Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Quel gouvernement pour 2015 ?

par Cherif Ali

Remaniera, remaniera pas ? En voilà un suspense haletant ! En attendant, on se met à supputer. Sur les intentions du président. On laisse entendre qu'il s'apprêterait à remanier le gouvernement. Il utilise, régulièrement, le spectre du changement «imminent» pour faire pression sur les ministres, affirme-t-on.

Une arme à double tranchant, à manier avec précaution, car pendant ce temps-là, l'administration lève le pied ; elle se demande à quoi sert d'honorer les demandes du gouvernement, puisque dans quelques jours, voire quelques semaines ou plus, on ne sait pas qui sera là, et que le prochain gouvernement aura d'autres priorités.

Sur la date. On nous affirme que cela se fera après la tenue du Conseil des Ministres consacré, entre autres dossiers, à la signature de la loi de finances pour 2015.

Remanier, mais avec quel premier ministre? Pour beaucoup, ce sera avec Abdelmalek Sellal qui, pour la circonstance, sera reconduit dans ses fonctions, car l'homme, dit-on, continue de jouir de l'estime du Président de la République. Il est toujours cette personnalité chaleureuse, consensuelle et conviviale. Il est aussi l'homme politique qui n'a pas d'agenda personnel qui soit contradictoire avec celui du chef de l'Etat.

On laisse dire aussi, que la liste des membres partants et des nouveaux arrivants est fin prête. Il suffit juste que la présidence de la République en fasse l'annonce officielle.

Rappelons, très justement, que dans le cas d'un remaniement, le gouvernement n'est pas, forcément, en déficit de confiance ; il a encore les moyens politiques de gouverner, son chef en l'occurrence le Premier ministre reste le même et seuls quelques ministres seraient concernés par le départ.

Parmi les partants, les noms de Mohamed Tahmi, Hamid Grine, Mohamed Aïssa et Sid-Ahmed Feroukhi ont été cités plus d'une fois.

Au premier, on reprocherait sa gestion tatillonne du football, son incapacité à juguler la violence dans les stades ou encore son manque d'intérêt pour le sport à l'école. Au ministre de la communication ses attaques répétées contre la presse et à celui des Affaires Religieuses, ses prises de position iconoclastes concernant la liberté des cultes ; quant au ministre de la Pêche, c'est son bilan négatif qui l'accablerait.

Il y a aussi la participation des femmes du gouvernement que d'aucuns ne trouvent pas brillante, dans le sens où leur combat s'est ramollit à l'instar de la ministre de l'environnement qui a été transparente concernant sa position sur l'exploitation du gaz de schiste, celle de l'éducation nationale qui se fourvoie dans des questions secondaires comme par exemple, sa décision d'enquêter sur les élèves ayant dansé le " way way ", la ministre de la culture et sa position ambigüe autour de la polémique suscitée par le film " l'oranais ", la ministre des TIC qui a entretenu la confusion concernant l'ouverture du capital d'Algérie Télécom et l'entrée de l'opérateur " Orange ", ou encore la ministre du tourisme et son adjointe en charge de l'artisanat qui n'arrivent pas à dépasser le stade du " constat " des secteurs dont elles ont la charge.

Peu importe, en réalité, les noms des ministres partants puisque les algériens se soucient beaucoup plus de l'impact de la crise qui s'annonce et de la politique économique et sociale qui va être menée que des hommes, qui vont la conduire.

Tout ça, bien évidemment, est mis au conditionnel, puisque rien, ou si peu, n'a filtré au sujet du gouvernement. On dit tout de même que le Parti des Travailleurs et le Front des Forces Socialistes y seront représentés. En tous les cas, le prochain gouvernement sera politique On dit aussi qu'un nouvel organigramme pour le gouvernement a été arrêté ; il est question de revenir à la configuration ancienne avec de grands ministres. Des secteurs comme le Transport, les Travaux Publics, la Jeunesse et les Sports fusionneront. Il est question, également, d'un grand Ministère de l'Economie et des Finances. Le Commerce sera ainsi intégré tout comme le Tourisme et l'Artisanat. Le Ministère de l'éducation, de l'enseignement et de la formation professionnelle auxquels on adjoindra la recherche, ne feront plus qu'un. Le ministre de la Communication sera supprimé dès lors qu'un porte-parole du gouvernement sera désigné parmi les ministres.

