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Arrêtons de tromper l'opinion publique en falsifiant l'histoire de notre glorieuse révolution

par Abdelkader Zidane

Etant un simple citoyen, sans aucune obédience partisane, originaire de la wilaya de Chlef et ayant répondu à mes obligations nationales en donnant le meilleur de ma jeunesse durant deux (02) années de service national en plus d'une année de rappel sous le drapeau au fin fond du sud algérien (Tindouf), je suis outré par les actes de diffamations étalés à longueurs de pages de la presse nationale contre les figures emblématiques du mouvement national ayant résisté au fait colonial pour que ce vieux pays puisse retrouver enfin son indépendance nationale selon les vœux exprimés dans la déclaration du 1er novembre 1954.

J'ai en effet pu lire la déclaration faire récemment par ceux qui, il n'y a pas longtemps, avaient avoué publiquement s'être trompés de peuple et donc de lecture de l'histoire. J'ai lu que Messali el Hadj était un traître à la nation et responsable de la mort de milliers d'Algériens, décédé Français car portant cette nationalité, j'ai lu aussi que Ahmed Ben Bella était un Marocain de père et de mère et qu'il avait dénoncé ses camarades de l'organisation spéciale (OS) et qu'il n'avait jamais participé à l'attaque de la poste d'Oran et qu'il nouait une haine viscérale à Abane Ramdane etc. Même l'Emir Abdelkader, emblème de la résistance et de la foi et l'un des grands hommes d'Etat du 19ème siècle n'a pas été épargné par cette vindicte.

Humble parmi les humbles je voudrais rappeler très simplement à ces fossoyeurs de l'histoire que l'Emir Abdelkader à résisté dix-sept (17) années durant, montrant par là même que l'indépendance ne pouvait s'acquérir que par la guerre, seule langage que l'ennemi pouvait comprendre. Faut-il rappeler qu'au même moment où il menait seul, avec ses forces mobilisées sur le tas ça et là, le combat, d'autres s'accommodaient déjà du fait accompli. L'Etat de l'Emir Abdelkader qui comprenait l'ouest algérien, une partie de l'Algérois et de la Kabylie et le Titteri avait son drapeau, son armée, ses ateliers militaires, sa monnaie et tous les attributs d'un Etat, pour se faire respecter et signer des traités internationaux. Il s'impose et soumit collaborateurs et rebelles, remporta des victoires et fit de sa signature un label que ses ennemis saluaient. Usé par les trahisons et la défection de l'aide qu'il espérait trouver dans le Maroc au nom de la fraternité de religion, il en vint à mesurer l'étendue du projet colonialiste basé sur le génocide et la colonie de peuplement. Sa dernière victoire sur les Français en 1845 celle de Sidi Brahim reste un exemple de stratégie militaire. Il se rendit avec l'honneur, battu mais pas vaincu. Il passera cinq (05) longues années dans les prisons françaises et les lieux d'internement avant d'être libéré par Napoléon III. Il s'exila en Turquie puis en Syrie à Damas où son code de morale et ses valeurs lui permirent de sauver du massacre des milliers de chrétiens. Acte qui lui a valu le respect de plusieurs chefs d'Etat et de personnalités qui comptaient dans le monde. Stratège de guette et soufi, il consacrera le reste de sa vie à l'enseignement, la médiation et la prière jusqu'au 26 mai 1883 où il disparut et fut enterré auprès de son maître Cheïkh Ibn El Arabi à Damas. Une foule innombrable avait tenu à lui rendre hommage lors de ses funérailles.

Quant à Messali El Hadj, il fut incontestablement le père fondateur du nationalisme algérien. C'est lui qui avait décidé la création de l'organisation spéciale (OS) lors du congrès de Zeddine en 1947, organisation qui pose les jalons du déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954 profitant de son pèlerinage à La Mecque en 1952, il fut reçu par le roi Seoud d'Arabie et par divers représentants des pays afro-asiatiques et du monde arabe devant qui il plaida la cause algérienne. Reçu également par le secrétaire général de la Ligue arabe, Messali el Hadj a demandé l'aide politique, financière et militaire pour le déclenchement de la révolution.

