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Une intention suprahumaine dans le développement des peuples

par Medjdoub Hamed *



Comment rendre compte de l'état réel des peuples, de leur structure, de leur évolution et de la notion de but et de plan que requiert leur développement. Une explication de leur nature ne peut être complète sans rendre compte de leur «essence», autrement dit de l'esprit ou plus simplement de leurs «pensées» qui les gouvernent.

La fin, cause en tant qu'elle représente un état futur, est première en intention. Ce qui revient alors au problème classique du mode d'être, d'exister, de la finalité dont l'homme ne sait rien ou tout au plus l'entrevoit dans son devenir.

Dès lors pose-t-on la question, cette finalité est-elle dans l'esprit ou hors de l'esprit des peuples ? Y a-t-il des buts, des représentations dans l'Esprit-monde ? Y a-t-il des buts intentionnels cachés pour l'homme ?

Concrètement, posons des questions sur l'histoire pour mieux appréhender le futur des peuples. Par exemple, comment comprendre l'invitation du président syrien Bachar-al-Assad par son homologue français, pour assister au défilé du 14 juillet 2008. Et ce même président a ensuite déroulé le tapis rouge, le 9 décembre 2010, pour le recevoir, et discuter avec lui de son nouveau projet l' «Union Méditerranéenne». Alors que ni Bachar-al-Assad ni Sarkozy ne se doutaient que la Syrie, et pas seulement, la Tunisie, la Lybie, l'Egypte, le Yémen, vont être emportés dans de graves crises politiques, le «Printemps arabe», provoquant pour certains pays des guerres civiles. L'heure n'était pas à une Union Méditerranéenne mais au réveil des peuples arabes qui allait constituer un tournant pour le monde arabe.

Des changements de régimes politiques «en quelques mois» ! Aucun président occidental, arabe, africain, européen? ne pouvait croire pareil retournement historique dans le monde arabe. Tant tout montrait des régimes policiers arabes stables, solides et des systèmes sécuritaires bien ancrés au sein des populations. Impossible de croire que le geste de désespoir d'un diplômé chômeur, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, dans son suicide, allait provoquer une incendie qui, jusqu'à présent, n'a pas terminé ses ravages. Et ce tournant de l'Histoire a pris son envol à peine dix jours après la visite officielle du président syrien en France.

En réalité, «l'heure du destin frappaient aux portes des régimes dictatoriaux arabes». «La mort frappait comme elle frappe tout être humain. Le monde est finitude, doit-on dire, Rien n'est éternel, Tout est en devenir.»

Ce geste désespéré, le suicide de ce jeune diplômé chômeur aurait pu n'être qu'un feu de paille, comme tant d'immolations l'ont été avant lui. Le 2 novembre 1965, Norman Morrison, âgé de 35 ans, s'est immolé par le feu devant le Pentagone pour protester contre la guerre au Vietnam, et combien d'autres ont suivi, la guerre du Vietnam n'en continua pas moins à faire des millions de victimes.

Une immolation ne peut ni arrêter ni commencer un processus que si celui-ci n'est déjà intégré comme impulsion nécessaire, comme départ d'un enchaînement de causes à effets, par l'Histoire.

UNE «FORCE INTENTIONNELLE DANS LA PENSEE» DE L'HOMME

Dans un article déjà paru, «L'Homme Commande-t-il sa pensée ?», on a défini que la pensée peut être «affection», une affection intérieure qui peut avoir droit de vie et de mort sur l'être humain. Une force affective qui agit en l'être humain, et tous les êtres ont besoin de ce réservoir d'affectivité que ne secrète que la Pensée. On a donné l'exemple du suicide d'un ancien Premier ministre français et les motivations humaines qui ont entraîné son suicide. Et c'est en pleine fête du travail, le 1er mai 1993, qu'il se suicida. Ce qui en dit long sur ce que représente le travail, aujourd'hui, pour les masses.

