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De la noblesse de la vertu et de la pauvreté d'esprit

par Slemnia Bendaoud

A un moment où Omar Sahnoun, le stoppeur nantais, optait pour les couleurs de la sélection tricolore du Coq gaulois, ce fut Mustapha Dahleb, le sorcier parisien du PSG, qui réalisait le choix du cœur et rejoignait les Verts, après avoir déjà fait les plus beaux jours du club sedanais des Ardennes (France).

Ces deux joueurs d'origine Algérienne, ayant fait toutes leurs classes au sein du football français depuis leur très jeune âge, allaient, chacun de son côté, poursuivre leur carrière footballistique internationale sous différentes couleurs.

Et si la carrière du premier nommé fut des plus courtes, suite à sa mort subite et accidentelle, elle n'en fut pas moins des plus controversées, charriant bon nombre de polémiques et de débats stériles et très houleux au sujet de ce choix surprenant, jugé plutôt « contre nature ».

Pour nous qui fûmes encore ces frêles lycéens et jeunes observateurs de la scène politique nationale et internationale, Omar Sahnoun véhiculait sinon symbolisait, sans le moindre doute, ce préjugé défavorable de « fils de harki » ; raison pour laquelle, la parenthèse fut rapidement refermée et le dossier y afférent à jamais clos.

Quant à Mustapha Dahleb, plus connu à travers son surnom de «Moumousse», son choix était, par contre, des plus appréciés (des plus appropriés) parce que tributaire de la fibre nationaliste, par le public algérien, lequel en assidu observateur et fin connaisseur de la balle ronde, venait d'abord de découvrir son grand talent sous les couleurs du Chabab de Belcourt (CRB) bien avant qu'il n'en soit vraiment ébloui par son génie et ses grandes capacités techniques.

L'ex Sedanais devait accompagner ce choix judicieux par sa volonté inébranlable de satisfaire aux obligations du service national (militaire), à un moment où les nationaux, vivant eux sur le sol Algérien, usaient de tous les grossiers subterfuges et autres malhonnêtes pirouettes, afin de s'en détourner ou à tout le moins de trouver les astuces de nature à pouvoir intelligemment l'éviter.

De ce double choix, celui du cœur mais également celui de la raison, ce fut ce talent fou d'un terrible gaucher aux tirs foudroyants et aux crochets déroutants qui fera le reste, au regard de la grande stature de ce véritable maestro qui régnait, là où il se produisait, en maitre absolu sur tous les terrains de jeu.

Dans son cas, la noblesse de la vertu ne pouvait que faire l'impasse sur cette pauvreté de l'esprit qui conduit manifestement l'athlète à tomber dans ces calculs mercantiles, en signe de ce triomphe des valeurs humaines sur toute autre considération matérielle des choses de la vie. A sa manière, le gaucher au tir meurtrier venait donc d'inaugurer une nouvelle ère après celle remarquable et très salutaire de ses devanciers, sacrifiant, au passage, à la fois, leur carrière professionnelle -montant crescendo ou déjà au firmament pour certains d'entre eux- et le grand confort de la vie relevant du statut hautement considéré et bien rémunéré de footballeur professionnel du championnat français de l'époque de la fin des années cinquante du siècle dernier.

L'enfant terrible de la Grande Kabylie annonçait, avec ce retour réussi et non moins triomphal au pays des origines, cette culture de la gagne qui l'a réconcilié avec la patrie et la grande famille, grâce à ce seul art de savoir tripoter le ballon dont il usait d'une manière si singulière qui le différenciait amplement de ses pairs et nombreux adversaires.

Cependant, sur un autre plan, Omar Sahnoun, faisait, lui aussi, des émules parmi ces fils d'anciens émigrés d'Algériens, sur un tout autre registre, invitant indirectement ces « indigènes » d'aujourd'hui à emboiter le pas aux « harkis du maquis » en enfilant cet autre « uniformede la fortune » qui les différencie de leurs frères de sang et de lait.

En effet, toute une pléiade de grands talents et de noms confirmés du football de valeur mondiale sont donc venus s'engouffrer dans cette brèche ouverte par leur ainé dont ils constituent depuis le prolongement de cette lignée ayant compté dans son effectif des joueurs de renom tels Zinedine Zidane, Samir Nasri, Karim Benzéma ou encore Kamel Meriem...