Dans le quotidien national « liberté » daté du 31 octobre 2014, Ali Agouni, compagnon de Messali el Hadj, a bien expliqué le pourquoi du Congrès d'Honu et les décisions qui ont été prises pour préparer le déclenchement de la révolution fixée pour le 1er janvier 1955. Cependant face à la crise du parti et l'inertie des centralistes qui étaient contre le déclenchement de la révolution et pour le rapprochement avec les partis intégrationnistes les anciens de l'organisation spéciale (OS) déclencheront la révolution en date du 1er novembre 1954 où Ahmed Ben Bella avait déclaré au journal « le Monde » : « nous avions devancé la date décidée au congrès d'Hornu car nous savions que la France allait arrêter Messali el Hadj dès le premier coup de feu tiré ». Par ailleurs, Didouche Mourad a envoyé une lettre à Mohamed Boudiaf par l'intermédiaire de Hocine Ben Mili (réf. livre «la Casbah») où il disait expressément : «chaque révolution à son leader et la révolution algérienne à Messali El Hadj. Si on le trahit la révolution sera trahie et d'autres qui n'ont jamais rêvé d'indépendance vont cueillir ses fruits». La révolution algérienne a éclaté le 1er novembre 1954, Messali el Hadj est le seul au nom du Parti du peuple algérien (PPA) qui a salué la révolution et l'a soutenue dans un message adressé à tous les militants et au peuple algérien paru dans l'Agence presse service France (APSF) où il déclare : « la révolution El Moubaraka est là, il faut l'aider, la soutenir et y adhérer pour qu'elle ne s'éteigne pas, sans se poser la question qui en a donné l'ordre ».

Messieurs les détracteurs, le but principal de Messali el Hadj était la lutte armée pour arracher l'indépendance et c'est grâce à ses positions courageuses et son combat permanent contre le colonialisme que le 1er Novembre 1954 est arrivé comme aboutissement d'une longue histoire et ouverture vers de nouveaux horizons.

Pour aborder la question de l'autre icône du mouvement national algérien, en l'occurrence Ahmed Ben Bella, il a donné depuis sa tendre jeunesse, consacré son temps et sa vie à la préparation de la lutte contre le joug colonial. Courageux de tempérament et de naissance il fit preuve de ses caractères à la bataille de Monte Cassino contre l'armée nazie, ce qui lui valut l'admiration de ses supérieurs. Son milieux familial lui a forgé la foi en sa religion et en ses origines arabes auxquelles il est resté fidèle jusqu'à son dernier jour, son cri par trois (03) fois « nous sommes arabes » répondait à une conjoncture précise et était aussi un cri de cœur. Il est évident que la minorité qui s'était toujours opposée à ce déterminisme soit hantée par ce cri. De toutes les façons le combat des laïcs et des tenants de francophonie a marqué notre histoire et a encore du chemin à faire. Le débat relatif à la langue et à la culture doit être extirpé de ces positions extrêmes pour que le moule fondateur de la nation algérienne puisse nous unir, malgré nos différences, dans une Algérie toujours plus forte parce que le monde de la mondialisation n'a aucun respect pour les faibles !

Le parcours d'Ahmed Ben Bella de conseiller municipal jusqu'à sa mort en passant par les différentes prisons coloniales et celles des soi-disant « redresseurs » démontre son attachement aux valeurs du 1er Novembre 1954 et son opposition au congrès de la Soummam, qui a été désavoué par la réunion du Caire en Egypte une année après, ne fait que confirmer la justesse de ses positions.

Qui aurait pu mieux faire que Ahmed Ben Bella en 1963 pour éviter la congolisation de l'Algérie ? Un petit effort de mémoire pour se rappeler l'état dans lequel se trouvait le pays avec ses trois (03) millions de regroupés, ses 400.000 détenus ou internés, ses 300.000 réfugiés principalement au Maroc et en Tunisie, plus de 8.000 villages complètement rasés, c'était l'Algérie de l'indépendance sans moyens, même les plus élémentaires.