Et ce «réservoir d'affectivité», comme on l'avait dit, est véhiculé par la pensée, qu'il apparaît comme un capital hérité à la naissance de l'être, et appelé à se fortifier durant l'enfance et l'adolescence jusqu'à l'âge adulte. Et ce capital affectif évolue au cours de l'existence. S'il venait à être malmené, ou à s'épuiser, les conséquences, on peut imaginer, seraient dramatiques, pouvant aller jusqu'à la sanction ultime, la «mort». L'immolation de Mohamed Bouazizi est un exemple édifiant de cet épuisement affectif, la perte de la raison de vivre, de l'espoir dans l'existence s'est close par son renoncement définitif à la vie.

Mais, au-delà de ces cas extrêmes, la «pensée» reste un prodige. En effet, en plus de l'affection, la pensée permet à l'homme sa conscience d'être, sa conscience d'exister. De cette pensée découle son «libre-arbitre». C'est par sa pensée que l'homme donc est mû, qu'il prend conscience du monde, qu'il agit librement par ses actes sur l'existence. Qu'il extériorise ses sentiments, ses joies et ses chagrins.

Cependant, dans l'absolu, l'homme est conscient dans l'inconscience, ceci dit dans le sens qu'il vit sans savoir pourquoi il vit. Il vit «parce que c'est donné», il pense parce qu'il pense, sans que l'homme sache pourquoi il pense. Et c'est d'ailleurs pourquoi il s'interroge, et explique que l'homme est «conscience dans l'inconscience».

Et ces interrogations qu'il fait sur l'Essence de l'Homme, la Nature et du Monde sont tout à fait naturelles. L'homme ne peut pas ne pas s'interroger sur son existence, ne pas chercher à savoir son existence, sa finitude en tant que processus fini, borné. Précisément, cette volonté de savoir qui «échappe de sa pensée» constitue un «principe vital» de son existence.

Dans l'absolue vérité de l'existence humaine, force de dire que l'homme n'existe que par sa pensée. Sans sa pensée, l'homme est tout simplement «inexistant». Dans l'absolu, l'homme croit faire, alors que c'est sa pensée qui fait, commande ce qu'il élabore, ce qu'il produit, ce qu'il organise. Comme Camille Flammarion l'avait énoncé (voir article ci-haut), au fond de chaque être humain, il y a un être pensant.

Dès lors peut-on dire, le cerveau humain n'est qu'une «interface entre l'homme et la pensée». Un instrument pour décoder les messages conscients et inconscients qui lui viennent et le déterminent dans son existence. Les hommes sont menants et menés sans qu'ils le sachent, ou s'ils le savent, ils ne changeront pas le cours de l'humanité. Il existe donc une «force intentionnelle» dans l'existence de l'homme dans le sens qu'elle le dirige sans qu'il en soit conscient. Ou s'il en est conscient, il ne peut rien sinon à être par cette conscience qu'il pense. Tout au plus dans ce qu'il sait de sa pensée. On peut croire qu'il y a un fatalisme dans son destin, cela aurait été ainsi s'il n'y avait pas de libre-arbitre. Mais le libre-arbitre qu'octroie la pensée fait qu'en étant mené par sa pensée, l'homme n'en mène pas moins sa pensée par ce libre-arbitre dont il est dépositaire, dont il est conscient. Il y a donc ce dilemme, l'homme est «mené et en même temps menant», ce qui fait l'intérêt essentiel d'exister, ce qui donne sens d'exister.

Quand le brillant mathématicien Henri Poincaré, dans ses entretiens avec Camille Flammarion doute de la réalité extérieure et ne croit qu'à l'esprit, il n'énonce en fait qu'une humilité, une reconnaissance qu'il affiche vis-à-vis de l'«Essence humaine» dont il ne sait rien. Sinon que cette essence lui a permis de découvrir des lois en Mathématiques, en Physique. Et tous les autres savants dans tout domaine des sciences sont de même redevables à cette «Essence» de penser qui existe en eux.

