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De l'éducation dispensée? à l'éducation souhaitée

par Ali Derbala *

«Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas» Confucius

Selon Durkheim [1], pour qu'il y ait éducation il faut qu'il y ait en présence deux générations : une adulte, une jeune et une action, exercée par les premiers sur les seconds. Cette action n'est possible que parce qu'il y a un héritage culturel à transmettre, une sagesse et une science dont seuls les adultes sont détenteurs. Hubert [2] confirme encore que toutes les conceptions de l'éducation présentent au moins trois caractères communs. L'éducation est limitée à l'espèce humaine, elle est une action exercée par un individu sur un autre (ou par une génération sur une autre) et orientée vers un but à atteindre. L'éducation consiste à acquérir des comportements qui se superposent aux dispositions naturelles de l'individu. Un marasme dans ce secteur névralgique de la vie quotidienne est constaté. La grève des intendants et des enseignants a duré plus d'un mois. Dans les négociations entre les syndicats et le ministère de l'Education nationale, on a voulu noyer « le poisson dans l'eau ». En effet, à un rendez-vous très important où il fallait discuter pour surseoir ou annuler la grève, ces partenaires ont préféré étaler d'un seul coup tous les maux qui rongent ce secteur de l'éducation. La refonte de l'éducation, l'application du statut de l'enseignant et du travailleur de l'éducation, etc. sont les thèmes traités. Ces négociations devaient être composées de plusieurs « rounds », des réunions sur les droits des enseignants, les devoirs des enseignants, la pédagogie et le pouvoir des enseignants.

1. DROITS DES ENSEIGNANTS ET TRAVAILLEURS

On a marginalisé les ressources humaines telles les enseignants et les travailleurs de l'éducation. Les études du primaire, du moyen, du secondaire et du supérieur ont été négligées. Les séquelles sont là. Ce dialogue a été entamé par les deux précédents responsables du secteur. Il dure depuis au moins six années, depuis l'année 2008, année de la confection des statuts particuliers de ce secteur. Selon le MEN, 80% des revendications ont été satisfaites. Selon les partenaires sociaux, ce statut n'est appliqué que partiellement. Pourquoi cette lenteur dans son application? Est-elle voulue, programmée, recommandée par des institutions financières nationales ou étrangères, etc. ? Ce dialogue est de sourds. Les trois derniers MEN ne sont pas originaires de l'Education nationale, ils sont tous issus de l'Enseignement supérieur. Le secteur éducatif est représenté par des universitaires qui n'ont pas connu ce monde ni ses heurts, malheurs ou ses déboires. Pourquoi il ne peut y avoir une suite positive aux doléances de ces personnels pédagogique et administratif ? La voie salutaire consisterait à améliorer les conditions de travail encore médiocres du personnel enseignant. Les mauvais salaires des enseignants sont démotivants. Si face aux pénuries de personnel enseignant ou le déficit en encadrement, on augmente la taille des classes jusqu'à 54 élèves, on croît la charge de travail des enseignants à hauteur de 30 heures par semaine, on recrute des personnes non ou peu formées ou sur la base de contrats, on dévalorisait forcément la profession d'éducateur. Un nombre moyen est de 12,4 jeunes par enseignant finlandais, soit l'un des meilleurs taux d'encadrement pour le primaire en Europe.

2. DEVOIRS DES ENSEIGNANTS

On rêve d'une école moderne, juste, égalitaire, généreuse, ambitieuse, à la hauteur des enjeux et des valeurs d'une société éducative, société de la connaissance et société démocratique. L'éducation algérienne, de quelle nature est-elle ? Former, instruire et cultiver les citoyens sont les missions d'une éducation nationale modèle, moderne et contemporaine. Lorsqu'une activité pédagogique est conçue, elle doit s'appuyer sur un ensemble de documents qui la définissent et l'articulent, par un cahier des charges contenant une liste d'objectifs d'apprentissage, des ressources associées et des systèmes d'évaluation. Les élèves ont besoin de plus d'encadrement et de soutien individuel. L'enseignant doit savoir utiliser des techniques pédagogiques récentes tels l'ordinateur, les tableaux numériques reliés directement à l'Internet, le data show pour les exposés, l'Internet, et pourquoi pas participer aux conférences en lignes dites Webex, etc. L'Algérie est un pays riche qui peut doter toutes les écoles, collèges et lycées de ces moyens pédagogiques récents, tels les stylos numériques, les tablettes à androïdes pour enregistrer des fichiers de livres produits par le MEN, etc.

