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Lumières dans un village

par Rachid Brahmi

« L'homme a ce choix : laisser entrer la lumière ou garder les volets fermés ». (Henry Miller)

On fête cette année, ça et là, dans ce qu'on appelle le village planétaire, l'« année internationale de la lumière et des techniques utilisant la lumière », suite à une résolution adoptée par l'assemblée générale de l'ONU. Celle-ci estime que la lumière et les techniques y afférentes sont essentielles dans la vie et joueront un rôle éminent dans le développement d'où la nécessité de sensibiliser davantage et mieux former la communauté internationale à ces technosciences pour relever des défis tels le développement durable et améliorer la qualité de vie des citoyens dans le monde.

Car les applications technoscientifiques de la lumière sont capitales pour le progrès dans les domaines de la médecine, l'énergie, l'information, les communications, les fibres optiques, l'agriculture, les industries extractives, l'astronomie, l'architecture, l'archéologie, le divertissement, l'art, la culture et bien d'autres services, et contribuent à la réalisation des objectifs de développement, puisqu'elles donnent accès à l'information et améliorent la santé et le bien-être des sociétés. Ces techniques peuvent jouer un rôle capital dans l'utilisation rationnelle de l'énergie en limitant le gaspillage et en réduisant la pollution lumineuse.

La résolution précise que 2015 coïncide avec les anniversaires d'événements importants dans l'histoire des sciences de la lumière, notamment les travaux sur l'optique d'Ibn Al-Haytham (1015), la théorie ondulatoire de la lumière de Fresnel (1815), la théorie électromagnétique de la propagation de la lumière de Maxwell (1865), celles d'Einstein sur l'effet photoélectrique ( 1905) et les liens lumière-cosmologie mis en évidence par la Relativité générale (1915), la découverte du fond diffus cosmologique par Penzias et Wilson de même que les travaux de Kao sur la transmission de la lumière dans les fibres pour la communication optique (1965). L'accent est aussi mis sur l'autonomisation des femmes dans le secteur scientifique et la promotion de l'éducation scientifique des jeunes, surtout dans les pays en développement.

Sur un autre registre, l'UNESCO, qui organise cette fête, considère que le savoir et l'information ont un impact considérable sur la vie des gens ; que le partage du savoir et de l'information, en particulier à travers les technologies de l'information et de la communication (TIC), a le pouvoir de transformer les économies et les sociétés. L'UNESCO affirme tirer ainsi partie de cette année pour favoriser l'éducation et la formation à l'échelle mondiale, en mettant l'accent sur l'Afrique, dans le but d'assurer un accès plus universel à ces technologies.

En somme, ce grain de lumière, appelé photon, est fêté ça et là, avec éclat, et l'on organise diverses manifestations telles des conférences, tables rondes, colloques, spectacles, expositions, visites guidées de sites scientifiques, tout cela destiné au grand public, aux jeunes, aux artistes, aux industriels, scientifiques, technologues et à tout intellectuel. Répercutée par un nombre incalculable de nouveaux sites électroniques, se déroulant tout au long de l'année et ayant exigé la mobilisation des pouvoirs publics, des collectivités, des institutions, des scientifiques et de la société civile, cette fête a donc lieu essentiellement au Nord de ce village planétaire.

Généralement et question de lumière au Sud, nous devrions plutôt parler de « bougies ». Concernant notre pays, l'Algérie s'associe, selon ses moyens, à la célébration de cette année internationale, par l'organisation de quelques manifestations, dans au moins les trois plus grandes villes du pays.

A Oran*, dans le cadre des « 6èmes journées des travaux pratiques de physique » (les 14 et 15 avril 2015), l'université Ahmed Ben Bella a célébré cette année en donnant l'occasion à une nombreuse assistance de suivre trois conférences successives et la projection d'un film. Le premier conférencier, Pr. A. Djebbar, a captivé son auditoire tant par le contenu de son intervention qui a porté sur « la phase arabe de l'optique » que par son talent de conteur et ses pointes d'humour, pour ceux qui venaient de le découvrir. Pr. A. Tadjeddine a su mettre en valeur les multiples enjeux, dont ceux sociétaux, liés à la photonique. Quant au Pr. P. Lauginie, sa conférence a très probablement permis à l'assistance de réaliser que l'observation et l'expérimentation scientifiques sont des démarches qui exigent de la persévérance pour aboutir à une mesure correcte de la vitesse de la lumière qui a duré des siècles. De telles rencontres méritent d'être régulièrement renouvelées.

Par ailleurs, invitée en Algérie dans le cadre du lancement de l'année de la lumière, la directrice générale de l'UNESCO, Mme Irina Bokova a indiqué que « l'Algérie et l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) ont affirmé que la lutte contre l'extrémisme passait par la promotion de l'éducation et de la culture », tout en évoquant la mission de l'organisation onusienne consistant notamment à « ancrer la culture de la paix dans les esprits » et « combattre l'extrémisme ». Voilà, brièvement, pour le discours onusien.

D'autre part , les propos de Mme Bokova rappellent ceux de la psychiatre et romancière égyptienne Nawal Saadaoui quand, invitée d'honneur avec Adonis à la foire internationale du livre de Tunis du 27 mars au 5 avril 201, elle déclara, suite à l'audience qui lui a été accordée avec le grand poète, par le président de la république tunisienne, que l'entretien a permis « d'évoquer l'importance de l'éducation et de l'enseignement qui constituent une arme stratégique dans la lutte contre le terrorisme et un moyen idéal pour réaliser un essor culturel en profondeur ».

Voilà pour la lumière, donc pour la science, qui est la négation de l'apologie et de l'irrationalité, qui devrait être à l'écoute de la société. La science, cette fenêtre ouverte sur la lumière, celle qui ne plie pas devant les réalités, mais les transforme, les forge.

Smain Balaska et Rachid Brahmi, in Le Quotidien d'Oran du 12 avril 2015, « Les magiciens de la lumière à l'université d'Oran », Rubrique Culture.