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La Banque asiatique d’investissement rebat les cartes

par Akram Belkaïd, Paris

Tout le monde veut en être. Ou presque… Depuis l’annonce de sa création par la Chine en octobre 2014, de nombreux pays se pressent à la porte de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII). Dernier en date, l’Egypte qui a officialisé sa candidature en tant que membre fondateur quelques heures avant la clôture des demandes fixée au 31 mars 2015. Pour les dirigeants chinois, qui se sont félicités de ce nouveau renfort, c’est la preuve que leur projet fait non seulement sens mais qu’il bénéficie du soutien de la communauté internationale.

IRRITATION DES ETATS-UNIS

De fait, cet établissement multilatéral, dont le siège sera à Pékin et dont le capital de départ a été fixé à 50 milliards de dollars, va compter parmi ses fondateurs l’Allemagne, première puissance économique européenne, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne et la Suisse. Les pays, dits émergents, ne manqueront pas à l’appel avec la Russie et, surtout, le Brésil. Parmi les autres nations industrialisées, figurent aussi l’Australie et la Corée du Sud. De quoi donner une assise planétaire à la BAII et cela dès son entrée en fonctionnement.

Tous les observateurs ont noté l’absence des Etats-Unis d’Amérique dans le capital de cette banque. Prise de court par l’annonce chinoise, Washington a vertement critiqué le projet. Plusieurs officiels américains ont même émis des réserves quant au fonctionnement futur de l’institution, pour son supposé manque de transparence ou pour son incapacité à améliorer les conditions sociales dans les pays où elle devrait intervenir. Des accusations qui, relèvent encore les observateurs, sont autant de procès d’intention qui cachent mal l’inquiétude et l’agacement du gouvernement américain.

En effet, jusqu’à présent, les Etats-Unis pèsent d’un poids important au sein du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM), deux institutions dont les sièges sont à Washington. Avec l’émergence de la Banque asiatique d’investissement, c’est un concurrent non pas simplement régional mais planétaire qui fait donc son apparition. La Banque mondiale va devoir composer avec ce nouvel acteur qui sera moins enclin à appliquer les directives, plus ou moins officielles, du Trésor et du gouvernement américains. Cela fait des années que l’on scrute les évolutions internationales pour détecter une possible perte d’influence de Washington dans la gestion des affaires économiques mondiales. La naissance de la BAII est clairement un événement qui rentre dans cette catégorie au même titre, par exemple, que l’emploi de devises autres que le dollar, dans les transactions internationales ou dans la constitution de réserves de change.

QUEL FONCTIONNEMENT ?

Il reste tout de même à savoir comment sera organisée la BAII et comment fonctionnera son conseil d’administration. Le fait que le siège de l’établissement se situe à Pékin n’est pas anodin mais il faudra analyser de près ses règles de fonctionnement ainsi que la répartition de ses droits de vote. Pour nombre d’experts, il ne fait nul doute que l’Asie, et au premier lieu la Chine, aura la part du lion. De quoi consacrer l’idée que ce qui se joue dans ce continent est bien une lutte d’influence entre l’ancien Empire du milieu et les Etats-Unis d’Amérique. En ce sens, le bras de fer ne fait que commencer mais le fait que la Banque mondiale, bien plus concurrencée dans l’affaire que le FMI, perde un peu de son monopole est loin d’être une mauvaise nouvelle…