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Education : Entre «mini crise» et «pagaille générale»

par Abdelkrim Zerzouri

L'entêtement des parties en conflit dans le secteur de l'Education mène, inlassablement, l'école vers des horizons sombres.

Les syndicalistes campent sur leurs positions, s'accrochant à leur droit de grève et qualifiant la position du ministère de tutelle de fuite en avant. Quant au ministère de l'Education nationale, il met en branle une série de démarches afin de ne plus entendre l'écho de cette note discordante, la grève, qui perturbe la symphonie pédagogique, usant en cela de tous les moyens pour y arriver. Quelques jours avant la rencontre du ministère de l'Education avec les membres de la Coordination d'une dizaine de syndicats, prévue le samedi prochain, Mme Nouria Benghbrit multiplie les appels pour convaincre les partenaires sociaux regroupés au sein de l'Intersyndicale de renoncer à leur grève annoncée pour les 9, 10 et 11 mars prochains. Après la mise sur la table des négociations avec les partenaires sociaux la signature d'une charte d'éthique, proposition qui a été du reste rejetée à l'unanimité dans sa mouture ministérielle, Mme N. Benghebrit revient avec une nouvelle proposition, avancée lors d'une émission diffusée par la télévision publique (ENTV), en l'occurrence « la création d'un organe de médiation pour conduire et faciliter les discussions avec les syndicats ». « J'ai considéré que le dialogue institutionnel est une nécessité au niveau du secteur, même si parfois je me dis que peut-être un organe de médiation aurait été nécessaire », a indiqué Mme Benghebrit en marge de l'ouverture de la session de printemps du Conseil de la nation, sans fournir plus de précisions sur cet organe. Elle estimera, toutefois, que « plus que l'arbitrage, la médiation au niveau du secteur permettra d'amener ces représentants syndicaux à s'habituer, aussi, à ce que ??négocier'' veut dire ». Et sans surprise, la ministre a déclaré que la rencontre avec les syndicats, prévue le 7 mars, aura pour objectif d'aborder « les problèmes demeurés en suspens », et non « la concrétisation de quelques menus revendications » comme l'auraient espéré les syndicats. Sur ce registre, elle a réaffirmé ses engagements pris lors des précédents rounds de dialogue avec les partenaires sociaux, estimant qu'il n'était pas possible de satisfaire « toutes » les revendications exprimées par les syndicats de l'Education. Ainsi, les syndicalistes iront à cette rencontre avec des airs sceptiques. « Rien de nouveau qui puisse nous convaincre des bonnes intentions du ministère. C'est une rencontre qui ressemble à celles qui l'ont précédée, on ne s'attend pas à un dénouement de la crise, la tutelle veut seulement gagner du temps avec des pratiques stériles », relève le porte-parole de l'Unpef, M. Amraoui. Contacté au téléphone, hier, à propos des développements dans le bras de fer qui oppose l'Intersyndicale au ministère de l'Education, notre interlocuteur n'a pas utilisé de gants pour dénoncer et ces rencontres de « pure forme » qui ne font que « renforcer le statu quo » et le recours abusif aux menaces contre les grévistes. « Il est admis qu'on va tourner autour du pot sans aller à l'essentiel, la concrétisation des engagement pris par les pouvoirs publics pour satisfaire nos vieilles revendications. On va encore discuter, lors de cette rencontre du samedi prochain, de charte d'éthique et d'autres aspects qui effleurent à peine la réalité du malaise dans le secteur de l'Education », nous dira notre interlocuteur, non sans souligner le fait que, selon une étude américaine publiée ces derniers jours, l'enseignant algérien est classé au bas de l'échelle dans le monde arabe en matière salariale. De son côté, le Snapest plaide pour « une évolution des positions », estimant dans ce contexte qu' « il y va de l'apport de tout le monde ». Interrogé sur l'évolution des évènements, le coordinateur du Snapest, M. Méziane Mériane, considère que « les parties en conflit sont condamnées à trouver une entente. Il faut qu'il y ait volonté de part et d'autre qui nous permettra de dépasser cette mini crise », a-t-il estimé. Notre interlocuteur rappellera que plusieurs propositions ont été soumises à la tutelle, dont l'introduction de la « méthodologie pour régler les conflits » dans l'élaboration de la charte de l'éthique ainsi que la présence de représentants des secteurs des Finances, du Travail, de la Fonction publique lors des discussions entre les partenaires sociaux et la tutelle. « De la sorte, on ne nous dira plus qu'il faut consulter telle ou telle partie avant de décider du sort de nos revendications », souligne-t-il. Plus tranchant dans ses positions, le Cnapest, qui boucle sa troisième semaine de grève, parle de pourrissement de la situation. « C'est le blocage ! », nous dira hier le porte-parole du Cnapest, M. Boudiba. Celui-ci parle de manœuvres de la tutelle à travers les médias en faisant croire qu' « elle privilégie le dialogue alors qu'il n'en est rien ». « Nous sommes en grève, et le ministère maintient les mêmes pratiques d'intimidation, de menaces, défalcation des journées de grève des salaires des enseignants grévistes, salaire dont le versement a été avancé au 5 mars tout juste pour dissuader d'autres de faire grève, empêchement de nos représentants syndicaux de pénétrer dans les établissements scolaires, et la liste est longue d'une stratégie initiée dans le faux sens », se désole notre interlocuteur qui parle de « pagaille générale » dans les établissements scolaires durant ces jours d'examens qu' « on tente de mener à la hussarde ».

Quant à l'initiative de la ministre, qui a annoncé « l'organisation de réunions, demain, entre les directeurs de l'éducation à travers le territoire national et les représentants des syndicats pour se pencher sur les problèmes au niveau local », tous les syndicalistes se sont montrés outrés au plus haut point de cette décision qu'on a qualifiée de « festival syndical », une autre fâcheuse tournure du dialogue.