Malgré cela, la rentrée scolaire fut assurée avec enthousiasme, trois (03) millions d'hectares furent labourés, les mendiants relogés, 800.000 Algériens au coude à coude furent volontaires sur les pentes d'El Arbatache pour reboiser plus de 500.000 arbres à la montagne du Murdjado à Oran, et à Djebel El Houache à Constantine ce fut la même chose. Des centaines de milliers partout ailleurs dans le pays menèrent dans l'enthousiasme cette œuvre capitale de reconstruction. L'annonce du 1er octobre 1963 de la nationalisation de toutes les terres appartenant à des étrangers, soit un (01) million d'hectares, ainsi que celles des agents locaux du pouvoir colonial concrétisaient avec les Décrets Mars portant sur l'autogestion, la liquidation du carcan symbolisé par les accords d'Evian la Charte d'Alger ponctuée par le cri mémorable qui avait retenti dans le ciel de l'Algérie pour l'éternité : «Que la malédiction de Dieu s'abatte sur un homme qui admet de voir un enfant se courber à ses pieds pour lui cirer ses chaussures !», c'était là un symbole et surtout le mythe fondateur de base des institutions de l'Etat algérien à construire.

Quant au pouvoir personnel, je laisse le soin au lecteur de faire la comparaison avec ses successeurs. Avec ce passé glorieux, comment peut-on traiter Ahmed Ben Bella de traître ? Même ses opposants les plus farouches qui ne partageaient pas sa vision politique, Abbane Ramdane et Krim Belkacem compris, ne l'ont pas traité d'agent de l'Etranger. D'autres témoignages écrits par d'anciens résistants et moudjahidine de la première heure de la wilaya 1 (zones 1 et 2), victimes des suites du congrès de la Soumam, ainsi que ceux de la wilaya 5 attestent de l'intégrité d'Ahmed Ben Bella. Ils affirmèrent lors d'une émission de la chaîne Qatarie Al-Jazeera qu'aucun doute n'avait effleuré leurs esprits, ne serait-ce qu'une seule fois, quant au leadership militant et nationaliste d'Ahmed Ben Bella. Ce sont eux ces authentiques enfants de la révolution qui ont fait barrage à la calomnie.

Ce témoignage dont il est fait référence a été publié par les quotidiens en langue arabe « El Khabar » et « Errai » ainsi que le journal en langue française « Le Journal » en date du 02 janvier 2003, ne peut que mettre à nu ceux qui veulent tromper l'opinion publique. Porteurs d'un projet qu'ils n'osent encore pas dévoiler et qu'ils ne pourront jamais faire parce que le feu de la révolution est toujours flambant. Leur première étape consiste justement à falsifier l'histoire et à saper les fondements de la flamme « novembriste ».

Ils ne sont pas innocents, ils savent et sont assez lettrés pour imaginer de quoi il en retourne quand on s'attaque aux mythes fondateurs de la mémoire collective, à la carte mentale. Ils savent que celle-ci a besoin d'imaginaire pour être transmise de génération en génération, pour que le moule porteur soit le socle pérenne de la Nation. Le fertilisant de l'âme d'un peuple.

Avons-nous vu les pères fondateurs des nations les plus avancées traités comme sont traités les nôtres ? Etre autant calomniés ? Et pourtant ils n'étaient pas tous des saints tel que l'histoire de ces peuples les présente. Ils en sont souvent bien loin. Alors, que veulent dire ces diatribes et que cachent-elles ? Ceci messieurs vous le savez, on ne vous apprend rien ! Si vous le faites, ceci ne veut dire qu'une chose : que votre projet n'est pas celui de l'Algérie libre, indépendante et unie, mais vous n'oserez jamais ni ne pourrez le dévoiler au grand jour ! Ce serait trop, trop gros !