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Vers un 3ème round de consultations politiques

par Boudjemaâ Haichour *

Après avoir relu les avant-projets de révision constitutionnelle des deux consultations menées successivement sous la présidence de messieurs Abdelkader Bensalah et Ahmed Ouyahia, le Président Abdelaziz Bouteflika a ordonné au Gouvernement, lors du dernier Conseil des ministres, de compléter l'œuvre entamée en associant les partis et personnalités à une contribution devant aboutir au parachèvement des réformes institutionnelles.

C'est ce chantier qui va pouvoir donner prochainement l'avant-projet de mouture qui sera adopté en Conseil des ministres et transmis au Parlement réunissant les deux chambres. Le Président l'a affirmé que « le projet de Constitution n'est nullement au service d'un pouvoir ou d'un régime, mais ambitionne à consolider les libertés et la démocratie pour lesquelles se sont sacrifiés les glorieux martyrs de la Révolution de Novembre ».

La confiance renouvelée du Président à ses proches collaborateurs pour accomplir cette mission de portée nationale tient aussi au charisme de ceux qui ont mené les premières consultations en les plaçant parmi les hommes de réflexion et d'action les plus sensibles à saisir les nuances des doctrines institutionnelles de ce XXIe siècle de par leurs longues expériences dans les rouages de l'Etat.

C'est sous sa houlette que vont, dès le trimestre 2015, commencer les consultations avec ceux qui n'ont pas pu participer, partis, personnalités et société civile qui seront conviés à la table de discussions. L'opposition se prépare à réunir une conférence sur la transition démocratique. La coordination et le pôle pour le changement vont-ils trouver le SMIG nécessaire pour peser sur les débats et trouver le consensus nécessaire pour rédiger des propositions pouvant aboutir en concertation avec le Pouvoir à une « Constitution dite consensuelle ? » La main tendue du système en place serait-elle celle d'une réconciliation excluant tous préjugés et appréciations de nature à rejeter l'autre ?

POUR UNE PLATE-FORME CONSENSUELLE DE DISCUSSIONS

Faut-il se poser la question de l'utilité de tels textes au regard des évolutions du débat politique où de nouvelles approches nées des élections présidentielles du 17 Avril 2014 ont surgi dans la trame des discours de campagne des différents candidats ? L'avant-projet de plate-forme consensuelle montre déjà les contours de la nouvelle architecture. Reflète-il la substance des diverses contributions des premières consultations ?

Pour ce qui est du préambule, il est inscrit la constitutionnalisation de l'alternance démocratique dans la prise du pouvoir. Il s'agit ni plus ni moins de revenir à la limitation des mandats présidentiels. Dans ce cas de figure, deux variantes se présentent à mon avis : soit de s'auto-suffire d'un seul mandat de sept ans non renouvelable ou d'aller dans le sens de l'article 94 de la Constitution de 1996, c'est-à-dire la durée du mandat présidentiel de cinq ans. Le président de la République ne peut être rééligible qu'une seule fois.

Afin de parer à toutes situations de blocage des institutions, la mouture qui sera proposée inscrit-elle dans le corpus l'idée de création de vice-président de la République ? Si cette proposition sera retenue, dans l'actuelle Constitution (2008), l'article 77 alinéa 6, « Sous réserve des dispositions de l'article 87 de la Constitution, le président de la République peut déléguer une partie de ses prérogatives au Premier ministre à l'effet de présider les réunions du Gouvernement », sera révisé par un autre amendement.

En cas de vacance définitive et l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions pour les raisons évoquées dans l'article 88 de la Constitution, le Premier ministre démissionnerait s'il ambitionne de se présenter à l'élection présidentielle. La nomination du nouveau 1er ministre par le Chef d'Etat reviendrait-il automatiquement au premier vice-1er ministre ? Il en serait de même pour les ministres d'Etat de pouvoir solliciter la candidature ainsi que pour tout ministre du Gouvernement ou personnalités répondant aux articles de la Constitution en la matière.

