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La force du «made in Germany»

par Akram Belkaïd, Paris

En Europe, et plus particulièrement en France, un débat récurrent divise les experts, à propos de l’état réel du modèle allemand. D’un côté, il y a ceux qui rendent hommage à une économie dynamique et, de l’autre, on trouve ceux qui relèvent que ce pays est miné par les inégalités et par l’extension du phénomène des travailleurs pauvres. Et d’ajouter aussi que l’Allemagne va finir par payer, cher, sa cure d’austérité qui l’empêche, par exemple, d’investir dans des infrastructures, de plus en plus, vieillissantes.

UN RECORD HISTORIQUE

Les récents chiffres publiés par l’Office fédéral de la Statistique ‘Desatis’ vont, certainement, conforter les laudateurs du modèle allemand. En effet, en 2014, le « made in Germany » a, encore, fait des étincelles, avec un excédent du Commerce extérieur historique, puisqu’il a dépassé, pour la première fois, la barre des 200 milliards d’euros, à 217 milliards d’euros (c’est plus de 3 fois les recettes annuelles de l’Algérie). Par rapport à 2013, année, déjà, marquée par une performance exceptionnelle à 195 milliards de dollars, l’excédent progresse, donc, de 11%. Une chose est certaine : rien ne semble affecter la compétitivité allemande et l’attrait que le « made in Germany » représente, pour le monde entier, à commencer par la Chine et les autres pays émergents.

Plusieurs facteurs conjoncturels expliquent ce chiffre impressionnant. D’abord, il y a la baisse de l’euro, en 2014, ce qui a encouragé des exportations qui ont progressé de 3,7% à 1.133,6 milliards d’euros (les importations ont progressé de 2% à 916,5 milliards d’euros). Ensuite, il y a le fait que l’Allemagne semble avoir compensé les défaillances d’autres exportateurs habituels, comme l’Italie ou l’Espagne. Enfin, l’Allemagne a tiré son épingle du jeu, dans certaines zones de forte demande, comme les pays du Golfe ou l’Asie. Mais, à regarder, de près, les chiffres de son commerce extérieur, on note une chose importante : c’est, tout de même, avec ses partenaires de l’Union européenne (UE) que ce pays réalise, près de la moitié de ses transactions commerciales. A destination de la zone euro, les exportations ont progressé de 5,4% et de 10,2% avec les membres de l’UE qui n’ont pas adopté la monnaie unique.

Ces derniers chiffres vont, par contre, renforcer une critique récurrente, à l’égard de l’Allemagne. En effet, de nombreux économistes estiment que puisque l’augmentation de ses exportations se fait, d’abord, dans l’UE c’est que cela se fait, donc, au détriment de ses partenaires européens. En clair, la compétitivité allemande fait des victimes dans des pays comme l’Italie, l’Espagne ou même la France. Et cela, dans un contexte où Berlin est accusé de ne rien faire pour doper sa consommation intérieure (ce qui permettrait à ses voisins européens d’écouler plus de produits sur son propre marché).

UN MANQUE DE SOLIDARITE EUROPEENNE ?

Ces critiques sont fondées. Dans une zone censée consacrer la solidarité, entre ses membres, comme principe structurel, le cavalier seul du « made in Germany » a tendance à saper la cohésion de l’Union. Certes, rien n’empêche ses partenaires d’essayer de faire aussi bien. Mais la question du développement de son marché intérieur est devenue un vrai motif de crispation avec les autres membres de l’UE. Bien entendu, la question est aussi d’ordre politique. Ayant perdu le deutschemark, obligés d’accepter que la Banque centrale européenne (BCE) ne soit pas aussi rigoureuse et orthodoxe que ne l’est la Bundesbank (la Banque centrale allemande), les Allemands trouvent un vrai motif de fierté et de réconfort, dans les performances de leurs exportateurs. La question reste de savoir si cela ne finira pas par engendrer de vrais problèmes avec les autres membres de la zone euro, dont les soldes commerciaux sont négatifs.