Etant presque tous passés à la sauvette ou en catimini de l'autre côté, ces joueurs-là avaient donc, bien entendu, carrément tourné le dos à leur grande famille et surtout refusé d'honorer le maillot de leur patrie d'origine, préférant évoluer sous les couleurs de ce pays d'accueil qu'ils croient tous être le leur, à un moment où paradoxalement les français de souche, eux, au contraire, les considèrent encore tels de misérables migrants ou tout simplement de vulgaires indigènes.

Ils constituent - Zinedine Zidane surtout- cet autre (mauvais ou très intelligent) exemple à suivre pour les pépites nés sur le sol français et y évoluant depuis déjà leurs premiers pas de joueurs de football. Jusque-là, le divorce s'est donc fait en douceur. Bien loin de toutes ces méchantes douleurs dues aux mots violemment échangés de part et d'autre de la Méditerranée.

Aussi, faut-il encore le rappeler, que ces autrefois tout jeunes prodiges du football mondial, étant tous très conscients du choix à faire en son temps, n'ont jamais tenté de jouer avec les sentiments des Algériens, contrairement à cette autre perle rare qui montre le bout du nez et qui porte le nom de Nabil Fékir.

Ainsi, entre les deux « rives footballistiques de la Méditerranée » coulait à continus et grands flots ces autres attitudes attentistes et très calculatrices dont leurs maitres incontestables ne furent autres que ces rares artistes de la balle ronde en quête d'une très longue recherche identitaire qui leur aura fait rater tous les trains express et même ceux de banlieue, à un moment où ils étaient au sommet de leur gloire.

Lorsque l'on évoque des joueurs de la trempe de Madouni, Hemdani ou encore, à plus forte raison, celui de Ali Benarbia, le public sportif de tout bord ne peut être que circonspect sinon très triste au sujet de cette attitude plutôt inexplicable dont ils auront fait preuve, à un moment où le choix du cœur ?s'imposant de droit- ne pouvait, lui, laisser la moindre place à celui de la « raison » ?!

Ces trois grands noms du football français n'ont pu malheureusement faire profiter le football Algérien de tout leur savoir-faire et incontestable talent, étant entendu qu'ils n'avaient, chacun à une période déterminée, rejoint la sélection nationale que dans les « temps morts » ou additionnels de leur fulgurante carrière sportive au sein de leurs clubs professionnels respectifs.

Manquaient-ils vraiment de détermination dans le choix à opérer à une époque où ils pouvaient tous jouer au sein de n'importe quelle sélection footballistique de la planète ? Etaient-ils plutôt victimes de cet acquis de conscience de la vingt-cinquième heure qui est venu les ressourcer en fin de parcours avec leur patrie d'origine et leurs aïeux ?

Sinon faisaient-ils tous passer l'intérêt de leur club employeur bien avant ou au détriment de celui des couleurs de toute une nation, laquelle toute dernière éventualité aurait pu bien asseoir au plan international, à la fois, leur talent et grande réputation extra-muros ?

Seul un véritable exercice psychiatrique réalisé par d'imminents spécialistes en la matière au sujet de leurs comportements et réelles motivations d'alors peut éventuellement expliquer les véritables raisons liées à cette toute dernière slave dont ils en feront leur « baroud d'honneur ».

Quant à l'attitude, déjà dès le départ floue, très ambiguë et bien enfantine de Nabil Fékir, cet autre « athlète fils d'indigène » du club lyonnais, le public sportif Algérien, en fin connaisseur du comportement de ses siens expatriés, retient surtout que le joueur en question n'est plutôt pas habile dans ce jeu du contre-pied en dehors des terrains de jeu dont il s'est donné en spectacle.

Nabil Fékir avait cette chance terrible ou inouïe de devenir un second Mustapha Dahleb, mais il a plutôt préféré emprunter cette voie chère à Zinedine Zidane. A-t-il vraiment les moyens de nous faire d'abord oublier ces formidables « trucs » de Mustapha Dahleb, bien avant même de penser à réaliser cet « exploit » de Zinedine Zidane ?

A vouloir très tôt imiter ces grosses pointures ayant brillamment conquis le monde, il risque fort de terminer sa carrière internationale dans ses petites souliers !