Les hommes sont dépendants de leurs pensées, une vérité métaphysique contre laquelle les hommes n'y peuvent rien, sinon de suivre leurs pensées comme elles leur arrivent y compris avec leur libre-arbitre qui lui aussi leur est donnée, Dès lors, on peut se poser des questions sur l'existence des peuples, et de leur devenir. Puisqu'ils relèvent tous de l'«Essence» ?

LES QUATRE PARAMETRES QUI ONT PRESIDE A L'EXPANSION ET A LA DOMINATION DE L'EUROPE SUR LE MONDE

Les peuples ne font pas exception à la règle. «Ils sont libres et non libres, Ils sont conscients et inconscients.» Tout en étant acteurs, les peuples subissent les forces du destin.

Prenons l'Europe d'hier et comparons à l'Europe d'aujourd'hui. En un millénaire, elle s'est transformée et a transformé le monde. Incroyable, devrons-nous dire ? Géographiquement parlant, cette minuscule Europe qui compte pour moins de 5 millions de km2 de superficie a rayonné pratiquement sur toute la Terre. 149,400 millions de km2 que comptent tous les continents de la Terre et 360,700 millions de km2 que comptent mers et océans de la Terre, soit 510,1 km2 la surface totale de la Terre. L'Europe occupait environ 1/100ème de la Terre. Etrange destinée ?

Dès le début du deuxième millénaire, à l'appel du pape Urbain II, les peuples d'Europe commirent des croisades extrêmement meurtrières sur les terres d'Islam. Huit croisades ont été recensées, et probablement plus, au cours desquelles les expéditions chrétiennes pour délivrer Les Lieux saints des Musulmans se soldaient par des rapines et de massacre de populations musulmanes. Plus de deux siècles dans cette friction sanglante entre le monde musulman et le monde chrétien. Il aura fallu une épidémie, la «Mort noire», qui décima, entre 1300 et 1400, un tiers de l'Europe pour arrêter ces campagnes iniques contre le monde musulman.

Evidemment, peut-on dire que les Européens commandaient leur destinée en allant porter la guerre aux Musulmans ? Que l'Eglise avait raison de pousser peuples et seigneurs d'Europe dans ces croisades ? Et qu'il aura fallu une «Mort noire» pour mettre un terme à ces expéditions chrétiennes ? Il est évident que, sans la croissance démographique de l'Europe, les croisades n'auraient pu gagner d'intensité. La Mort noire est venue arrêter ce flux en excès démographique. Dans ces expéditions armées, de croisés. Il existe des facteurs phénoménologiques intentionnels. Le philosophe allemand, Hegel, aurait dit qu'il y a une «Raison qui gouverne le monde».

Comme d'ailleurs ce qui a prévalu, entre 1400 et 1500, après que l'épidémie de la «Mort noire» fut dépassée, la croissance démographique s'est reprise en Europe, et les moyens maritimes se sont développés, l'Europe était prête pour de nouveau reprendre son expansion sur le monde. Cette fois-ci, et cela est étrange, elle ne s'est pas tournée vers le Proche-Orient, mais son intérêt s'est pris pour les Océans, et explorer ce qu'il y a derrière les Océans. Et c'est ainsi que la découverte de nouveaux continents par l'Europe vont changer le cours de l'histoire de l'humanité.

Portugais, Espagnols, Anglais, Hollandais, Français, Allemands, Suédois? vont alors coloniser le monde. Un nombre considérable de noirs africains transformés en esclaves seront déportés en Amérique du Nord, du Sud et les Caraïbes. Cette mainmise sur le monde durera jusqu'au début du XIXe siècle. Si l'esclavage disparaîtra à la fin du XIXe siècle, l'état des peuples colonisés, dominés ou libérés de l'esclavage était à peine enviable à celui de l'esclavage. Les Européens gouvernaient en maître sur pratiquement tout le reste du monde.

