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Chute du prix du baril de pétrole couplée à la baisse des exportations des hydrocarbures : Quels défis et stratégies pour l'Algérie ?

par Henni Mekki *

La situation et les perspectives du marché du pétrole et du gaz ont considérablement changé par l'apparition de nouveaux producteurs et consommateurs ainsi que de nouvelles sources d'énergies (renouvelables et non conventionnelles), qui affectent constamment le paysage énergétique. L'équation énergétique mondiale se trouve profondément modifiée et la demande d'énergie s'est vivement accélérée.

Au niveau international, chaque pays adapte sa politique énergétique selon ses ressources en matière d'énergie, ses réserves, sa demande énergétique en interne et ses besoins d'investissements, afin, de préserver sa souveraineté économique.

Avec une population estimée à 38 millions d'habitants en 2013, selon l'Office National des Statistiques (ONS), la consommation de l'Algérie en énergie a atteint 56 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP) en 2014, pour une valeur avoisinant les 41 milliards de Dollars US. En 2030, la demande énergétique risque de doubler dans les quinze (15) années à venir, et donc, d'atteindre probablement près de 80 milliards de Dollars US, d'autant plus que la consommation en gaz et en électricité connaît un rythme de croissance annuel de 14% à 18%. A noter que la forte hausse des besoins énergétiques, au niveau national, se traduira forcément par une diminution des exportations Algériennes, et donc, par une diminution des recettes financières si, parallèlement, aucun effort d'exploration ne serait entrepris.

En effet, à titre indicatif, la valeur globale des exportations des hydrocarbures est passé de 63,1 milliards de Dollars US en 2013 à 58,5 milliards de Dollars US en 2014 soit une baisse de 8% de même que la fiscalité pétrolière qui est passée de 3,67 milliards de Dollars US en 2013 à 3,4 milliards de Dollars US en 2014 soit une baisse de 8% également.

Jusqu'au premier semestre de l'année 2014, la hausse des prix du ?'Sahara Blend'' a fortement compensé la baisse des volumes commercialisés à l'exportation qui sont passés de 131 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP) en 2005 à 103 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP) en 2013, non seulement, du fait, d'une baisse de production mais aussi par rapport à la part réservée au marché national qui devient de plus en plus importante comme indiqué précédemment. Aussi, la production à un rythme rapide des Gaz et Pétrole non conventionnels aux Etats-Unis explique en grande partie le recul des exportations algériennes vers le marché américain de près de 40%. Par ailleurs, la baisse du prix du baril de pétrole, qui a commencé depuis le début de l'été de l'année 2014, a également influé (négativement) sur la valeur globale des exportations des hydrocarbures qui, comme indiqué plus haut, est passé de 63,1 milliards de Dollars US en 2013 à 58,5 milliards de Dollars US en 2014 (baisse de 8%).

Cependant, la production d'hydrocarbures, a connu une légère hausse durant l'année 2014 où elle a atteint 200 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP) soit une hausse de 4,4% par rapport à l'année 2013 où elle avait atteint 192 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP). Il est à noter que la production d'hydrocarbures en 2013, a connu une baisse de 4 % par rapport à celle de l'année 2012 où le secteur des hydrocarbures avait vécu une année morose marquée par le recul des partenaires du Groupe Sonatrach, l'attaque terroriste sur le site gazier de Tiguentourine et l'appauvrissement des gisements qui ont conduit à la baisse de production de Pétrole et de Gaz par rapport aux années précédentes. Malgré le déclin de certains gisements, en production depuis des décennies, qui a entraîné une baisse de la production pétrolière, l'Algérie a les moyens de reconstituer ses réserves d'hydrocarbures et c'est ce que nous sommes en train de relever à présent avec l'entrée en production de nouveaux gisements de Hamra, Gassi-touil et d'El merk.

