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Quelle morale !

par Slemnia Bendaoud

C'est à l'érudit poète tunisien qu'échut cet honneur de parler -écrire surtout !- de soulèvement populaire. Et c'est au peuple tunisien d'en faire la première expérience de cette toute remarquable et magnifique démonstration, engageant dans leur sillage ce printemps arabe qui eut bien raison des ces dictatures postindépendance, vieilles pour certaines de plus d'un demi-siècle déjà.

Voilà donc bien refermée cette enchanteresse parenthèse de l'histoire.

Depuis ?à tout Seigneur tout honneur !- la Tunisie ne cesse d'étonner ; son peuple entonnant à l'unisson ces vers rythmés du valeureux poète de la région. De toutes les révoltions arabes, elle est celle la plus propre, la plus probe, la plus logique, la moins tragique, la moins chaotique?

Menée de paire avec celle égyptienne, elle n'aura connu pratiquement que peu d'accrocs et bien su intelligemment et subtilement dépasser de nombreux clivages et autres caricatures stéréotypées propres à la «politique classique» des temps anciens et des territoires politiques distincts.

Contrairement à l'Algérie des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, elle a su bien composer avec ce résultat «transparent» des urnes d'un «vote juste, honnête et responsable», rendant aux citoyens leur parole, aux sujets leur indéniable statut d'acteurs de la société, aux électeurs le poids de leur voix et aux tunisiens leur liberté de choix de leurs représentants locaux ou nationaux.

Et donc tout s'est passé comme une lettre à remettre à la poste, arrivée très vite à son destinataire. Cependant, ce qui étonne le plus n'est autre que cette morale dont doit s'enorgueillir la plus haute hiérarchie de leur gouvernance, composant admirablement avec l'opposition, se démarquant volontairement de l'ostentatoire et de l'arrogance, mais surtout affichant publiquement cette modestie dont font preuve les plus intelligents des humains.

A commencer donc par ce nouveau président tunisien qui se contenta de ce SMIG de salaire de misère ou de «combat démocratique» et de cette sollicitude faite publiquement à son peuple afin de réaliser cette trêve de six mois nécessaire à l'engagement des réformes promises.

Vint ensuite cette sagesse manifestée par cet autre ministre des sports, ancien ballon d'or africain, à l'égard de la pratique sportive en particulier et de l'humanité de façon plus générale. Et il est bien rare de voir de nos jours des sportifs de renom comme Tarek Diabrenoncer à ces mirobolants salaires d'Al Jazzera (30.000 $) pour en revanche ne se contenter que de celui de (3.000$) que lui procure celui de ministre des sports tunisien occupé pour un temps.

A la base de tout cela, il y a bien évidemment cet amour du pays et cet engagement sans condition à œuvrer au profit de la communauté et l'intérêt de la patrie et la nation, contenus dans cette sémantique politique astucieusement pilotée par le parti islamiste d'El Nahdha dans ses fonctions de véritable nouveau commandant de bord du navire tunisien, en l'absence de véritables concurrents parmi les toutes nouvelles formations politiques du pays.

En somme, que de sagesse et que de promesses ! Ainsi est donc commenté ce présent bien difficile mais très prometteur tunisien. C'est à cause de l'immolation par le feu d'El Bouazizi que la révolte populaire aura été déclenchée ; et c'est surtout grâce à la vision éclairée de ces hommes sobres et bien intelligents que le renouveau tunisien est bien désormais enclenché.

A coté de ce pays, pratiquement définitivement installé dans l'antichambre de la sortie de sa crise, il y a bien évidemment cette Lybie à totalement reconstruire, cette grande Egypte, chaotique, encore dirigée par des forces occultes, et surtout cette Algérie encore statique ou sceptique au changement, tournant toutes le dos à ce vent violent de la démocratie qui souffle à pleins poumons dans la région.

De ce panorama ainsi décrit et observé, il est utile de retenir que l'Algérie se retrouve de nos jours à la croisée des chemins : face à son destin !

Le cas tunisien ne semble plus à portée de main des dirigeants algériens actuels auxquels manque cette volonté politique d'engager de sérieuses réformes et d'aller vers cette démocratie tant espérée.

La raison est bien simple : il est difficile de trouver dans les temps présents en Algérie des responsables de la trempe d'El Marzouki, d'El Ghanouchi ou de Tarek Diab.

