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In Salah, aux sources de l'utile

par Slemnia Bendaoud

Chaud est l'hiver cette année dans la région ! Et même si le mercure est descendu pour l'occasion de plusieurs crans, il fait tout de même très chaud en ce moment à In Salah. Cela n'a -à vrai dire- rien à voir avec son caractère caniculaire durant presque toutes les saisons de l'année.

C'est plutôt ce gaz de schiste appelé à monter ensurface qui pollue cet environnement en créant ce climat insupportable et cette atmosphère inexplicable, donnant paradoxalement froid dans le dos de ceux qui comptaient comme toujours sur une certaine passivité ou docilité traditionnelle des gens du sud algérien.

In Salah est depuis peu en ébullition! La raison ne tient nullement à son soleil de plomb dont les rayons dardent de leurs flèches ardentes et flamboyantes ces étendues mers de petits grains de sable fin qui s'effritent mais résistent vaillamment à la haute température de la région.

Au pays du soleil l'heure est plutôt réglée à cette haute température du gaz de schiste qui a fait sortir par grappes humaines de tout âgeet catégorie socio-professionnelle les habitants de la ville de leurs silence, demeures et réserve, scandant à l'unisson, haut et fort, ce tout nouveau slogan : « Non au gaz de schiste!».

En cet hiver de l'année 2015, la population d'In Salah, comme réveillée en sursaut, écume ses venellesà la manière d'un torrent en colère dont le fort débit de sa marrée humaine refuse de marquer la moindre halte, en observant un quelconque temps de répit.

Mais quelle mouche a donc piqué tout ce beau monde, pourtant connu pour sa légendaire bonté et grande timidité, se disent, par ailleurs, ceux ?auteurs de la véritable provocation- dont la très maladroite décision de le titiller à distance frise le ridicule, à cause de ce triste rejet dans tous ses particules de ces gens du rude et Grand sud qui cherchent par tous les moyens à raisonnablement protéger l'immense environnement de leurs futures générations ?

Et pourquoi donc ce sud fascinant et très emballant que véhiculaient naguèreles très anciennes et non moins belles cartes postales de notre très vaste Sahara sort il si intempestivement et bien bruyamment de sa grande réserve et légendaire timiditépour manifester sa colère sans limite en groupe compact et très soudé, mais néanmoins avec beaucoup de sagesse et d'humilité, contre l'exploitation du gaz de schiste au sein de la région ?

Qu'y-a ?t-il de si méchant ou à tout le moinsbien vraiment très enquiquinant dans cette action entreprise par les pouvoirs publics -via l'entreprise Sonatrach- dans la perspective d'explorer les réelles possibilités d'exploitation du gaz de schiste dans cette région ?

Et pourquoi donc cet effet boule de gomme ou de neige qui s'est emparé de tout le grand territoire du Sahara Algérien, se propageant à l'horizon à la manière d'une trainée de poudre, prenant de cours ces gens du nord et cette très hautaine administration Algérienne qui gère ce très lointain monde (et plutôt pays des grandes richesses fossiles!) à distance ?

Comment donc en sommes-nous arrivés à cette désastreuse et par trop compliquée situation qui fait vraiment très peur à la haute et toute distinguée gouvernance du pays, du fait de ses retombées extrêmement négatives, tant sur le plan économique que sur celui purement politique ?

Percer savamment ce secret d'alcôve renvoie finalement à bien considérer les réels tenants et les véritables aboutissants de cette très complexe équation, jugée de prime abord à plusieurs inconnues. Se croyant menacée dans sa santé et vie quotidienne, la population d'In Salah refuse catégoriquement ce misérable statut de ville cobaye pour l'exploitation du gaz de schiste, en écumant les rues et scandant son slogan défavorable aux tests d'exploration entrepris dans son petit voisinage et proche environnement de son très grand espace de périmètre territorial.

Les Touaregs, ce peuple habillé en bleu de ce Grand Sahara Algérien, généreux dans l'effort et dans le partage des commodités de la vie avec l'autre, se voit donc pour cette fois-ci contraint de sortir le grand jeu afin de contrée cette ?'offensive'' opérée sur son territoire de prédilection et de se faire entendre et surtout respecter par ceux-là même qui lui pillent et spolient ses nombreuses richesses sans la moindre ristourne ou considération d'usage.

