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L’avenir de la Grèce et de l’Europe en balance

par Akram Belkaïd, Paris

Un rendez-vous de tous les dangers… C’est aujourd’hui mercredi 11 février que doit se réunir à Athènes l’Eurogroupe, instance regroupant les pays membres de la zone euro. Au programme, la décision ou non des Européens d’accorder un délai à la Grèce et de répondre favorablement à sa demande de renégocier la dette grecque (321milliards de dollars). Une renégociation qui passe nécessairement par une suspension, même temporaire, du plan des réformes imposées à Athènes par la Troïka (Banque centrale européenne ou BCE, Fonds monétaire international ou FMI et Commission européenne).
 
PLUSIEURS SCENARIOS POSSIBLES
 
Quels sont les scénarios possibles ? Le premier, celui qu’espèrent nombre de capitales européennes, est que le gouvernement d’Alexis Tsipras cède et baisse les armes. Face aux diverses pressions déployées depuis trois semaines, notamment celles de la BCE qui a décidé de ne plus refinancer les banques grecques, le Premier ministre de gauche se rendrait ainsi au principe de réalité. Cela signifierait qu’il accepte de remettre en route les réformes sur lesquelles s’est engagé son prédécesseur et, surtout, qu’il abandonne certains de ses projets de dépenses publiques. Mais, autant le dire tout de suite, on voit mal Tsipras abdiquer et se renier. Cela lui vaudrait une mort politique certaine et la colère de ses électeurs.
 
Une autre option, est la fermeté d’Athènes avec comme perspective immédiate un retentissant bras de fer avec ses partenaires européens. Ces derniers, comme de gentils soldats, sont tous rangés derrière l’inflexible Allemagne qui ne veut pas entendre d’une remise en cause de l’austérité. Dès lors, c’est le scénario du pire qui risque d’être brandi par les Européens qui pourraient décider de mettre la Grèce à la porte de la zone euro. Une option que refuse le gouvernement Tsipras et dont personne ne connaît les éventuelles conséquences sur la Grèce mais aussi et surtout sur la zone euro. Un tel événement pourrait en effet provoquer une grave crise financière, une hausse brutale des taux d’intérêts (cela augmenterait la dette d’autres Etats européens) ainsi qu’une baisse violente de la devise européenne. Dès lors, on comprend pourquoi Tsipras ne veut rien céder. Il sait que les Européens, Allemands compris, ont à cœur de protéger l’euro.
 
Une autre piste est le pourrissement de la situation avec deux interlocuteurs qui ne cèdent rien. Le calcul des Européens serait alors évident. Ils attendront que la Grèce soit encore plus étranglée financièrement – elle pourrait être incapable de rembourser sa dette dès le mois de mars prochain. Un pari là-aussi risqué, car personne ne sait comment la situation peut évoluer en termes de rapport de forces politiques entre les différents partis grecs. De fait, chacun est conscient que l’échec de Syriza peut déboucher sur des troubles, voire sur la montée en force de l’extrême droite.
 
UNE SORTIE DE CRISE NEGOCIEE ?
 
Mais Athènes pourrait obtenir un geste de ses partenaires avec la mise en place d’un accord transitoire où, d’un côté de l’argent serait débloqué par la Troïka et, de l’autre, quelques réformes de second rang seraient acceptées par Tsipras. Ce scénario est de plus en plus évoqué dans les milieux économiques et financiers qui s’inquiètent d’une rupture éventuelle des négociations. Mais il reste un grand obstacle à vaincre qui est celui de l’intransigeance allemande. Une fermeté quasi-obsessionnelle que les propos de Tsipras sur la dette forcée de la Grèce à l’Allemagne nazie n’a pas affaiblie, bien au contraire (le Premier ministre grec a estimé que son pays avait l’obligation morale et historique de réclamer des dommages de guerre à l’Allemagne). Dans ces circonstances, on comprendra aisément que c’est peut-être l’avenir même de l’Union européenne qui se joue en ce moment en Grèce.