Pour revenir à la chute brutale du prix du baril de Pétrole, les raisons principales de celle-ci sont d'ordre économiques mais surtout géostratégiques et se résument comme suit:

- Le ralentissement économique mondial, notamment dans les pays gros consommateurs, à savoir la Chine, l'Inde ainsi que le Brésil ;

- La faiblesse persistante des économies européennes conjuguée à des livraisons de pétrole plus faibles que prévu au Japon et au Brésil ;

- Le presque le trop-plein de la production des Pays Producteurs de Pétrole conventionnel à l'image de la Libye et de l'Irak mais aussi du rythme de production revue à la baisse par l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) qui continue de tabler sur une hausse de la demande mondiale de pétrole mais moins vite que prévu il y a quelques mois ;

- L'abondance du marché pétrolier, notamment par l'augmentation de la production du Pétrole de schiste aux Etats-Unis, qui est passée de 5,5 millions de barils par jour (mbj) en 2008 à 9,3 millions de barils par jour (mbj) en décembre 2014 avec des perspectives à plus de 9,3 millions de barils par jour (mbj) en 2015, poussant vers une surcapacité estimée à ce jour entre 1,5 à 2 millions de barils par jour (mbj), soit une vraie déstabilisation du marché;

- La hausse du Dollar US, poussant vers une baisse des prix du brut;

- La volonté de l'Arabie Saoudite de vouloir mettre en difficulté et tester la résistance les producteurs du Pétrole de schiste dont les coûts de production impliquent un prix de baril entre 60 et 70 Dollars US ;

- La volonté de l'Arabie Saoudite de vouloir affaiblir d'avantage l'Iran, ne lui laissant aucune chance de jouer un rôle majeur (ou de stabilisateur) au sein de l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP) ;

- Le refus de l'Arabie Saoudite de baisser l'offre de pétrole sur le marché mondial, de peur de perdre des parts de marché. Il est important de savoir que la production saoudienne avoisine les 10 millions de barils par jour (mbj), soit le tiers (1/3) de la production global des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP) et avec des réserves estimées à 270 milliards de barils, soit le un cinquième (1/5) du total des réserves mondiales, ceci pour montrer le poids que représente l'Arabie Saoudite, considérée comme étant le chef de file du cartel dans l'échiquier pétrolier mondial. Aussi, l'Arabie saoudite n'a pas besoin de faire d'importantes réductions de production car la baisse continue des prix poussera, selon son Ministre du Pétrole, les producteurs de Pétrole de Schiste à sortir du marché, à réduire l'excès de l'offre et à augmenter les prix. Selon une étude de Capital Economics, l'Arabie saoudite est économiquement «en position de force» par rapport à d'autres Pays membres de l'OPEP, et peut ainsi résister à la pression pour réduire sa production.

Aussi, la baisse du prix du baril de Pétrole est le fait que les perspectives d'une reprise de la croissance mondiale restent bouchées. En effet, l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a publié, récemment, des prévisions pour l'années 2015 qui montrent qu'une franche reprise ne sera pas au rendez-vous en Europe et dans les grands pays émergents, comme la Chine et le Brésil.

Il faut dire que personne n'avait vue venir cette brutale chute du prix du baril de Pétrole. En effet, à partir du mois de juin 2014, où le pic avait atteint un prix de 115 Dollars US, la chute du prix du baril s'est accélérée, au fil des mois, avec près de 56% de dégringolade en six (06) mois, sachant que la baisse d'un Dollar US du prix du baril de Pétrole occasionne une perte d'environ 700 millions de Dollars US et impacte le résultat opérationnel des compagnies pétrolières d'environ 275 millions de Dollars US selon BP (British Petroleum), au rythme actuel, ce sont des pertes de plusieurs milliards de Dollars US qui sont en jeu. Il est utile d'indiquer, qu'à moins de 100 Dollars US le baril du pétrole, plusieurs pays parmi les douze (12) états membres de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), notamment les plus peuplés, ne parviendront pas à faire face à leurs dépenses budgétaires, qu'il s'agisse des subventions à l'énergie ou des mesures sociales en faveur de l'emploi, du logement ou de l'éducation. Il y a là, une source de tension, au sein de l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP), entre ces pays et certaines pétromonarchies du golfe arabo-persique.