Une question, comment cela a été possible ? Est-ce le seul fait de la poussée démographique en Europe ? Pourquoi l'Europe et non les autres régions du monde ? Il est évident qu'il y a des causes historiques précises pour l'Europe, qu'aucune région du monde au cours de ces siècles ne cumulait. Et il explique aussi les siècles de croisades chrétiennes contre le monde musulman.

Aussi peut-on avancer quatre paramètres pour expliquer l'expansion de l'Europe sur le monde. Le premier paramètre tombe sous le sens, il est basique et concerne évidemment la surpopulation en Europe, les disettes, les émeutes, la famine, etc. L'Europe, au début de son expansion, était la région la plus peuplée du monde. En 1800 et 1900, elle comptait respectivement 187 millions et 420 millions d'habitants sur une superficie (Union européenne) d'environ 4,5 millions de km2 (données onusiennes). La Chine, le pays le plus peuplé du monde comptait pour la même période respectivement 260 et 400 millions d'habitants sur une superficie de plus du double, environ 9,5 millions de km2. La comparaison des taux démographiques rapportés au km2, respectivement pour l'Europe et la Chine pour les deux périodes ? 41 et 93 habitants au km2 pour l'Europe, et 27 et 42 habitants au km2 pour la Chine ? montre que l'Europe était peuplée plus de deux fois et demi que la Chine.

Si on compare ces chiffres à ceux d'aujourd'hui, on constate que le rapport des taux démographiques s'est inversé. L'Union européenne compte 113 habitants par km2, la Chine 140 par km2. Et c'est la Chine qui est en expansion sur le monde.

Sur le plan linguistique, l'Europe est le pays le plus différencié du monde. La mosaïque de langues en Europe donne une mosaïque d'Etats organisés au triple plan politique, économique et culturel, qui n'existe nulle par dans le monde. L'empire ottoman a certes mis un temps en danger l'Europe centrale, mais il a été surplombé au XIXe siècle. Quant à la Chine, elle a pendant longtemps rayonné par sa civilisation. Cependant, soumise à des dynasties impériales dont le pouvoir était centralisé, la Chine n'a commencé à se réveiller qu'au XIXe siècle, suite la pénétration européenne et japonaise. Dominé politiquement et militairement, elle entreprit une longue marche en Histoire pour sortir de sa léthargie dynastique historique.

On comprend que cette structure unique dans le monde ? une mosaïque d'Etats très organisés et «ramassés» dans un territoire étroit par rapport aux autres régions du monde ? constitue le deuxième paramètre historique.

Le troisième paramètre vient précisément de cette mosaïque d'Etats. La puissance dominatrice de l'Europe sur les pays du reste du monde vient du degré de «bellicosité» des monarques européens. «Bellicosité» qui a ensuite entaché les évolutions des régimes politiques européens. L'histoire de l'Europe a été une succession de guerres et de révolutions sociales que n'ont connues aucune région du monde.

Enfin le dernier paramètre, c'est le développement des techniques et de la science. Une région la plus peuplée du monde, où l'existence d'un grand nombre d'Etats et un recours incessant à la guerre poussent naturellement les Européens à innover sur le plan scientifique, à innover toujours plus sur les armements pour ne pas se trouver envahi et dominé par son voisin. Et l'Europe a été tout cela. Aujourd'hui même, et cela dit entre parenthèse, elle continue à peser encore sur le monde.

Et ce développement des techniques et dans les armements permirent d'octroyer une suprématie à l'Europe sur le reste du monde. Partout où l'Europe se déployait, dans les Amériques, en Afrique, en Asie, elle soumettait les peuples autochtones à une «exploitation impitoyable».

