Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Lorsque les violents sont récompensés et les pacifiques sanctionnés

par Yazid Alilat

La violence est omniprésente en Algérie. C'est le constat morbide que fait Mme Houria Ahcène-Djaballah, psychologue et enseignante à l'université d'Alger, quelques jours après la mort du jeune Ramzy à El-Biar, sur les hauteurs d'Alger. Houria Ahcène-Djaballah a affirmé à la radio nationale hier lundi que «nous sommes historiquement une société qui a subi beaucoup de violence ; nous sommes une société traumatisée par la violence, pour remonter une époque récente», a-t-elle expliqué en faisant référence à la décennie noire. Pour elle, «la violence a pris de l'ampleur dans notre société, on ne peut le nier, et elle a plusieurs causes, dont la diffusion de la violence en milieu des jeunes». Mme Ahcène-Djaballah résume le phénomène de la primauté de la violence en Algérie parce que «c'est un moyen de se faire respecter». Pour autant, cette manière de se comporter est propice à «la diffusion de la culture de la violence». En 2014, selon les chiffres établis de la police nationale, 6.151 cas d'enfants victimes de violence ont été recensés en Algérie, dont 1.663 ont souffert de violences sexuelles et 175 mineurs victimes de kidnapping et 6 sont morts à la suite de coups et blessures. Face à cette banalisation de la violence, la psychologue estime que chaque partie doit, en fait, prendre ses responsabilités. Dont la justice, mais également la famille, les intellectuels, les psychologues, les sociologues?etc. «Nous sommes à un moment de perte des valeurs anciennes, sans mise en place de valeurs modernes», estime-t-elle avant de relever qu'on doit transmettre les valeurs du respect de l'autre, ce qui est actuellement nié dans la violence. Sanctionner et réprimer est une sorte de violence, mais il faut réprimer ceux qui usent de violence». En fait, affirme-t-elle, pour lutter contre le phénomène de la violence, «le législateur doit produire des lois pour stopper ce phénomène, il faut qu'il y ait des lois qui répriment la violence. Il doit produire des lois sur lesquelles va s'appuyer la justice pour réprimer les actes de violence». Une loi qui vise à renforcer le dispositif de protection des enfants contre la violence est actuellement au niveau de la commission juridique de l'APN. Ce projet de loi comporte 150 articles devant renforcer le Code pénal en vigueur sur plusieurs points, notamment le volet social et judiciaire. Cet éclatement quotidien de la violence en Algérie, en particulier à l'égard des enfants, des jeunes filles, des femmes, au travail, dans la rue, à la maison et même entre voisins est, selon Houria Ahcène-Djaballah, le résultat direct de la décennie noire. «Nous n'avons pas trouvé les solutions de ce qui s'est passé durant la décennie noire, nous n'avons pas trouvé les solutions face à cette violence», affirme-t-elle avant de relever que «ceux qui usent de violence, notamment les manifestants revendiquant des logements sont récompensés, et ceux qui usent de moyens pacifiques sont sanctionnés». «Les responsabilités (de cette violence) sont à tous les niveaux», estime-t-elle avant de prévenir : «il ne faut pas communiquer par des campagnes pour lutter contre la violence, ce n'est pas suffisant. Il faut mettre en place le respect de la culture des valeurs, et l'école ainsi que les aînés ont un rôle là-dedans, avec la mise en place d'un service civique dès l'adolescence pour une société affranchie de violence. Il faut un débat là-dessus». Mais, sur la question de l'abolition de la peine de mort, autre aspect de la violence, elle a été très prudente, estimant qu' «il y a un risque d'être injuste, il y a risque d'une violence extrême. On doit être prudent vis-à-vis de la peine de mort, il faut un débat sur ce dossier».