Même si nous enregistrons ces derniers temps une légère remontée du prix du baril de Pétrole sous l'effet conjugué d'une demande atone et d'une offre surabondante alimentée notamment par la production de Pétrole de schiste outre-Atlantique, ce dernier ne pourrait pour autant retrouver son niveau antérieur à la récente chute des cours en raison notamment d'une demande qui restera modérée dans un contexte économique peu dynamique. Le brut a ainsi réussi à grimper au-dessus de 50 Dollars US le baril, et à même légèrement dépassé la barre des 60 Dollars US mais sans pouvoir se maintenir à ce niveau ou aller au-delà, il a ainsi, relativement, profité de la fermeture de plusieurs puits de pétrole en activité aux Etats-Unis d'Amérique (USA) pour s'apprécier légèrement, tandis que cette réduction du nombre de plateformes a été interprétée comme le signe encourageant d'un rééquilibrage futur de l'offre en réaction à la chute des cours du pétrole. En effet, selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), le rééquilibrage du marché devrait intervenir rapidement mais sa portée sera relativement limitée, avec des prix se stabilisant à des niveaux plus élevés que les points bas observés récemment mais nettement inférieurs aux sommets de ces trois (03) dernières années.

Pour l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP), le facteur de rééquilibrage du marché dans le sillage d'un marché structurellement excédentaire, est la hausse de la demande mondiale de brut. Selon ses prédictions, la demande va progresser de 1,17 million de barils par jour (mbj) en 2015 contre un pronostic précédent de 1,15 million de barils par jour (mbj) mais le marché reste structurellement excédentaire avec un surplus de production quotidien de l'ordre de 1 million de barils par jour (mbj), relève-t-elle. Les commandes de brut adressées à l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP) doivent désormais atteindre 29,2 millions de barils par jour (mbj) en 2015 contre 28,8 millions de barils par jour (mbj) dans la précédente estimation mais ce chiffre reste largement inférieur à la production effective de l'organisation, qui s'est établie à 30,15 millions de barils par jour (mbj) en janvier 2015, en légère hausse par rapport à son plafond de 30 millions de barils par jour (mbj) fixé en 2008. L'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP) garde, cependant, un brin d'optimisme en évoquant un possible sursaut des débouchés cette année car les prix bas sont en mesure d'accélérer le rythme de la hausse de la demande.

Le marché mise désormais sur une baisse de production à moyen terme, résultat des coupes opérées par les compagnies pétrolières dans les investissements pour faire face à la faiblesse des prix qui rogne la rentabilité des projets. Toujours selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), la demande devrait croître plus rapidement que l'offre, au cours des six (06) prochaines années, soit en moyenne de 1,1 million de barils par jour (mbj) pour atteindre 99,1 millions de barils par jour (mbj) en 2020 contre 92,4 millions de barils par jour (mbj) en 2014 ce qui explique le redressement des prix, mais la consommation sera moins forte qu'anticipé auparavant, dans un contexte économique qui restera peu dynamique. Deux tiers (2/3) de cette hausse proviendra des pays non membres de l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP) où leur production atteindra 60 millions de barils par jour (mbj) en 2020, contre 56,6 millions de barils par jour (mbj) l'an dernier. Elle bénéficiera notamment du redémarrage, dès 2017, de la production très «élastique» du Pétrole de schiste outre-Atlantique, où elle devrait s'élever à 5,2 millions de barils par jour (mbj) en 2020, contre 3,6 millions de barils par jour (mbj) l'an dernier.

Dans le même temps, la hausse de la production va marquer le pas et l'offre devrait augmenter chaque année de 860.000 barils par jour (mbj), bien en deçà à la croissance de 1,8 million de barils par jour (mbj) de l'année 2014. Même la prétendue «guerre pétrolière» menée par l'Arabie Saoudite pour freiner l'essor du Pétrole de schiste américain n'est pas susceptible d'atteindre ses objectifs puisque la production du Pétrole non conventionnel outre-Atlantique est attendue à la hausse à 5,2 millions de barils par jour (mbj) en 2020 contre 3,6 millions de barils par jour (mbj) en 2014 comme indiqué plus haut.

