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La fin de la «fin du pétrole» ?

par Akram Belkaïd, Paris

Au début des années 2000 un thème a connu un grand succès médiatique.

Il s’agissait de la « fin du pétrole », expression destinée à mettre en garde contre la raréfaction progressive des réserves d’or noir et à exiger dans la foulée la mise en place urgente de politiques de diversification énergétique (solaire, éolien, gaz naturel, hydrogène, géothermie...). Le débat entre adeptes de cette thèse et ses adversaires a été très vif et, aujourd’hui, les contempteurs de « la fin du pétrole » semblent avoir gagné la partie. Quand il n’y en a plus, il y en a encore... en effet, le fait que le baril soit en passe de toucher les 40 dollars laisse à penser une chose: il y a suffisamment d’or noir et les risques de pénurie, notamment d’essence, ne sont pas pour demain. Pour mémoire, il faut se souvenir que les tenants de la « fin du pétrole » nous avertissaient de l’imminence d’un « pic mondial » de la production d’hydrocarbures, autrement dit du fait que l’humanité aurait bientôt consommé la moitié de toutes ses réserves disponibles d’or noir. Un moment-clé annonciateur de la raréfaction progressive du précieux liquide fossile. Or, expliquent aujourd’hui les spécialistes, l’une des raisons de la chute des cours n’est pas simplement le fait que le marché est saturé par les productions maximales de la Russie, de l’Irak et, bien entendu, de l’Arabie Saoudite.

Selon eux, c’est aussi le fait que de nombreux nouveaux gisements vont être mis en service à commencer par ceux d’Afrique occidentale, mais aussi ceux de la mer Caspienne et du Golfe arabo-persique. Bien sûr, aucun de ces réservoirs ne peut être considéré comme une nouvelle mer du Nord (erreur qui a été commise pour la mer Caspienne annoncée un temps comme un nouveau méga-gisement). Mais la mise en production de ces champs va amener encore plus d’or noir sur le marché et renforcer le sentiment que la pénurie n’est qu’une thèse alarmiste concoctée par les écologistes pour hâter la transition énergétique.     

Durant des années, le message le plus fréquent était que l’humanité dispose de réserves pétrolières capables d’assurer sa consommation jusqu’en 2030. La conjoncture actuelle pousse certains experts à prédire que cette butée doit être décalée à 2050 voire à 2100 si l’on prend en compte les ressources en pétrole non-conventionnel (schistes, bitumineux, off-shore très profond,...). Autrement dit, alors que l’on pensait qu’il n’y aurait bientôt plus de pétrole, on aurait mieux fait de se souvenir de l’adage, brandi par les optimistes et les divers soutiens de l’industrie pétrolière, selon lequel « quand il n’y en a plus, il y en a encore... »Nouveau plaidoyer écologique Bien entendu, il faut aborder cette question avec prudence.

Il y a quelques années, quand le prix du baril atteignait des cimes, c’est la rareté de l’or noir qui était avancée comme explication par tout ce qui, au passage, montre que passer d’une interprétation extrême à son opposée est l’une des spécialités des observateurs du marché pétrolier.

Il faut donc essayer de focaliser son attention sur l’enseignement majeur de cette affaire : utiliser la fin prochaine du pétrole comme argument afin d’engager la transition énergétique via le recours aux renouvelables n’est pas une bonne stratégie. Cette dernière est trop dépendante des fluctuations des prix du baril et risque de ne convaincre personne. À l’inverse, les efforts de pédagogie devraient être orientés sur la nécessité de profiter de la persistance des hydrocarbures fossiles pour passer progressivement à autre chose, cela en insistant sur le coût élevé qu’impose l’usage de l’or noir (pollution, problèmes géostratégiques, mauvais rendements,...).

En clair, la baisse actuelle des prix du pétrole impose la redéfinition du plaidoyer écologiste en faveur des énergies renouvelables.