UNE DELEGATION DES POUVOIRS AU PREMIER MINISTRE

Si dans l'article 81 bis proposé dans l'amendement de l'article 85 : « Le Premier ministre peut recevoir du président de la République, dans les limites fixées par la Constitution, une délégation du pouvoir réglementaire». Cette disposition nous la retrouvons dans l'article 85 alinéa 3 où « le 1er ministre peut signer les décrets exécutifs, après approbation du président de la République ». La seule nuance réside dans la suppression de l'approbation au président de la République pour les aspects réglementaires. Le 1er ministre selon l'amendement de l'article 85 alinéa 3 « peut signer des décrets exécutifs par délégation du président de la République ». Cette disposition disparaîtrait dans le cas où le 1er ministre ou chef de Gouvernement serait choisi dans la majorité parlementaire.

DES PREROGATIVES DE LEGIFERER POUR LE CONSEIL DE LA NATION

L'avant-projet renforce le droit au Conseil de la Nation de légiférer dans le domaine de l'organisation locale de par la composition de « ses deux tiers élus par le suffrage indirect issues d'assemblées locales (APC / APW). Quant au tiers présidentiel désigné, il restera comme « tiers bloquant »

Pour ce qui est de la mobilité des parlementaires dans l'exercice de leur mandat, cette clause doit être conforme au respect des libertés telles stipulées dans la Constitution et de ce fait leur déchéance serait anticonstitutionnelle. Le nomadisme politique semble être une sorte de transhumance à la recherche d'un climat politique plus clément.

UN CONSEIL CONSTITUTIONNEL REEQUILIBRE

Pour ce qui est du Conseil constitutionnel, l'article 164 propose 12 membres au lieu de 9, ce qui permet de donner à la fois cohérence et équilibre dans cette institution-clé. Quatre désignés par le président de la République, dont le président du Conseil constitutionnel et son vice-président. L'observation porterait sur l'utilité de nomination de ce dernier.

Quant à la durée du mandat, il serait souhaitable de le limiter à 6 ans pour le président et pour les membres la même durée renouvelable de moitié chaque 3 ans. Le reste sans changement. La saisine du Conseil constitutionnel s'élargit pour permettre au 1er ministre et aux sensibilités évoluant dans l'enceinte du Parlement d'engager l'initiative. Il serait souhaitable de porter le nombre des députés à 50 au lieu de 70 et des sénateurs à 30 au lieu de 40. Il serait de même pour les chefs de groupes parlementaires d'avoir l'initiative de saisine.

MODALITES D'ADOPTION DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE

Dans l'esprit et la lettre de la Constitution amendée le 7 novembre 2008, la révision constitutionnelle est décidée à l'initiative du président de la République. Elle est votée en termes identiques par l'APN et le Conseil de la Nation dans les mêmes conditions qu'un texte législatif. Les 3/4 des deux chambres du Parlement réunis ensemble, peuvent proposer une révision constitutionnelle et la présenter au Président qui peut la soumettre à référendum. Si son approbation est obtenue, elle est promulguée.

Est-ce que l'option de la soumettre à référendum est retenue dans la démarche du Président ? L'art 176 est clair qui stipule :

« Lorsque de l'avis motivé du Conseil constitutionnel, un projet de révision constitutionnelle ne porte aucunement atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l'homme et du citoyen, ni n'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions, le président de la République peut directement promulguer la loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre à référendum populaire si elle a obtenu les 3/4 des voix des membres des deux chambres du Parlement. »

Nous sommes loin de la Constitution-programme du 22 novembre 1976 considérée plus idéologique puisque le Socialisme faisait partie des choses intouchables. Il était stipulé dans l'art 195 alinéa 3 qu'aucun projet de révision constitutionnelle ne peut porter atteinte à l'option socialiste. Le Pouvoir était sous-tendu par des fonctions : politique, exécutive, législative, judiciaire, contrôle, constituante. Par contre celle du 23 février 1989, elle traduit le principe de la séparation des pouvoirs, tout en accordant au Chef de l'Etat des pouvoirs exorbitants, qui instaure un régime de présidentialisme parlementaire.

Cette situation a créé un bicéphalisme au sommet de l'Exécutif puisque les prérogatives du Chef du Gouvernement sont confirmées. Il faut se rappeler le conflit de compétences entre le Président Chadli et son Chef du Gouvernement Kasdi Merbah. Le président de la République préside le Conseil des ministres, à l'initiative des lois, et le Chef du Gouvernement préside le Conseil du Gouvernement.