On reparle aussi du Ministère de la Ville, voire d'un Ministère de l'écologie, de l'environnement et du développement durable. Et en période de crise la création d'un ministère de la planification et de la prospective paraît de plus en plus pertinente dès lors qu'elle semble faire consensus chez les experts économiques et financiers, et aussi dans les rangs d'un parti politique qui la revendique, haut et fort.

L'autre proposition, récurrente celle-là, concerne le nombre de ministres.

On dit vouloir aller vers un gouvernement des plus resserrés qui doit comme première mesure, réfléchir à réduire le train de vie de l'Etat, d'autant plus que le ton et l'orientation sociale ont été, clairement, définis par le président de la République lors du Conseil des Ministres qu'il vient de présider.

En effet, l'équipe ministérielle serait réduite, au plus, à une vingtaine de membres dont les plus importants travailleraient avec un ou plusieurs secrétaires d'Etat, sachant que ces dernières fonctions ont une place moins importante dans le protocole, comparativement aux ministres délégués. En ces temps difficiles, il n'y a pas de petites économies.

Il faut, tout de même se l'avouer, l'austérité dont se prévaut le premier ministre, actuellement, n'existe que dans le discours, et l'ancien président du FCE, Réda Hamiani, a tout à fait raison de répéter que " cette crise est venue nous rappeler que le monde de l'économie n'est pas fait que de dépenses publiques ; il est fait aussi, et surtout, de compétitivité et de concurrence, souvent très dures. Aujourd'hui, plus que jamais, a-t-il ajouté, il est nécessaire d'encourager les PMI/PME qui ont un rôle important à jouer, puisqu'il faut dire que chez nous, l'Agriculture et l'Industrie ne sont pas au rendez-vous pour apporter une contribution à la richesse du pays ! ".

Interrogeons-nous une fois encore : le remaniement, permettra-t-il d'aller dans la direction fixée par le chef de l'Etat, celle consistant à protéger des effets de la crise, les couches les défavorisées de la population ? Il faut l'espérer, on peut toutefois en douter si, d'aventure, ce remaniement ne serait que superficiel. Et la montagne accoucherait d'une souris, comme on dit, sachant que ce gouvernement a été chargé, à l'origine, d'une longue opération de charme ; il est habitué à jeter, avec sourire et générosité, des milliards de dinars aux wilayas ; il ne s'est jamais, réellement, intéressé à la gestion car pris par sa politique de " pompier ".

En principe, le remaniement permet de créer ou de corriger une équipe qu'on espère cohérente. On dit qu'Abdelmalek Sellal, le premier ministre, a fait état, par le passé, de sa volonté de remanier son équipe. Pour corriger des erreurs de casting et d'intégrer de nouvelles compétences ; le pays regorgeant de compétences, les partants seront remplacés, haut la main, par meilleurs qu'eux, plus soucieux des autres, plus inventifs, républicains, moins addicts au pouvoir, à l'argent et aux dorures de la République. Les rentrants sauront y faire en matière de TIC, d'agriculture, de travaux publics, de transports, de tourisme, de culture, de développement local et de gestion des crises, comme celle qui prévaut à Ghardaïa, pour ne citer que ces domaines et tant d'autres, négligés par le gouvernement actuel à savoir " les algériens de l'étranger ", " le service public " qui a été zappé sans explication aucune ou encore le secteur de " la jeunesse " géré, comme dans les année 70, par Abdelkader Khomri.

Aujourd'hui, l'intérêt général serait que tous ceux, du pouvoir ou de l'opposition, qui accepteraient de mettre en œuvre les mesures annoncées par le président de la République en Conseil des Ministres pour atténuer, un tant soit peu, cette crise qui s'annonce douloureuse pour les années à venir, même si les experts disent que l'Algérie peut tenir le coup deux années, voire plus, affichent leur disponibilité.