Aussi, l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) estime que la récente baisse des prix du baril de Pétrole ne devrait avoir qu'un impact marginal sur la croissance de la demande mondiale pour le reste de la décennie. En janvier 2015, le Fond Monétaire International (FMI) a abaissé ses prévisions de croissance, jugeant justement que la chute des prix du baril de Pétrole ne suffirait pas à soutenir durablement l'économie mondiale où le Produit Intérieur Brut mondial (PIB) ne devrait plus progresser que de 3,5% en 2015 et de 3,7% en 2016, marquant dans les deux (02) cas un repli de 0,3 % par rapport aux projections d'octobre 2014. Elle explique que la faiblesse des cours de brut ne suffit plus à dynamiser la croissance économique mondiale et donc à augmenter la demande ou à freiner l'essor du Pétrole de schiste aux Etats-Unis, à l'origine de la surabondance de l'offre qui se traduit, selon ses pronostics, a une évolution des prix du baril de Pétrole sur le marché qui se situera autour de 55 Dollars US en 2015 et de 73 Dollars US en 2020.

Alors que l'évolution des prix du baril de Pétrole prévue sur le marché se situera autour de 55 Dollars US en 2015, on relève une augmentation dans les budgets de fonctionnement (forte explosion des importations et des dépenses publiques) qui devront encore être en grande partie financés par la fiscalité ordinaire et non pas par la fiscalité pétrolière à l'effet de permettre au fond de régulation de financer les investissements et gérer les excédents budgétaires liés aux exportations d'hydrocarbures et éviter autant que possible de l'utiliser pour financer les déficits budgétaires et ce, en mettant en place des mécanismes qui puissent permettre le maintien de l'équilibre du budget.

A ce sujet, l'une des mesures prise par les Pouvoirs Publiques est d'accroître l'assiette fiscale par l'intégration des intervenants informels (les opérateurs activant ?'au noir'') dans la sphère formelle. Bien que cette mesure soit insuffisante pour amortir les répercussions de cette conjoncture sur les capacités financières de l'Algérie qui, faut-il le rappeler, s'apprête à lancer un plan quinquennal 2015-2019 de 262 milliards de Dollars US, mais il faut admettre que l'économie informelle est fortement en expansion. En effet, celle-ci gangrène tous les secteurs d'activité et fait perdre annuellement au trésor publique d'importantes sommes d'argent d'où la nécessité aujourd'hui est de durcir les conditions d'importation en mettant un système fiscal plus dissuasif et contraignant. Ces mesures peuvent et sans aucun doute, s'ils viennent à être mises en pratique, renforcer les capacités d'amortissement des retombées des chocs externes sur l'économie nationale.

Il est utile de préciser que dans l'état actuel du fonctionnement de notre économie où plus de 97% des recettes extérieures de l'Algérie proviennent des hydrocarbures, il est évident que toute baisse des exportations mène à une diminution des recettes. En effet, l'exploitation des hydrocarbures demeure à ce jour un avantage pour l'Algérie mais aussi un inconvénient. Il est utile d'indiquer, qu'aujourd'hui, grâce à ses ressources, l'Algérie figure dans le top 15 des pays détenant les plus grandes réserves de change avec plus de 185 milliards de Dollars US. Mais cette richesse même si elle met le pays hors de danger grâce à son matelas financier, elle reste éphémère, c'est pour cela qu'il est plus que nécessaire de favoriser l'émergence d'une croissance économique durable comme celle de tirer vers le haut la production d'hydrocarbures tout en activant d'une part la mise en production des gisements déjà découverts et d'augmenter la prospection pour la découverte d'autres gisements conventionnelles ou non conventionnelles mais aussi développer le domaine de la Pétrochimie (qui n'a pas eu, par le passé récent, toute l'attention nécessaire) ainsi que le développement des énergies renouvelables, ce qui permettra à l'Algérie de mieux valoriser ses ressources hydrocarbures et développer par là même son tissu industriel.

