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L’Amérique et la bataille du salaire minimum

par Akram Belkaïd, Paris

Le mercredi 15 avril dernier, l’Amérique a connu un vaste mouvement de protestation salariale. Dans plusieurs dizaines de grandes villes, des milliers d’employés des secteurs des services, notamment ceux de la restauration rapide et de la distribution, ont réclamé la revalorisation du salaire horaire minimum pour obtenir 15 dollars de l’heure.

Pour mémoire, il n’y a pas de loi fixant un revenu minimal pour l’ensemble du pays. De fait, chaque Etat, voire chaque employeur (quand il n’y a pas de législation locale en la matière), est libre d’appliquer le barème qu’il souhaite.
 
UN MOUVEMENT QUI S’ETEND
 
A ce jour, le salaire horaire minimal aux Etats-Unis est de 7,25 dollars. C’est peu dans un pays qui affiche de bonnes performances macro-économiques. Selon les calculs des économistes, un revenu minimal, tenant compte de l’inflation, devrait, déjà, être de 11 dollars l’heure. Et s’il fallait l’ajuster, en prenant en compte, les gains de productivité, il serait de 18 dollars ce que peu d’employeurs consentent dans les secteurs des services. De quoi alimenter la colère et le ressentiment des salariés.

Ce mouvement de revendication est, d’ailleurs, né en novembre 2012, dans le sillage de la contestation ‘Occupy Wall Street’. A l’époque, plusieurs centaines d’employés de fast-food new-yorkais, dont McDonald’s, ont quitté leur poste pour réclamer une revalorisation salariale. Depuis, la contestation a gagné près de 200 villes où les manifestations sont, non seulement, régulières mais aussi, et c’est le plus intéressant, de plus en plus soutenues par l’opinion publique. Il faut dire qu’au pays de l’Oncle Sam, l’idée, selon laquelle l’augmentation des salaires menace l’emploi, est très répandue et pas uniquement au sein du patronat. Seulement, le niveau des inégalités est tel, aujourd’hui, aux Etats-Unis, que des voix s’élèvent, un peu partout, pour que les employeurs fassent des efforts. Et la mobilisation paie.

A Chicago, le salaire minimum est passé à 13 dollars l’heure (contre 8,25 dollars précédemment) tandis que la ville de Seattle a adopté les 15 dollars de l’heure (contre 9,32 précédemment).

De manière concrète, la revendication est portée par une coalition de syndicats, regroupés sous la bannière de l’Union internationales des employés de services (SEIU ou service employées international union). L’originalité de la démarche, c’est que cette action relève, plus, de la campagne de communication que de l’action syndicale traditionnelle. Baptisée ‘Fight for $15’ (lutte pour obtenir 15 dollars), cette campagne mobilise spots publicitaires, démarches de terrain et interpellation des élites politiques et économiques. Certes, elle a généré nombre de critiques, en raison de son coût (50 millions de dollars sur 2 ans) mais les résultats commencent à donner raison à la SEIU, puisque plusieurs sénateurs démocrates ont promis de tout faire pour que le salaire minimum national atteigne 12$ d’ici 2020.

LA « TRAHISON » D’OBAMA

Il faut, aussi, noter que l’action de la coalition ‘Fight for $15’ intervient dans un contexte où la « gauche » américaine, comprendre le parti démocrate, n’a guère contribué à renforcer les syndicats. Dans ses promesses électorales pour l’élection de 2008, Barack Obama avait promis de défendre le droit syndical (lequel est attaqué dans de nombreux Etats). Une promesse jamais tenue et ce n’est pas le fait d’avoir augmenté le salaire horaire minimal à 9 dollars dans l’Administration fédérale qui fera oublier ce que nombre de syndicalistes considèrent comme une véritable trahison. Comme Bill Clinton, en son temps, Obama a tourné le dos aux travailleurs les plus précaires, or l’Amérique réalise, aujourd’hui, que la consommation, soit les deux tiers de son économie, ne peut se maintenir, sans que le pouvoir d’achat d’une bonne partie de la population ne s’améliore. Il reste, désormais, à savoir si cette question fera partie ou non du débat lors de la campagne électorale pour la présidentielle de 2016.