Dans une précédente contribution, nous avons appelé à " l'Union Sacrée face à la crise! ", estimant que le pays, en ces moments difficiles a besoin de toutes ses énergies. Bien entendu, ce n'est pas facile, car cela revient, pour chaque Parti acceptant de faire partie du prochain gouvernement, à brutaliser son aile la plus conservatrice pour " décréter " une petite pause dans son pugilat avec le pouvoir et aider, ainsi, le pays à s'en sortir !

Il appartient, maintenant, au président de la République d'oser des ouvertures en direction de l'opposition, même si pour certains de ses membres les plus radicaux, il n'est pas question de " se brûler les ailes " en acceptant de participer à un gouvernement qui se trouve dans une situation extrêmement difficile. L'histoire jugera les uns et les autres car, dans l'urgence d'aujourd'hui, on pourrait admettre qu'il existe des choses plus urgentes et plus importantes que celles consistant à exiger une période de transition ou des élections présidentielles anticipées !

Au premier ministre, quel qu'il soit, il incomberait de faire le choix des hommes capables de l'accompagner dans sa mission de redressement de l'économie nationale. Qu'il prenne garde cependant, aux politiciens hors-sol, carriéristes sans expérience autre que politique et dont on voit les plus " brillants " spécimens truster le devant de la scène médiatique, l'éloquence au poing et l'aveuglement de l'ambition en guise d'armure, se manifestant à qui de droit !

Remaniera, ne remaniera pas ? Au président de la République de décider ce qu'il doit entreprendre, à l'aune de cette nouvelle année. En attendant, le manège des " premiers ministrables " continue de tourner : qui va alors décrocher le pompon ?

Les réseaux sociaux se sont emparés des noms des ministres de l'Industrie Abdeslem Bouchouareb, de l'Habitat Abdelmadjid Tebboune et de l'Energie Youcef Yousfi. On prétend que le premier nommé a le vent en poupe, le deuxième a été primé pour son bilan de réalisation de logements et le troisième remarqué pour son passage éphémère à la tête du gouvernement en remplacement de Sellal désigné alors, directeur de la campagne électorale du président.

Toutes ces rumeurs sont, peut-être, parvenues aux oreilles du président qui doit s'en amuser. Il pourrait même prendre plaisir à " jouer au chat et à la souris " avec tous ces prétendants déclarés ou pas. Fort de sa légitimité, il est, certainement en train d'observer tout ce beau monde s'agiter tout en espérant un regard ou un geste d'encouragement de sa part.

Tout comme l'ancien président François Mitterrand, avant de signifier son arbitrage en sa faveur, avait infligé à Michel Rocard un déjeuner Elyséen à suspense où il n'avait d'yeux que pour Pierre Bérégovoy, comme si c'était lui son choix ! L'ex-chef d'Etat Français expliquait alors, que " la nomination d'un premier ministre ne relevait pas de l'amitié, ni de la confiance, ni de la fidélité, mais de l'analyse d'une situation claire qui donnerait une petite prime pour? Michel Rocard ".

L'analyse de la situation politique et économique de l'Algérie, est-elle, suffisamment, claire au point où le président de la République donnerait une petite prime pour ? Ahmed Ouyahia ?

En attendant les algériens porteront leurs regards sur toutes les institutions du pays en se demandant si celles-ci vont, enfin, se mobiliser pour refondre notre modèle politique et doter le pays d'un système de gouvernance qui permette de le redresser, le relancer et défendre sa place dans le concert des nations.

C'est, en fait, le sens à donner à la refonte du système politique, qui passera, bien évidemment, par la révision constitutionnelle, la mise en place d'un mandat présidentiel unique, un septennat pourquoi pas, une réduction du nombre des parlementaires avec la suppression du sénat aussi budgétivore qu'inutile et un réaménagement territorial du pays où la décentralisation serait consacrée et le service public réhabilité, comme nous l'avons suggéré dans une précédente contribution.

Oui ! Nous avons le droit d'être bien gouvernés et la promotion de ce droit est une priorité absolue. Et ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'une politique du FLN, du RND, ou de ceux du " club de Zéralda ", c'est d'une politique qui crée la richesse, l'emploi, la justice et la sécurité et qui prenne en compte le long terme et les grands défis qui attendent l'Algérie du 21ème siècle.

A défaut, nous n'attendons rien du nouveau gouvernement. Ou si peu !