Il faut signaler que le pouvoir exécutif est exercé par le Gouvernement sous la présidence du Chef de l'Etat. Dans toute situation de crise et de divergence, le Chef du Gouvernement est sur un fauteuil éjectable. Il est, selon l'expression usitée, considéré comme fusible.

LE PEUPLE EST LA SOURCE DU POUVOIR

La source du Pouvoir dans ce monde se caractérise par les deux versants ; l'un virtuel, l'autre réel et ce, quelle que soit l'option démocratique. Le contexte mondial de notre temps nous donne l'ordre d´avancer dans ce vaste mouvement de réformes politiques, économiques et institutionnelles. Dans le cadre des options prises lors de sa campagne, c´est sans doute la continuité des réformes annoncées le 15 avril 2011, notamment celle de l´architecture des institutions et des fondements constitutionnels qui les sous-tendent.

L'actuelle Loi fondamentale va faire l'objet de larges concertations avec la classe politique et la société civile dont l'adoption passera à travers l'adoption par les deux chambres du Parlement ou un référendum en septembre prochain si la question est tranchée par le Président.

Au regard des exigences d'un siècle de transmutations systémiques et d'une société en pleine évolution, les réponses aux attentes du peuple, la feuille de route annoncée lors du Conseil des ministres du 30 décembre 2014 par le président de la République, énonce les grandes tendances des réponses aux promesses de campagne du Président lors de son quatrième mandat.

« Ce projet aura pour but la consolidation de l'indépendance de la justice et de la protection des libertés, le raffermissement de la séparation des pouvoirs et du rôle du Parlement et le renforcement de l'opposition. En un mot, il s'agira de consolider les assises de notre jeune démocratie pluraliste dans le respect de nos constantes nationales, tout comme il s'agira de réguler la compétition et même la contestation politique en préservant toujours la Patrie de toute anarchie et de toute dérive. »

Pour ma part, j'apporte, comme je l'ai proposé dans un précédent article, quelques éléments d´analyse sur la configuration systémique, sur les mécanismes, les champs de compétences et la cohésion dans les attributions relevant des instances dirigeantes dans le cadre d´un modèle de gouvernance qui s´adapte aux évolutions des théories en la matière.

UNE CONSTITUTION QUI REGULE ET PROTEGE

Est-ce que le Président Bouteflika ira dans le sens de réviser totalement la Constitution ? Si tel est le cas, la démarche attendue serait que ce projet de Loi fondamentale passerait inévitablement par le référendum probablement ou en congrès des deux chambres durant le mois de mars 2015. Malgré les amendements apportés par le Parlement en 2008, l´actuelle Constitution présente à ses yeux, des dysfonctionnements dans les champs de compétences, ne serait-ce qu´au sommet de l´Exécutif.

Posons-nous d´abord la question de savoir si l'opposition serait réceptive à la démarche proposée. Le système politique algérien diffère dans sa structure des autres pays, qu´ils soient à régime présidentiel, parlementaire ou de monarchie constitutionnelle.

Depuis l'indépendance, notre pays inscrit dans sa doctrine de base « la restauration de l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques », se dotait dans chaque Constitution de cette référence en concordance avec la réalité politique de son temps dans des situations, normale, de crise ou transitoire. On peut les classer en Constitutions-programmes, notamment celles de 1963, 1976, et en Constitutions-lois de 1989 et 1996. Les amendements apportés en 2002 pour la constitutionnalité de la langue Tamazigh et en 2008 pour l'introduction des faits de l'histoire, de la place de la femme dans les assemblées élues et de l'ouverture des mandats.

Il est évident que la source du pouvoir dans le monde se caractérise par les deux versants, l´un virtuel, l´autre réel et ce, quelle que soit l´option démocratique. A quelque époque que ce soit, le besoin national d´une juridiction codifiée, unifiée et cohérente appelle un sens aigu de la notion de gouvernance dans le strict respect de la philosophie du droit. Visiblement, les constitutionnalistes essaient de construire un édifice qui réponde aux idées d´un projet de société dans l´esprit du temps et des réformes nécessaires, loin des querelles partisanes, afin de s´inscrire dans la perspective mondialiste des droits de l´Homme et des libertés fondamentales d´un Etat de droit.