Les nouvelles technologies marginalisent davantage notre pays l'Algérie, victime de ce qui est appelé « la fracture numérique».

Les dotations en matériels informatiques doivent être suivies et contrôlées pour voir si le matériel est arrivé à bon port et qu'il est bien entre les bonnes mains des élèves et des enseignants. Les enseignants doivent abandonner la pédagogie traditionnelle qui consacre la parole professorale, la parole où les élèves ne parlent pas, ou très peu, ou ne parlent que pour restituer ce que le professeur sait déjà. Leur discours, oral ou écrit, est normalisé de telle façon que l'enseignant puisse reconnaître tout ou partie de son propre discours. Ils doivent pratiquer une pédagogie ouverte, libérale, active, non directive, autogérée. Elle transmet les informations et module les communications. La pédagogie peut désigner un savoir-faire acquis au cours de l'exercice du métier d'enseignant. Elle est aussi un don et un art d'enseigner. Il faut reconnaître une part de responsabilité négative de certains formateurs dans cette situation pédagogique. Au secondaire, dans l'enseignement des mathématiques par exemple, l'utilisation de logiciels de mathématiques ou de démonstrations mathématiques, tel le Scilab, un logiciel de calcul en classes scientifiques pour les lycées, le Mathematica, le Matlab et ses dérivées sont des outils indispensables de la nouvelle pédagogie. Certes, le Scilab trace en une instruction, « tracer » ou « plot » en anglais, la représentation graphique de n'importe quelle fonction mais on aura toujours le besoin d'un maître pour expliquer le pourquoi des choses et des difficultés. Les supports sont les CD, les DVD, les flashs disques, etc.

Les enseignants sont instruits dans leur spécialité ou leurs disciplines mais ils seraient souvent moins pédagogues. Ils n'arrivent pas animer une classe et intéresser les élèves. La médiocrité est interdite à l'éducateur. Un grand nombre d'enseignants semblent ne pas concevoir que l'éducation est une vocation. L'éducation ne produit pas en soi-même de richesse, elle est stérile financièrement. Elle est une richesse fertile en formation des hommes et des femmes. Quand un lycée n'est plus contestataire de la découverte scientifique, il ne demande plus à l'élève de penser. Il lui demande d'apprendre. Dans la plupart des écoles la domination de l'enseignant sur les élèves s'exprime de façon forte et directe, aussi bien sur le plan social qu'intellectuel.

3. POUVOIR DES ENSEIGNANTS

A l'école algérienne, des méthodes pédagogiques sont expérimentées depuis 1992 et sont importées du Canada, de l'Europe (pédagogie d'approche par compétence) ou des USA. On cherche toujours à changer, alléger et confectionner de nouveaux programmes éducatifs. Il faut estomper ces expérimentations de méthodes pédagogiques importées et faire confiance et donner du pouvoir aux enseignants algériens de confectionner leurs programmes. Il faut donner du pouvoir et les moyens aux enseignants de confectionner une plateforme électronique de type e-learning disponible sur le Net et à accès libre consultable par l'élève en n'importe quelle heure de n'importe quelle journée et de n'importe quel mois. Il faut une indépendance et une liberté d'actions des enseignants. A travers cette plateforme pédagogique, le monde entier va être témoin de la qualité de l'enseignement algérien et si des bêtises ou erreurs sont introduites et sont transmises aux élèves, des éducateurs vont les corriger automatiquement dès qu'elles sont soulevées. La distribution de CD, une documentation numérique, n'est rien sans les enseignants. Dans toute communication, il faut informer, sensibiliser, débattre et capitaliser ou mieux diffuser les résultats des projets et des études réalisées. Il est temps qu'une conscience pédagogique naisse en Algérie.