L'UNION EUROPEENNE ET L'«INTENTION SUPRAHUMAINE QUI VEILLE AU DEVENIR DU MONDE»

Une question se pose. Cette architecture mondiale faisant de l'Europe le «centre du monde» le doit-elle à l'Europe ? Il est évident que ce sont des forces historiques qui se sont concentrées dans le continent européen. Et l'Europe le doit à ses forces, à ces paramètres qui ont été énumérés. Si ces paramètres s'était concentrés en Amérique, ou en Afrique, ce n'était pas l'Europe qui se serait déployée mais l'Afrique ou l'Amérique, bien entendu avec la même configuration géographique, politique et culturelle que l'a été l'Europe. L'Europe en fin de compte n'a été qu'un «instrument de l'Histoire», comme les peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique qui ont subi cette «bellicosité» originelle, propre à l'Europe, ne pouvaient faire autrement parce qu'ils étaient là simplement. Est-ce que l'esclave a demandé à être «esclave», ou un colonisé à être «colonisé», ou un colonisateur à être «colonisateur». L'homme, comme on l'a déjà dit dans nos analyses précédentes, est «menant et mené».

Toujours est-il, la trajectoire de l'Europe va être brusquement mise à néant en trois décennies (1914-1945). Tout ce qu'elle a édifié en quatre siècles va se trouver balayé par deux guerres mondiales et une crise économique(1929) majeure dans l'Histoire de l'humanité. Le système politique européen n'était plus viable au regard de l'Histoire et des paramètres historiques dont l'Europe a bénéficiés ont commencé à s'effondrer. Le monde au XXe siècle a changé. Le reste du monde se réorganisait, apprenait le maniement des armes, revendiquait sa libération. Comme d'ailleurs aujourd'hui des régimes politiques arabes autoritaires, qui se croyaient à l'abri de toute menace extérieure, ont été balayés en quelques mois par leurs peuples. Le monde humain n'est pas figé, il évolue ave les nouvelles cartes écrites par l'Histoire.

Un dernier point à souligner pour l'Europe. La «supranationalité» de l'Europe est-elle venue d'elle-même ? N'a-t-elle pas obéi à des causes historiques au même titre aux causes qui ont présidé à son expansion sur le monde. Il faut rappeler le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, des peuples européens hagards, meurtris par tant de souffrances durant cinq longues années et demi de guerre. Les gouvernants devaient trouver à tout prix une solution pour que ce désastre historique ne recommence plus.

Précisément, ce n'est pas l'homme qui interdira désormais la guerre, mais «la Nature qui s'est conviée d'elle-même dans cette guerre». L'Homme, sachant par la pensée, n'a fait que trouver, par ses recherches, une énergie nucléaire naturelle qui existe dans la matière. Et «que la Nature se chargea de lui dévoiler une partie». Une énergie naturelle qui lie, qui maintient ce que l'homme appelle les «nucléons aux atomes», sans même qu'il sache ce que sont réellement ces nucléons, mis à part leurs poids, leur énergie et leur nombre approché (le nombre d'Avogadro) dans l'atome.

D'autre part, la configuration mondiale a changé radicalement. L'Europe est réellement dépassée. Le monde n'est plus en 1939, mais en 1945. Il a suffi cette guerre pour faire émerger de véritables blocs dans le monde. Deux géants en sont sortis ? les États-Unis et l'Union soviétique ?, ils l'entourent désormais, à l'Est et à l'Ouest. Deux autres géants apparaissent, le premier en 1947, le second en 1949.

Le monde s'est désormais organisé en grands ensembles. Si elle veut «survivre» et «ne pas être absorbée ou être déclassée en minuscules Etats», l'Europe a tout intérêt de s'inscrire dans une nouvelle configuration pour se présenter en un grand ensemble. Si elle veut rester une «puissance qui compte», en somme une exigence de la nouvelle architecture mondiale.

Combien de traités ont été signés pour aboutir au «Traité de Rome» ? il a pris effet le 1er janvier 1958.

Combien la Grande-Bretagne, arrimée aux États-Unis, et restera à l'écart, elle fut forcée d'adhérer en 1973, c'était tout à son intérêt. Aujourd'hui David Cameron fait du chantage à l'Europe, et fait entendre une sortie de l'Union par référendum. C'est de bonne guerre pour les intérêts de l'Angleterre. Mais «le pense-t-il réellement ? Le peuple anglais et la classe politique le lui permettrait-il ?» Quand on pense que les États-Unis visent à créer une grande zone de libre-échange avec l'Europe ? le Traité transatlantique en discussion aujourd'hui.