A partir de ce constat, la question sur la sécurité énergétique de l'Algérie mérite d'être étudiée et explorée, profondément, car, il y va de l'avenir du Pays, même si, les découvertes réalisées ces dernières années qui, une fois mises en production, reconstitueront en partie les réserves hydrocarbures de l'Algérie, ce qui donne déjà beaucoup d'espoir sur l'avenir énergétique du pays.

Pour faire face à ces contraintes, la nouvelle politique énergétique de l'Algérie devrait donner la priorité pour le marché national et devrait passer par l'effort d'exploration en encourageant les partenaires étrangers à investir dans l'amont pétrolier pour améliorer la productivité des gisements et augmenter ses réserves tout en améliorant les taux de récupération de ses grands gisements, préparer l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, maximiser la valorisation des hydrocarbures (Raffinage et Pétrochimie) et se repositionner pour l'exportation du Gaz.

Pour l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, dont le potentiel en matière de gaz de schiste récupérable, a été récemment estimé, à 740 trillions de pieds cubes (TCF) sur un total de 4.940 trillions de pieds cubes (TCF) de réserves globales sur la base d'un taux de récupération de 15%, selon des évaluations réalisées par le Groupe Sonatrach avec des compagnies pétrolières internationales sur cinq ()5) bassins sahariens, en l'occurrence ceux d'Ahnet, de Timimoune, de Mouydir, d'Illizi et de Berkine, soit la quatrième (4eme) réserve mondiale, selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), avec 10% des ressources mondiales, après les Etats-Unis d'Amérique (USA) dont le taux de récupération varie entre 20% et 50% selon les gisements, la Chine et l'Argentine. Pour mieux assoir ces estimations et appréhender l'exploitation de cette nouvelle ressource, il est vivement conseillé, de prendre en considération les quatre (4) mesures suivantes à savoir: Continuer à évaluer le potentiel sur le plan quantitatif, mesurer son exploitabilité, évaluer sa rentabilité commerciale et évaluer l'impact sur l'environnement, et ce, avant toute autorisation d'exploitation. Pour cela, il faut mener des études sur de grandes surfaces, procéder à des forages d'appréciation, mettre en place des projets pilotes d'exploitation et enfin évaluer l'impact sur l'environnement.

Ainsi, il est utile de rappeler que l'exploitation du gaz de schiste, en Algérie, est indispensable au-delà de l'année 2025 pour assurer l'approvisionnement sans risque du marché intérieur à l'horizon 2035 notamment l'augmentation du rythme de la consommation des hydrocarbures qui est prévue de doubler d'ici 2030, et ce, dans le but d'assurer l'indépendance énergétique du pays dans quelques décennies, impliquant une certaine indépendance financière et permettant d'inclure cette énergie dans le mix énergétique national.

Par ailleurs, les réserves des ressources conventionnelles, qui sont de l'ordre de 4700 milliards de m³, peuvent contribuer à bien se positionner par rapport à l'exploitation des ressources non conventionnelles, d'autant plus qu'une analyse coût/avantages/rentabilité, montre, à première vue, qu'il faut mesurer, avec efficacité, l'exploitabilité et surtout la rentabilité du gaz de schiste, d'où probablement un chevauchement, à un certain moment (entre 2025 et 2030), entre l'exploitation des ressources conventionnelles et des ressources non conventionnelles afin de mieux gérer la transition et surtout assurer l'indépendance énergétique du pays. Afin de répondre aux enjeux environnementaux, il est fortement recommandé de mettre en place une réglementation spécifique, dans un cadre transparent, privilégiant la concertation avec les experts en la matière. Cette réglementation ne doit pas être sous-dimensionnée, elle doit être adaptée à la problématique spécifique aux hydrocarbures non conventionnels. La mise en œuvre de cette réglementation implique un effort important de l'industrie (contrôle et maîtrise des procédés) et des Pouvoirs Publics (réglementation et contrôle des activités). Ne maitrisant pas totalement la technologie de l'exploitation du gaz de schiste et ne disposant pas des équipements nécessaires au forage de ces puits, il est nécessaire de privilégier au début l'option du partenariat, mais cependant, un partenariat contrôlé et strict, notamment en matière des clauses contractuelles, liées aux aspects de l'environnement et au transfert technologique, sans oublier, la bonne gouvernance (qui reste une condition primordiale à la réussite de ce nouveau pari) en relation avec la mise en place de ces partenariats, en clair, il est plus qu'important que les Pouvoirs Publics jouent le rôle de régulation et de supervision.

