter la table. Ils admettent que la décision n'est pas entre leurs mains, et ils savent que quand le vent tourne, il faut baisser la tête et attendre, en essayant de faire bonne figure. Pas besoin d'un spectaculaire mouvement de redressement, ni de doberman. On plie bagage avec plus de docilité, sans faire d'histoire. On reste docile, mais avec classe.

Etre dans les bonnes grâces du prince

Ce jeu dans lequel s'agitent Belayat, Belkhadem, Saadani, Abada et tant d'autres, a-t-il un quelconque intérêt ? Peut-il offrir, un jour, une solution quelconque pour une sortie de crise? En réalité, on n'en est plus là depuis longtemps. Ce qui pouvait apparaître comme des luttes entre tendances politiques dans les années 1980 ou 1990 a déserté les rangs des partis. Il n'y a plus qu'une course pour se positionner et se retrouver dans les bonnes grâces du prince. Ce jeu de séduction est lui aussi connu depuis deux décennies. Il n'offre plus d'intérêt. Beaucoup d'Algériens s'en lassent et en arrivent même à se détourner de la politique à cause de ces comportements. Mais derrière Belayat, Saadani et les autres, il y a de nouvelles générations qui arrivent à la politique et qui n'ont connu de l'activité politique que cette forme dévoyée. Prenant exemple sur leurs aînés, ces nouveaux « militants » considèrent naturellement que faire de la politique revient à faire plaisir au potentat local, au wali, au chef d'entreprise, au responsable « sécuritaire » ou au ministre. On ne parle plus d'idées, de convictions, de programmes, de choix politiques. Le souci principal est de se rapprocher des centres de pouvoir, car on a plus de chance de devenir ministre si on connaît Saïd Bouteflika ou un général, que si on est un bon idéologue, un économiste de renom ou un grand orateur. Connaître le wali donne plus de chance de devenir député que le fait de militer dans un parti qui une bonne base ou un bon appareil. Et au sommet de la hiérarchie, Belayat, Saadani, Abada et les autres savent qu'être dans les bonnes grâces de Bouteflika ou Toufik Mediène est le chemin le plus court pour devenir ministre. Le congrès du FLN, premier parti du pays, peut-il changer cet état de choses ? Peut-il contribuer à rétablir un état normal des choses? Non, évidemment. Car au FLN, on a totalement oublié à quoi sert un parti et quelle est la finalité de la politique.