L'amour du pays ?tant vanté pourtant en haut lieu de la hiérarchie du pouvoir- n'aura été finalement qu'un vœu pieux devant tant de massacres que subit de plein fouet le pays.

Et comme toute autocratie ne veut ou ne peut se reformer d'elle-même ou par elle-même, le résultat de l'échec dans cette tentative de s'accrocher ou de se fondre dans l'actualité ne pourra donc être que chaotique sinon catastrophique.

Pour ces pauvres algériens, le rêve tunisien est déjà bien loin. Aussi éloigné de la réalité que le sont les comportements inconséquents des gouvernants algériens avec d'abord leur conscience et ensuite à l'égard de leur de leur politique inappropriée et inopportune.

Durant la seule année 2011, l'Algérie aura concédé un recul de dix ans sur ses plus proches voisins, par manque de vision claire et de programme politique cohérent et conséquent.

Un simple indice peut à lui tout seul servir de véritable baromètre à cette situation très critique qui caractérise le pays : les députés algériens et autres zélateurs sénateurs qui ne se rendent à l'hémicycle que pour voter des lois de blocage ou anticonstitutionnelles, sont d'autre part assurés à la fois de leurs mirobolants salaires et de leur retraite dorée. Quel gâchis !

Le malaise national est donc bien général. Total ! Et aucun secteur n'y est pour autant épargné. Même le sport se trouve y être embobiné. Pour avoir toujours été considéré tel un attribut sinon une véritable tribune politique, il est ainsi profondément contaminé, baignant ou flottant dans cet argent sale qui hypothèque le vrai jeu et beau spectacle, n'intéressant plus comme naguère les amoureux de la balle ronde.

Mieux encore, on continue à mieux rétribuer ces stoppeurs ou demi-défensifs au détriment même de ces maitres à jouer qui créent le véritable jeu et ce spectacle plein-les-yeux ! Quel dommage ! Cet exemple est donc frappant ! Bien choquant !

En sport, c'est comme en politique : on joue tout le temps sur notre défensive, les nerfs à fleur de peau, prêt à casser le jeu, s'imposant par la triche. Après tout, de l'éthique ou du spectacle, on s'en fiche !

A ce niveau-là, il n'est plus question de s'attendre à l'éclosion d'autres prodiges ou de génies. Ni sur celui purement sportif. Ni sur celui propre à l'art de manière générale !

Fait tout de même assez curieux, en Algérie, même grassement rémunérés, le député dépité, le ministre sinistré, le haut fonctionnaire arrogant et très autoritaire ?tous réunis- touchent un salaire bien inférieur à certains joueurs de foot qui sont loin de faire justement ce spectacle de qualité, taclant à longueur de temps ceux plus doués et mieux intelligents dans leur jeu.

Jouer avec les pieds est désormais plus conseillé, bien rémunérateur que de se masturber l'esprit à trop user de la jugeote de l'esprit après des études très poussées. L'intelligence des pieds a-t-elle à jamais surclassé l'intelligence du Savoir et de l'esprit ?

Quant à comparer le salaire de ces Messieurs de la politique et du foot avec ce que touche le staff le plus relevé du pouvoir tunisien, la comparaison ne vaut même pas la peine d'être tentée, simulée !

Tant les écarts sont énormes et les talents vraiment incomparables. C'est paradoxal !

En Algérie, si cet argent n'était pas si facilement gagné et engrangé sinon mal acquis, ces acteurs-là chargés de faire la politique hypocrite ou le piètre spectacle n'auraient jamais été les mieux payés des algériens !

Le mérite aurait certainement plutôt choisi le créateur d'idées, le détenteur du label ou l'obtenteur du brevet, l'auteur de la distinction dans sa profession, le professeur et non son assesseur, le constructeur de jeu et non celui connu comme destructeur de ce beau spectacle qui nous invitait à choisir naguère le stade et ses formidables shows.

En plus de son «besoin imminent en démocratie», l'Algérie doit impérativement aller au plus vite vers «cette refondation express de sa société». Parce que tout simplement le tout aura été perverti, travesti, extraverti, dans nos nobles valeurs sociétales ancestrales. Grace à la bonne raison de la Tunisie ou à cause de ce salaire considérable du joueur algérien manquant en plus de technicité, c'est tout le mal de la société algérienne qui se trouve être révélé. Déterré !

Comment donc y remédier ? Comment surtout l'en extirper ? La solution n'est-elle pas dans cette morale oubliée ? A répétition piétinée? ?