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Et si l’Allemagne cherchait la fin de l’euro ?

par Akram Belkaïd, Paris

A quoi joue l’Allemagne ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser à la lecture des dernières péripéties du bras de fer entre la Grèce et l’Union européenne (UE). On le sait, le nouveau gouvernement d’Athènes né de la victoire électorale de la coalition Syriza, ne veut pas du maintien du plan « d’aide » piloté par la Troïka (Banque centrale européenne ou BCE, Fonds monétaire international ou FMI et Commission européenne). Un refus qui ne cesse d’être réitéré et qui semble conduire l’Europe et la zone euro vers une crise majeure.
 
UNE FERMETE SANS FAILLE
 
Dans cette affaire, qui est à blâmer ? Il ne s’agit pas de savoir qui a fait quoi par le passé mais de déterminer les responsabilités actuelles vis-à-vis de la suite. Dans cette affaire, Syriza et ses représentants sont dans leurs droits. Ils ont été élus sur un programme et tiennent leurs promesses électorales. Cela étant, la caractéristique des Etats de droit est qu’ils doivent respecter leurs engagements quelles que soient les majorités électorales qui les dirigent. En clair, Syriza a le droit de remettre en cause ce que ses prédécesseurs ont signé mais cela ne peut se faire de manière unilatérale, le mieux étant que cela passe par la négociation.

Or, et c’est là où le bât blesse, il ne semble pas que l’Europe soit décidée à négocier. A plusieurs reprises, lors de la tenue de l’Eurogroupe, la réunion des ministres des Finances de la zone euro, le message a toujours été le même. Le plan d’aide à la Grèce doit aller jusqu’à son terme et Athènes, élections gagnées par Syriza ou pas, doit continuer à appliquer les réformes imposées par la Troïka. A ce sujet, il n’est pas faux de dire que de nombreux responsables européens, à commencer par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, semblent éprouver une large répulsion à l’égard de Syriza et de ses idées politiques tout en estimant que le choix électoral d’un peuple, c’est-à-dire la démocratie, doit s’effacer derrière les textes et traités européens.

Selon la majorité des informations concernant cette crise, la fermeté des Européens vient surtout de la position allemande. Ce serait donc Berlin qui pèserait de tout son poids pour obliger ses partenaires à ne rien concéder aux Grecs. Ces derniers ne s’y sont pas trompés puisque la chancelière Angela Merkel est régulièrement conspuée dans les manifestations contre l’austérité. Mais pourquoi l’Allemagne ne veut-elle rien lâcher ? Une première explication avancée est que ce pays a connu une longue période d’austérité après la réunification et qu’il lui semble normal que la Grèce paie le prix de ses errements passés (absence de politique budgétaire cohérente, corruption…). Une deuxième raison est que l’Allemagne demeure attachée aux dogmes monétaristes et qu’elle refuse tout ce qui pourrait, de loin ou de près, affaiblir la monnaie et rallumer l’inflation. Déjà, le gouvernement Merkel a été obligé d’accepter que la BCE rachète des obligations d’Etat aux banques. Ce qui, vu sous l’angle orthodoxe, est une complète hérésie.
 
VERS LA FIN DE LA ZONE EURO ?
 
 Reste une dernière explication avancée par plusieurs commentateurs dans la presse économique européenne. Ces derniers commencent en effet à se demander si l’Allemagne n’est pas en train d’organiser une implosion de la zone euro ou, du moins, sa reconfiguration. Constatant que cette union monétaire ne « marche pas » en raison de la divergence entre économies du nord et celles du sud, le gouvernement Merkel chercherait ainsi l’occasion de provoquer une cassure en faisant porter la responsabilité de la fin de la zone euro à la Grèce. Politique-fiction ? A voir la manière brutale dont Berlin traite le dossier grec, une attitude qui oblige Syriza à demeurer ferme, on est en droit de se poser la question de savoir si l’Allemagne n’est pas en train de manœuvrer pour créer une nouvelle zone monétaire dont seraient exclus les pays européens aux économies fragiles et aux finances incertaines.