RESTAURER L'AUTORITE DE L'ETAT ET JUSTICE SOCIALE

Dans le Mémoire de Hardenberg dans la formation de la Prusse contemporaine, il est dit que « L´Etat qui réussit à concevoir l´esprit responsable du siècle, qui parviendra à se faire sa place tranquillement, sans secousse violente, par la sagesse de son gouvernement, dans ce plan providentiel, acquerra par là même d´immenses avantages, et ses habitants pourront bénir ceux à la sagesse desquels ils devront ces bienfaits.»

Ainsi, les impulsions violentes du dedans ou du dehors ne peuvent construire un Etat de droit et les tendances de réorganisation des missions de l´Etat doivent discerner avec clarté les principes généraux de régénération pour restaurer l´autorité d´un Etat de justice, loin des favoritismes, des passe-droits, des attitudes bureaucratiques d´une administration mue par les réflexes d´un service public au-dessus de tout soupçon.

La pensée politique en ce siècle doit être plus lucide car rejetant toute platitude de nature à rendre ambigus les textes de loi régissant l´ordre d´un système à la fois dans ses mécanismes et les rapports de gouvernance. La démocratie n´est pas chose abstraite. La démocratie est vivante. Elle ne tolère pas les étranges impuretés.

GOUVERNER LE PAYS EST LE PROPRE DE L'ELITE

L´idée la plus appropriée en ce siècle dans toute révision constitutionnelle est que toute autorité, qu´elle parte d´un monarque ou du peuple, doit être limitée, quelles que soient les conceptions libérales modernes dans l´élaboration d´une Constitution.

En fait, gouverner un pays est le propre de l´élite. Depuis l´Indépendance, la prise en main des affaires de l´Etat et la gestion de ses structures n´ont pas été indemnes d´interférences. Le climat d´ensemble du fonctionnement de l´administration a été chahuté quels que fussent les différents régimes ou gouvernements qui se sont succédé, provoquant des conflits de compétences et des litiges politiques, juridiques qui ont altéré les rouages internes et externes de l´Etat.

Personne, aujourd´hui, ne peut s´imaginer que le sentiment populaire est indifférent vis-à-vis de la chose publique, parce que aigri par les dérives bureaucratiques d´une administration qui n´a pas réalisé sa mue.

RENOUVELLEMENT DES GENERATIONS ET MODERNISATION INSTITUTIONNELLE

Le besoin vital pour lui de se renouveler, de se moderniser en vue d´être au diapason des évolutions d´une bonne gouvernance, implique un nouveau regard sur les pratiques dans les relations gouvernants - gouvernés. On accuse souvent la forme concrète de la démocratie dans un système parlementaire ou présidentiel.

Les partis politiques naissent et disparaissent parfois par manque d´imagination. Dans le cas de survie, ils se laissent gérer administrativement sans impact sur l´électorat. Ils deviennent de véritables appareils ou des organismes de dépôt de candidatures à chaque échéance électorale. La voie de la démocratie passe évidemment entre deux écueils, à savoir l´ostracisme et le charisme.

Si la politique pouvait être l´art de gouverner, la science de prévoir l´évolution des événements, le choix entre les possibilités d´évolution que présente la réalité collective serait le pouvoir d´influencer le développement des institutions. Définir la politique, c´est également expliquer les structures mouvantes du phénomène de l´Etat au point de vue juridique, historique et sociologique.

UNE ARCHITECTURE CONSTITUTIONNELLE MOINS AMBIGUE

Dans tout Etat, on trouve un certain nombre de dispositions réglementant l´organisation et les rapports des pouvoirs publics et fixant, par ailleurs, les relations de principe entre la puissance publique et les citoyens. Et comme disait le général De Gaulle: « Une Constitution c´est un esprit, des institutions, une pratique.» Dans l´actuelle Constitution, n´avons-nous pas vécu un moment de polémique dans l´appréciation de l´article 181 entre les deux premières personnalités de la République ?

Depuis l´Indépendance, le président de la République est élu au suffrage universel, direct et secret. Il est Chef de l´Etat et incarne l´unité de la nation. Mais le choix du candidat à la présidence a été, de tout temps, la convergence des forces en présence.

