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L'austérité oui, mais pour qui ?

par Ahmed Farrah

Plus de pain blanc, l'Algérien aurait tout mangé ! L'état providence a ses limites. Le cours du baril l'a voulu : ou plutôt ceux qui ont pris le risque, et sans précaution aucune, d'engager la gouvernance économique du pays exclusivement dans la voie de la dépendance rentière, mais combien aléatoire et dangereuse.

Hier encore, ils claironnaient qu'en cas de disette, le matelas de billets verts, est bien épais pour protéger le pays, du choc de l'éclatement de la bulle, pendant quelques années encore. Les idées leur manquaient et leur manquent toujours, la volonté surement aussi, pour s'affranchir de cette situation, aventurière et désastreuse pour l'existence et la pérennité de l'état.

Le désert industriel voulu ou subi, les a aidés à miser encore et encore sur le marché de pacotilles dilapidateur. La nouvelle religion libérale, non régulée, imposée par la mondialisation et la libre circulation des biens mais pas des hommes, ne cesse de faire des ravages parmi les peuples d'en bas : les chômeurs, les sans revenu décent et la classe tampon qui se réduit comme une peau de chagrin. L'économie informelle s'est bien installée et consolidée pour durer, elle n'est ni souterraine ni exceptionnelle, elle est la règle qui gère le quotidien des Algériens, sans chéquier ni facturier, elle fait sa loi. La fiscalité n'est en fait réellement supportée que par le fonctionnaire, le consommateur et le dernier de la chaine écologique, or les requins savent quitter le filet et les loups les niches et les assiettes fiscales.

Les oligarques, les riches arrivistes, les rescapés de la misère d'hier, sécrétés par cette conjoncture du trouble financier, couvrent leurs arrières dans les paradis fiscaux offshore et d'ailleurs, leur présent se confond dans le méga train de vie, ostentatoire qu'ils étalent, sans mérite, sans honte ni scrupule. La bourse des monnaies est au square Port Saïd et sur les places des cambistes improvisés, des autres villes où l'Euro et le Dollar passent de main en main à la lumière du jour et au nez du flic et du fisc en l'absence d'un organisme régulateur, ce qui facilite le transfert de capitaux douteux par des circuits bien huilés et graissés. Les dossiers de corruption et de détournements traités devant la Justice sont courants et anodins, tout devient normal et banal, l'Algérien ne s'offusque plus. L'absence de vision globale et de stratégie de développement, mèneraient, tout droit, à la faillite économique et au risque de l'altération de la paix civile chèrement affrétée, si des mécanismes compensatoires du déficit de la balance commerciale ne sont pas vite trouvés. La gabegie est surtout due au robinet qui coule d'air et de liquide fossiles que, paradoxalement chez les autres qui n'étaient, il n'y a pas si longtemps, que des bédouins chameliers, eux, ont su faire fructifier leurs richesses, venues aussi de l'or noir, ont diversifié leurs économies ; ont bâti à partir du néant désertique, des pays prospères et modernes qui font rêver les autres peuples perplexes et envieux, qui vivent encore dans des taudis et dans l'insalubrité matérielle et mentale.

L'épicentre de la finance mondiale se transpose petit à petit, mais surement vers ces pays du golf arabe. Leurs mégapoles futuristes sorties du sable, attirent les hommes d'affaires et les grandes fortunes de toute la planète. La plus grande plateforme de transit aéroportuaire du monde et les plus grandes compagnies aériennes sont émiraties et Qataries, elles drainent des millions de voyageurs et de touristes. Les prestigieuses universités américaines y ont créé leurs filiales, les grands musées et les grandes galeries d'exposition d'art s'y sont installés. Ils ont investi dans l'industrie, les services, l'art, et l'immobilier dans beaucoup de pays occidentaux ; leur stratégie est claire et expansionniste : les Émiratis et les Qataris veulent occuper l'espace mondial et montrer qu'ils sont là, qu'ils pèsent sur le sort des peuples et comptent parmi les décideurs du grand monde. Aujourd'hui, ils peuvent se passer du pétrole et du gaz, les placements financiers qu'ils ont réalisés dans leurs « petits » pays et dans le monde, leur suffisent amplement. Ils ne s'arrêtent pas là, managés par les plus grandes compétences internationales dans tous les secteurs d'activités économiques, culturelles, scientifiques, sportives et humaines : ils se sont offert des canaux médiatiques, avec leurs chaines de télévision qui ont orienté le destin de beaucoup de pays arabes qui se voyaient plus puissants qu'eux, et sur leurs dirigeants qui, certains d'entre eux furent balayés et d'autres ont eu, quand même, de la frousse bleue et des sueurs froides pendant ce qui est appelé : le printemps arabes.

Actuellement, ils utilisent le sport mondial avec les grands clubs européens de football comme vitrines et placards publicitaires de leur succès bien installé dans le temps et leur puissance financière terrifiante. Certains diront que leur faible démographie leur permet de réaliser ce qu'ils entreprennent ! Oui mais ils pouvaient aussi se contenter de consommer la « Giga-rente » pétrolière intarissable ; eux ont fait l'autre choix : celui du développement humain, quand l'Algérie importe pour 3Mrds de $ de poudre de lait (la France avec tous ses fromages ne consommerait pas autant), cette cagnotte peut créer des dizaines de méga fermes-usines laitières, comme il se fait en Hollande et en finir, une fois pour toute avec la dépendance alimentaire. L'Algérie n'est qu'une des victimes collatérales de la guerre des prix du pétrole déclarée, que mènent les pays du Golf aux autres : principalement, l'Iran chiite (véritable ennemi et concurrent du sacré qu'ils veulent exclusivement pour eux et sans partage) et ses alliés Syriens et Russes, mais en réalité, le pays est surtout victime de ses choix politiques et économiques stériles, qui le rendent si vulnérable. Avec les 600 Mrds de$ de recette ces 15 dernières années, l'Algérie a raté son émancipation économique, agricole et son développement humain.

Une grande erreur fondamentale qui risque de lui couter cher et aussi à ceux à qui, on demande aujourd'hui l'austérité ; le petit peuple qui n'est pas encore sorti de la crise multiforme dans laquelle il y est depuis qu'il avait placé tout son espoir dans la libération de sa terre. La logique serait de chercher et rapatrier les capitaux blanchis de ceux qui ont profité illégalement des largesses du système, pour sauver ce qui pourrait être sauvé. Mais est ce que, ceux qui sont aux affaires ont la volonté de le faire ? Est-il possible de le faire ? Non, c'est trop naïf d'y croire, l'Algérie n'est ni les USA ni un pays de tradition fiscale dans l'élaboration de son budget global et de sa loi de finance ; malheureusement !