4. ETATS ACTUELS DE L'EDUCATION NATIONALE

On doit élaborer un programme des études où à la fin d'un cursus tout élève saura lire, écrire, parler, compter, calculer et élaborer un petit programme informatique en utilisant les nouvelles techniques d'information telles les langages de programmation évolués, etc. Si pour calculer on utilise une calculatrice et si ses piles sont mal chargées ou usées, les résultats affichés peuvent être faux ou erronés. A l'école, on doit apprendre par « cœur » la table de multiplication. Beaucoup d'élèves de lycée ne savent pas multiplier des nombres. Au collège, il faut inculquer aux élèves les notions les plus élémentaires, telles l'écriture sur une ligne, l'interdiction de l'écriture dans l'espace blanc entre deux lignes, que zéro est un élément absorbant ou de dire que 0 x a = a x 0 = 0 et que pour plier une double feuille, il suffit de mettre un bout de la feuille contre l'autre et tirer sur la feuille. Il faut faire lire couramment des textes aux élèves, leur faire lire un mot en entier. Ils ne doivent pas le tronquer en plusieurs sous-mots ou lettres. Ils ne doivent pas se contenter de redessiner mais de recopier ce qui est écrit sur un tableau. Ils doivent parler, s'exprimer et communiquer. Ils doivent répondre aux questions posées. Ils doivent maîtriser la prononciation, l'écriture, le parler, etc. Les enseignants de tous les paliers sont incités à atteindre ces buts. Les élèves doivent apprendre à conjuguer au moins au présent de l'indicatif. Des élèves de lycée doivent lire couramment un texte en arabe, en français ou en anglais.

Selon la presse, il est à signaler que le ministre a reconnu qu'effectivement des matières n'ont pas été et ne sont pas enseignées dans les régions du Sud. Dans ce cas, comment peut-on octroyer des brevets d'enseignement moyen et des baccalauréats à des élèves censés avoir des zéros dans les matières non dispensées ? La découverte, les mois derniers, dans une école primaire de la nouvelle ville d'Ali Mendjeli d'élèves avec des poux sur la tête. Dans toutes les écoles, collèges et lycées, le problème de la surcharge et le déficit en encadrement sont signalés. Une école de 54 élèves par classe est à quelques mètres seulement du siège de la wilaya de Boumerdès. Qu'à Aïn Témouchent, il est procédé à l'installation du chauffage pour 40 établissements scolaires dont le manque est fortement ressenti aussi bien par les élèves que par les enseignants. On convient que ceci ne relève pas des exploits réalisés dans le secteur de l'éducation.

Conclusion :

Cette situation morbide dans l'éducation a trop duré. La Finlande est un petit pays de 5,3 millions d'habitants. Ce pays lointain a réussi la performance d'être l'un des plus innovants au monde, avec un des plus forts taux de réussite au brevet d'enseignement moyen. Aller à l'école finlandaise est agréable malgré le froid rigoureux du pays. En Algérie, le baccalauréat est devenu un effet pervers. Il est devenu un ticket parfois non payé ou non payant pour la vie universitaire. Il est donné presque gratuitement. Il faut attirer les meilleurs enseignants aux lycées et aux collèges en les payant correctement et pour leurs titres, licence, master, magister et même doctorat. L'extinction progressive de la langue française dans les lycées nous incite dans les sciences exactes à adopter les langues arabe et anglaise. Cette deuxième langue est hégémonique dans la science. Les chambres de commerce, les universités, les entreprises industrielles et commerciales, les associations éducatives et culturelles doivent êtres les autres acteurs de l'action éducative. L'école est gratuite pour tous, du cours préparatoire à l'université. Normalement, nos élèves et nos étudiants réussissent mieux qu'en Finlande.

* Universitaire

Références

[1] Durkheim, E. L'Evolution pédagogique en France, Paris, Alcan, 1938.

[2] Hubert, R. Traité de pédagogie générale, Paris, PUF, 1961.