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La Russie face à la récession

par Akram Belkaïd, Paris

Parmi tous les pays heurtés de front par la chute des prix du pétrole, la Russie fait figure de grand perdant dans l’affaire. Et cela, bien plus que l’Iran qui est déjà aux prises avec plusieurs sanctions économiques (décidées par les Etats-Unis et leurs alliés pour obliger Téhéran à arrêter son programme nucléaire) et dont l’économie semble s’être habituée à composer avec les difficultés. Tel n’est pas le cas de la Russie qui a mené grand train au cours de la dernière décennie et qui se retrouve aujourd’hui confrontée à de nombreux défis.Plusieurs écueils.Il y a d’abord la question de la monnaie. Même si Moscou ne veut pas remettre en cause la convertibilité du rouble, il est évident que cette devise va continuer à être attaquée. Les propos rassurants tenus à plusieurs reprises par Vladimir Poutine ont certes réussi à endiguer en partie la fuite des capitaux, mais ce n’est qu’une pause dans un processus que d’autres pays, comme par exemple l’Argentine, ont déjà connu. La moindre mauvaise nouvelle, le moindre indicateur économique négatif, et la crise du rouble pourrait repartir de plus belle. Autre signe inquiétant, la dollarisation du commerce intérieur, de nombreux négociants souhaitant désormais être payés en billet vert ce qui n’est jamais de bon augure. Bien sûr, la Russie a suffisamment de ressources pour faire face à une crise de liquidités, mais à condition que les turbulences monétaires se tassent en 2015 et que les prix du baril ne continuent pas de chuter. Il y a ensuite l’activité économique qui va certainement être pénalisée dans un pays où l’État joue le rôle de locomotive. Selon le ministre des Finances Anton Silouanov, le Produit intérieur brut (PIB) de son pays pourrait chuter de 4% en 2015 avec dans le même temps un déficit budgétaire de 3% en raison de la baisse des recettes extérieures. Dans cette perspective de récession, le maintien de taux élevés (ils sont actuellement à 17% ) pour freiner la chute du rouble est un obstacle de taille à la reprise de la consommation et à l’investissement des entreprises. Tôt ou tard, il faudra donc que la Banque centrale de Russie accepte de desserrer la contrainte monétaire, mais au risque d’affaiblir sa devise.Enfin, la combinaison de la chute des prix du pétrole avec les sanctions occidentales - décidées par les Etats-Unis et leurs alliés pour obliger Moscou à réviser sa politique en Ukraine - devrait avoir un impact négatif sur l’investissement étranger qu’il soit direct (infrastructures, entreprises, prises de participation) ou tout simplement financier via, entre autres, la Bourse de Moscou. C’est donc tout le fragile édifice d’attractivité construit par la Russie au cours de ces quinze dernières années qui est questionné. Du coup, l’une des interrogations majeures est de savoir si le gouvernement de Vladimir Poutine va être obligé ou non de faire appel au Fonds monétaire international (FMI). On sait ce que ce genre de situation implique ne serait-ce que sur le plan de la symbolique. À moins que Moscou, ce serait une grande première et un événement majeur, ne trouve de l’aide auprès de son voisin chinois...

UN MODELE A REVISER

De façon générale, cette crise montre que l’économie russe reste pour une bonne partie très dépendante de ses exportations d’hydrocarbures. D’ailleurs, la bonne tenue des cours du gaz naturel lui donne un peu de marge de manœuvre, mais cela ne suffit pas à compenser les effets du repli de l’or noir. Après avoir embrassé l’économie de marché et ses principes libéraux, la Russie n’a toujours pas réussi à créer un grand marché intérieur qui s’appuierait sur une économie diversifiée. En cela, la crise actuelle du pétrole est un révélateur du temps perdu par ce pays.