Un autre point à souligner. Le glacis européen, à peine sortie de la «satellisation» dans laquelle l'a mis la défunte Union soviétique, que les pays d'Europe centrale et orientale se trouvent de nouveau «satellisés au sein de l'Union européenne». Un destin des petits pays que les peuples n'ont pas choisi. Et qui revient à une «intention suprahumaine qui veille au devenir du monde».

L'AVENIR DES PETROMONARCHIES SE JOUAIT EN ALGERIE

L'Algérie aussi fait l'Histoire. Comme tout pays qui existe au sein des nations. On a cette pensée de dire que c'est l'Histoire qui fait l'Algérie. Comme d'ailleurs l'Europe s'est faite par son histoire. Il est évident qu'aucun peuple n'échappe à cette règle de la «suprahumanité» qui gouverne le monde. Pour concilier l'Algérie avec ces deux postulats, c'est-à-dire elle-même en tant que nation et peuple qui existent et la «suprahumanité qui préside au devenir», et, en ne prenant que la page la plus noire de son histoire, les années 1990, il faut s'interroger sur ce qu'elle a représenté par elle-même et ce qui a prévalu pour elle-même, durant cette période, et ce qu'elle a «induit pour le reste du monde» ?

L'islamisme radical en Algérie, il faut le rappeler, a fait irruption dès les années 1970, et a pris de l'ampleur au début des années 1980. L'avènement de la République islamiste d'Iran en 1979, la forte chute du cours du pétrole ? contrechoc pétrolier en 1986 ?, et l'endettement mondial (y compris l'Algérie) ont constitué un faisceau de forces explosives qui ont plongé l'Algérie dans la plus grave crise politique et économique de son histoire.

Evidemment, l'évolution d'un pays n'est pas linéaire, mais entrecoupée par des crises, et cela concerne toutes les nations du monde. Ce qui arriva à l'Algérie s'inscrit donc comme une crise naturelle qui doit concourir à construire son histoire.

Il faut cependant rappeler que l'Algérie, n'est pas un mince pays. Il est très suivi par les grandes puissances. Sa position géographique ? face à l'Europe ?, sa démographie, sa superficie territoriale, ses ressources minières et agricole, ses frontières maritime et terrestre très étendues, son passé dans la guerre de libération et son alignement au bloc socialiste, son soutien à la cause palestinienne, son poids politique dans le monde arabe et en Afrique, enfin un pays jeune (le poids de la jeunesse est un des plus forts au monde) font de lui un pays qui compte sur l'échiquier de puissance mondial.

Et si ses atouts ont été énumérés, c'est parce qu'ils ont aussi des inconvénients qui peuvent être redoutables pour le peuple algérien. Ce qui explique d'ailleurs la diplomatie algérienne et l'extrême prudence dans ses relations internationales.

Précisément ce pays, depuis son indépendance, n'a pas cessé de faire l'objet de déstabilisation. Et la décennie noire que le peuple algérien a vécue, dans les années 1990, a été en quelque sorte l'aboutissement de ce processus déstabilisateur. Les puissances de l'argent, essentiellement occidentales, continuent d'œuvrer, à défaut de coloniser, de «diviser les peuples pour régner».

Précisément, au début des années 1990, l'Algérie est entrée dans une grave crise politique. L'islamisme avait pratiquement gagné sur tous les fronts, par la voie démocratique (Elections, etc.). L'Occident prêchait les slogans à tous les pays du Tiers monde, avec bien entendu ses visées politiques et économiques en première ligne qu'il aura à retirer sur les autres puissances. Le problème ici n'est pas de juger l'islamisme ou le régime politique algérien en exercice, mais de comprendre les Forces de l'Histoire. Que s'est-il passé ? Que serait-il passé si l'Histoire a évolué autrement ? Et que l'Islamisme radical en Algérie n'avait pas abdiqué.