L'ANP AU C?UR DE LA REGULATION SYSTEMIQUE

De ces forces politiques, l´institution militaire, dont l´ALN puis l´ANP, a joué un rôle de premier plan dans le maintien de l´unité et la cohésion nationale. Elle demeure une des sources, sinon la principale, qui régule le jeu croisé des ambitions des côtés des partis politiques et de la société civile. L'Etat « civil » dont on parle, a toujours inclus l'ANP comme institution républicaine au service de la Nation. Il s´agit de dire que des courants politiques, qui déterminent l´establishment, arrivent par un savant compromis de faire émerger l´élément le plus apte au sens des équilibres du pouvoir à réaliser une certaine cohésion dans l´édifice institutionnel par rapport aux hommes et aux structures.

Le quinquennat présidentiel 2014 / 2019 est un tournant pour permettre à la génération post-Indépendance de prendre le relais. La future Constitution doit mettre les mécanismes permettant un véritable contre-pouvoir pour éviter toutes dérives dans la République. Ce qui donne une vie politique plus dense en associant l'opposition forte et non caricaturale.

Le Président jouit des pouvoirs et prérogatives qui le mettent à l´aise pour mener la politique qu´il s´est engagé à appliquer. Mais dans la pratique, le sens des responsabilités se mesure dans la forme et dans le fond à la manière d´assurer sans heurt le fonctionnement des rouages. L'essentiel reste le choix des femmes et hommes appelés à gouverner.

DEMARCHE INTELLIGENTE ENTRE PRESIDENCE ET ARMEE

Si le Président est le chef suprême de toutes forces armées de la République et responsable de la Défense nationale, la Constitution prochaine aura toute sa signification avec la possibilité de nommer un civil au poste de ministre de la Défense. Et de ce fait, notre pays accède à un style nouveau de gouvernance en ce siècle. Cette donne, nous la retrouvons d´une manière implicite dans toutes les armées du monde.

Le génie de tout Chef d´Etat est de savoir imprimer plus que par le passé une démarche intelligente dans ce domaine où l'Armée se professionnalise. Il y a donc intérêt à tracer clairement la ligne frontière entre ce que l´on peut considérer comme une pratique modifiant valablement la Constitution écrite et sa violation. Lorsqu´il convient d´établir une Constitution nouvelle, le problème se pose de savoir quel organe qualifié peut accomplir cette tâche, c´est-à-dire celui qui est détenteur de la souveraineté dans l´Etat. Si la souveraineté appartient à la nation, on s´oriente alors vers le système de l´Assemblée constituante, complété ou non par le procédé du référendum constituant.

Loin du procédé de la Convention de type américain, la Constitution élaborée et votée par une Assemblée constituante est soumise à ratification du peuple par référendum. C´est le cas d´une démocratie semi-directe. Ainsi, l´utilisation du référendum permet d´obtenir directement la ratification d´un texte élaboré par le gouvernement qui confère à ce dernier la réalité de Pouvoir constitutionnel.

L'OPPOSITION UN MIROIR DES TARES DE TOUTES DERIVES

Mais la révision des lois constitutionnelles ne pose pas les mêmes problèmes que leur établissement. Ce n´est pas une sorte d´opération de fondation. Le projet de révision constitutionnelle n´est pas présenté au référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au Parlement réuni en congrès et que ce dernier l´adopte à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés.

La révision de la Constitution passera par le référendum obligatoirement si les équilibres sont touchés ou bien la nature du régime est changée. Au sujet du Conseil constitutionnel, pour peu qu´il ne se transforme pas en législateur, il est en droit de contrôler effectivement le Parlement. Il veille en particulier avec beaucoup de soin à ce que les deux chambres (APN et Conseil de la nation) ne sortent pas du domaine qui leur est imparti par la Constitution et leur règlement. Selon l´article 163, le Conseil constitutionnel veille au respect de la Constitution, à la régularité des opérations d´élections référendaires, législatives et présidentielles.

Il faut renforcer l'opposition en un véritable contre-pouvoir qui éviterait les dérives d'autoritarisme. Celle-ci peut être perçue comme le miroir de ses tares. C'est de cette manière qu'on peut construire un ordre stable, indépendant des appétits des uns et des autres. Il faut concevoir une gouvernance à même de construire une Cité juste. Faire en sorte à ce que la Vérité soit au poste de commande du politique. C'est cette République régénérée qui créera le Renouveau démocratique.

* Ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature.

- Ancien député et sénateur, ancien ministre.