Par ailleurs, le développement des projets Pétrochimiques et de Raffinage devra s'inscrire dans le cadre de la valorisation des matières premières et le renforcement de l'Investissement Direct Etranger (IDE) en Algérie, conformément à la politique en vigueur, et favoriser les alliances et le partenariat dans des projets en garantissant la réussite du partenariat et en préservant les intérêts des uns et des autres. En effet, l'Algérie devra chercher son positionnement sur le marché international de la Pétrochimie par une forte présence à l'international sur le marché des produits finis à travers notamment une commercialisation conjointe. Une bonne partie des productions sera alors destinée à l'exportation, procurant ainsi des revenus supplémentaires en devises pour l'Algérie, l'autre partie sera quant à elle destinée à intégrer l'industrie nationale et ce, à travers la fabrication de matières premières pour la filière chimie servant à produire les détergents, les peintures, le plastique, le caoutchouc et les emballages. En outre, les projets Pétrochimiques, une fois lancés, permettront la création de postes d'emplois dans des domaines variés aussi bien pendant la phase construction que la phase exploitation.

Le développement des projets Pétrochimiques et de Raffinage devra viser notamment ce qui suit :

- Le développement du tissu industriel en Algérie ;

- La satisfaction de la demande du marché national en carburants et produits pétrochimiques ;

- La pénétration du marché international à travers une commercialisation conjointe avec nos partenaires, des produits pétrochimiques;

- Le développement socio-économique de certaines régions Algériennes.

Aussi, il est vrai qu'avec le renouvelable, l'Algérie pourrait réduire la consommation domestique de gaz car l'électricité étant en grande partie produite aujourd'hui par le thermique gaz (97% de l'électricité, au niveau national, est produite à partir du gaz), mais pour y arriver à cela, il faut impérativement développer de nouvelles technologies, instituer une nouvelle culture de consommation et enfin réduire les coûts afin de pouvoir utiliser et exploiter cette ressource. En effet, le développement des énergies renouvelables en Algérie, qui revêt un intérêt particulier, devra inciter les Pouvoirs Publics à donner un nouvel essor à ce secteur en vue de les substituer aux énergies fossiles dont les ressources se font de plus en plus rares. Consciente de l'intérêt grandissant des énergies renouvelables et de leurs enjeux, l'Algérie aura à intégrer encore d'avantage le développement des énergies renouvelables dans sa politique énergétique, ce développement, qui est certes encadré par un ensemble de textes législatifs, devra être continu et soutenu.

Il s'agit là, à la lumière de ce qui précède, des principaux défis auxquels l'Algérie devra faire face à moyen et long termes pour répondre à la demande interne et externe et assurer ainsi la sécurité et l'indépendance énergétique de notre Pays. En somme, l'indépendance énergétique, c'est plus que du grignotage, c'est une grosse bouchée stratégique dans cette offensive visant à diversifier nos sources d'énergie, satisfaire la demande interne (Gaz Naturel et Produits Pétroliers) et externe (Pétrole et Gaz Naturel) et améliorer par là même, positivement, la balance commerciale de l'Algérie.

Aussi, pour pouvoir sortir d'une politique économique basée essentiellement sur les hydrocarbures, il est à mon sens primordial de se pencher sur ce qui suit :

- Avoir des prévisions fiables et surtout une vision à moyen et long terme;

- Créer un centre névralgique de compétences qui devra regrouper les experts dans tous les domaines à l'instar de ce qui a été appliqué dans les pays émergents ;

- Diversifier l'économie nationale en vue de ne plus dépendre du marché pétrolier qui sera toujours un marché turbulent, spéculatif et donc incertain ;

- Mettre en place une politique d'investissement transparente et objective en favorisant la production locale, et ce, en éliminant tous les obstacles bureaucratiques ;