Luttant depuis déjà très longtemps et avec grande peine contre à la fois son éloignement des grands centres de décision gouvernementale, contre l'oubli, l'isolement, la grande canicule, les écarts trop importants entre la température nocturne et celle diurne, les fréquents vents de sable, le manque d'approvisionnement en eau, gaz et électricité, ajouté à des pistes impraticables ou mal entretenues dans certaines contrées, il ne semble apparemment nullement interpeller sur sa misérable condition pour en revanche l'exposer à l'exploitation de ce gaz de schiste qui leur rappelle cette autre malheureuse aventure qui la frappe de plein fouet et dans sa profonde chair à l'image de celle endurée par la localité de Reggane durant la période coloniale.

In Salah -comme son nom l'indique d'ailleurs- est cette source de la bonté et de la charité qui fait surtout dans l'utile. N'a-t-elle pas, malgré la très grande distance qui la sépare de Tamanrasset tendu sa très longue et généreuse main pour lui étancher sa soif qui dure encore dans le temps ?

N'a-t-elle pas offert à bon prix ses mamelles et son souterrain giron à ces nombreux charognards de foreurs lui parvenant de ce lointain occident, et à titre gracieux et gratuit le produit de ses entrailles aux gens de la maison ?

N'a-t-elle pas également à une heure caniculaire et au summum de leur terrible misère de soif abreuvé de son liquide, fluide et très limpide, tous ces citoyens-lampdaqui lui rendaient ces visites en coup de vent, de sorte que la potion magique de son merveilleux breuvage les fassent très souvent revenir sur cesmêmes lieux, en quête de leur bien-être et de découverte de cette immense contrée, très connue pour sa grande hospitalité ?

Qu'a-t-elle encore fait de si grave pour subir toutes ces slaves pointées en sa direction par cette repue gouvernance qui ?paradoxalement- se sucre abondamment du produit de son très riche sous-sol pour la jeter finalement en épave et pâture à des chiens méchants et errants ou à des loups voraces et itinérants tel un inutile déchet totalement léché de son jus et de sa substance nutritive comme un vilain esclave déchu de ses droits et dépouillé de sa dignité ?

Acculée de toutes parts, cette cité de l'utilité se confond dans ses nombreuses futilités ! Sa jeune génération, longtemps éduquée à cette grande tradition ancestrale de la région, mais apparemment lassée d'attendre venir ce progrès social lequel manifestement refuse de visiter la contrée, aura donc décidé de passer à l'action et se prendre en charge par elle-même, en s'organisant très convenablement mais surtout en se dotant dès à présent de tout un programme de travail pour préparer sérieusement l'avenir de la région.

Et pour cela, elle compte exploiter à fond d'abord toute cette autre grande source hydrique, aux bienfaits très recommandés et surtout inestimables pour la région et le pays, et qui se régénère justement avec le temps.

Ce pays du sable ondulant aux petites collines qui moutonnent en se bousculant au loin à l'horizon, aspire à vivre dans ce vert univers qui sied le mieux possible à son paysage naturel bien visible au sein de ses magnifiques oasis.

Ce Grand Sud -dont In Salah crie sa douleur endémique- refuse donc manifestement et systématiquement la misérable condition de son statut d'éternel assisté de second zone ou de deuxième et dernier collège. Sinon celle de se soumettre pieds et points liés aux caprices de ces dictats de ces rusés de véritables rentiers ou vrais braconniers d'un système agonisant.

Bastion de la révolution, fief du Saint Coran, le Sahara Algérien compte désormais définitivement renoncer à cette mentalité savamment orchestrée depuis de longues décennies et qui consiste à soudoyer ses chefs de tribus ou notables de la région afin de l'exclure du progrès et de la modernité.

Berceau de la générosité et de l'hospitalité, il aspire à recouvrer sans tarder tous ses droits afin de reconquérir sa place de plaque tournante de l'économie du pays, en tant qu'acteur incontournable de sa future stratégiede développement.

Creuset des valeurs nationales ancestrales, vivier de la culture traditionnelle ancienne, il veut tourner le dos à ce nouveau combustible aux conséquences très négatives sur l'environnement afin de consacrer tous ses efforts pour se concentrer au profit de la seule agriculture adaptée à la région laquelle constitue son talon d'Achille et véritable cheval de bataille.

Profitant de l'échec des villes de populationsde Ghardaia, Ouargla et Touggourt, il compte mettre à profit cette malheureuse expérience, à l'effet de faire avancer son projet.

Désormais patelin de ces jeunes diplômés dont pullulent la région, le Sahara Algérien sait qu'il a une carte maitresse à jouer et dont il craint ne pouvoir v raiment l'utiliser à bon escient ; raison pour laquelle il croit plus que jamais en cet avenir de l'Algérie qui prend naissance au sein de son vaste et très riche territoire.