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Pétrole, le retour des OPA

par Akram Belkaïd, Paris

Depuis quelques semaines, de nombreux analystes boursiers pariaient sur la possibilité d’opération de rapprochement dans le secteur pétrolier. Et c’est bien ce qui vient de se passer avec l’offre publique d’achat (OPA) lancée par la compagnie Royal Dutch Shell (RD Shell, deuxième mondiale) sur le troisième groupe énergétique britannique BG Group (ex-British Gas). Le montant de l’impression est impressionnant puisqu’il est de 47 milliards de livres sterling soit l’équivalent de 64 milliards d’euros. Pour être sûr de l’emporter et de convaincre les actionnaires de BG Group, RD Shell a proposé de payer 52% plus cher que le cours moyen de l’action BG Group au cours des trois derniers mois. Une prime qui devrait convaincre les actionnaires les plus récalcitrants.
 
Le baril chute, les OPA reviennent
 
Ce mouvement d’ampleur de RD Shell, le premier depuis sa création en 1907, s’explique par le fait que la compagnie anglo-néerlandaise cherche aujourd’hui à augmenter ses réserves de gaz naturel. A ce jour, elles ne sont que de 47% dans son portefeuille.

En rachetant BG Group, grand spécialiste dans l’exploration et l’extraction de gaz naturel (ce dernier compte pour 78% dans ses avoirs), RD Shell renforce donc sa position dans un secteur porteur.

En effet, dans de nombreux pays, notamment émergents, le gaz naturel est de plus en plus recherché au détriment du pétrole. Contraintes environnementales, meilleur rendement, exigences de lutter contre le réchauffement politique sont autant de facteurs qui font du gaz naturel liquéfié (GNL) un produit d’avenir.

L’autre raison est à trouver dans le contexte actuel du marché pétrolier (sur lequel celui du gaz est indexé).

Quand le baril chute, les compagnies pétrolières souffrent et leurs investissements en matière d’exploration et de détection de nouveaux gisements sont reportés voire annulés. Or, les marchés financiers valorisent ces compagnies en prenant en compte l’importance de leurs réserves et une compagnie dont les ressources prouvées en hydrocarbures baissent risque d’être sanctionnée par le marché (baisse de l’action et donc vulnérabilité à une opération de rachat hostile). La meilleure manière de se prémunir contre cela est donc de racheter un concurrent ce qui, mécaniquement, fait augmenter les réserves.

Un pareil scénario a déjà eu lieu. A la fin des années 1990, alors que le baril touchait le plancher des 10 dollars, de nombreuses fusions et acquisitions ont eu lieu, là aussi motivées par la nécessité d’augmenter les réserves. C’est à cette époque que Total a avalé Petrofina et Elf tandis que le britannique BP rachetait Amoco puis Arco cela sans oublier l’impressionnante fusion entre Exxon et Mobil. A l’époque, rappellent les experts, RD Shell s’était tenue à l’écart de ces opérations ce qui avait inquiété le marché. Aujourd’hui, cette compagnie semble décidée à prendre l’initiative et à éviter que d’autres concurrents ne lui coupent l’herbe sous le pied.
 
BP AU CENTRE DE TOUTES LES ATTENTIONS
 
Il reste à savoir maintenant si d’autres opérations vont avoir lieu. Au cours des derniers jours, des rumeurs de marché ont annoncé une OPA probable contre BP. Les noms d’ExxonMobil, de Total mais aussi de RD Shell ont été cités. De même, les compagnies dites juniors font figure de cibles possibles et c’est pour cela que leurs cours boursiers ont sensiblement augmenté. En effet, les investisseurs, pariant sur une OPA contre elles, se dépêchent d’acheter leurs actions afin de les revendre au prix fort en cas d’offre de rachat. Au sein du marché pétrolier, les grandes manœuvres ne font que commencer…