- Profiter de cette période de crise en procédant à l'achat d'actifs industriels permettant de réduire les importations qui vont atteindre 65 milliards de Dollars US durant l'année en cours ;

- Instaurer une nouvelle politique de cession du gaz où actuellement 97% de l'électricité est produite à partir du gaz naturel, ainsi, il faut concrétiser, au mieux, le plan de développement des énergies renouvelables, à l'exemple de la centrale électrique hybride (combinaison de gaz et de solaire) déjà opérationnelle à Hassi R'mel, en clair, revoir le modèle de consommation ;

- Profiter de cette crise en procédant à l'augmentation des réserves, à l'international, en matière de pétrole, du fait que certaines entreprises du même secteur que le Groupe Sonatrach, seront certainement en difficulté ;

- Produire selon les besoins internes et en fonction des besoins d'investissements où le rythme de production doit être suivi par un rythme équivalent de découvertes.

Par ailleurs, le problème pour l'Algérie ne se pose pas en termes d'évolution baissière ou haussière du prix du baril de Pétrole mais dans sa capacité à réaliser la transformation structurelle de son économie. Une économie encore vulnérable et qui peine à sortir de sa dépendance des hydrocarbures. Il est essentiel de rappeler, que la situation que nous vivons aujourd'hui a au moins le mérite de nous révéler que nous n'avons pas assez travaillé pour préparer l'après-pétrole. Il s'agit maintenant de passer du discours aux actes, de diversifier l'économie et les exportations hors hydrocarbures. Il est question de donner un contenu précis à cet après-pétrole, y aller résolument et concrètement, à travers la promotion de l'économie des services utiles notamment aux entreprises, le développement des technologies de l'information et de la communication, la recherche-développement. C'est le moment de procéder aux changements attendus et préconisés par tant de spécialistes en passant d'une politique économique basée essentiellement sur les hydrocarbures à une politique économique diversifiée en gérant avec rigueur ses réserves de changes.

La stratégie des Pouvoirs Publiques, à l'horizon 2014-2030, devrait s'appuyer sur le déploiement d'un modèle de croissance durable basé sur un programme d'investissements rentable, et dont, la mise en œuvre devrait avoir pour objectifs la croissance de ses activités d'exploration et production d'hydrocarbures, notamment ce qui suit:

- L'amélioration des taux de récupération sur les gisements de pétrole et de gaz ;

- Le renforcement de sa position mondiale parmi les leaders sur les marchés du gaz naturel et du GNL ;

- La mise en place d'un modèle de consommation énergétique tenant compte tant des mutations internes que des nouvelles mutations mondiales dans ce domaine ;

- L'adaptation de son outil de raffinage à l'évolution du marché intérieur;

- La mise en place d'une stratégie en matière de transition et modèle de consommation énergétique vers l'économie d'énergie et le renouvelable;

- La mise en place d'une politique axée sur l'utilisation du gaz et des énergies renouvelables liée à des prix appropriés;

- La consolidation de ses positions en Europe en accédant à l'aval gazier tout en cherchant des développements ciblés sur le marché asiatique ;

- Le développement de la pétrochimie avec la création d'un nouveau pôle pétrochimique d'excellence;

- L'exploitation au-delà de 2025 des gaz de schiste pour assurer l'approvisionnement du marché intérieur au-delà de 2035 et enfin s'affirmer comme étant un acteur pétrolier et gazier et non plus, seulement comme une source.

Enfin, les risques pour la stabilité financière des Pays Exportateurs de Pétrole induits par cette dégringolade des cours pétroliers, et par voie de conséquence ceux du Gaz car indexé sur le prix du Pétrole, sont relevés par plusieurs institutions internationales telles le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM). C'est dans ce sens que des initiatives sont menées par l'Algérie pour trouver une base consensuelle à même d'enrayer la chute des cours de brut, et ce, en direction de Pays Producteurs de Pétrole membres ou non de l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole (OPEP).

* Expert en Management Général et Industriel Ancien Cadre Dirigeant de Sonatrach