Comme on l'a dit toute cause et effet de cette cause entrent dans l'Histoire humaine que si elle était nécessaire au regard de la «suprahumanité» qui préside au destin du monde. Une loi du devenir. Un Esprit dans l'Histoire (Hegel).

Si nous partons, à la lumière de ce qui prévalu, et de ce qui prévaut aujourd'hui, où l'islamisme est en train de rebattre les donnes en Syrie, en Irak, au Yémen, en Tunisie, en Lybie, en Somalie et ailleurs, mais il ne réussit toujours pas puisqu'il fait face à des forces qui se liguent contre lui. Bien plus les Occidentaux et les monarchies arabes alliés luttent contre l'islamisme radical, et personne jusqu'en cette fin d'année 2014 ne l'a emporté. Et si nous nous référons à la décennie noire, et que nous supposerions que l'islamisme islamiste l'avait emporté en Algérie, comme en Iran, que se passerait-il ? Quelles conséquences pour les pays d'Afrique du Nord ?

Il est clair que l'islamisme va s'étendre comme une «traînée de poudre». Comme ce qui s'est passé pour le «Printemps arabe», en 2011. Tous les pays d'Afrique du Nord (Tunisie, Lybie, Egypte, Maroc) seraient déstabilisés et passeraient sous régimes islamistes sunnites. Pire le Maroc perdrait sa monarchie, et deviendrait une république islamiste. Le soutien de l'Occident à l'islamisme serait total. La stratège américaine serait un succès total, une «ceinture verte sunnite irait du Maroc à l'Arabie saoudite». Un rempart contre les pays communistes et anciennement communiste comme la Russie.

Se rappeler la navette d'officiels Européens et Américains au Caire pour libérer le président égyptien Morsi. Se rappeler que les pays du Golfe avec l'Arabie saoudite n'ont débloqué aucun fond pour soutenir le gouvernement islamiste égyptien, ce qui a concouru à la chute du régime islamiste. A cette époque ?il y a tout juste un an, en 2013 ?, les intérêts américains et des pays monarchiques divergeaient.

Que seraient alors les monarchies du Golfe, dans un pareil cas de figure en Algérie ? Il est évident que les Occidentaux, en particulier les États-Unis, ne s'embarrasseront pas de ces pétromonarchies qu'ils considèreront non seulement rétrogrades mais «contre-productives» pour leurs intérêts économiques et géostratégiques. De plus, sous la bannière de l'Islam sunnite, un rempart islamiste dans le monde arabe constituerait un bloc homogène sunnite suffisant pour contrer l'Iran. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

De là, on comprend pourquoi la «Suprahumanité» ne l'a pas entendue ainsi, et a opéré l'Histoire non comme les hommes l'ont voulu mais comme ce qui apparaît plus rationnel, eu égard à la «Raison dans l'Histoire». L'islamisme a perdu en Algérie et, ce faisant, a évité le pire pour les monarchies arabes. On comprend dès lors l'enjeu de l'avenir des monarchies arabes qui se jouait dans la guerre fratricide en Algérie. Comme il se joue encore aujourd'hui, en Syrie, en Irak?

Les puissances occidentales ne s'embarrassent pas du double langage avec les forces en conflit, pourvu que ce double langage apporte des fruits. On le voit, d'ailleurs, aujourd'hui, avec la chute des prix du pétrole.

Ce qui nous fait dire, entre ce que l'Homme projette et ce qui se réalise, existe un «décalage» que seule la «suprahumanité» peut combler, et pour l'intérêt de tous. L'Histoire doit certes avancer, mais ne peut avancer que par ce qu'a décidé l'homme. «L'homme est foncièrement égoïste», et s'il est laissé libre, une grande partie de l'humanité serait maintenue en esclavage. Ne l'est-elle pas en partie aujourd'hui par les puissances de l'argent ?

* Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective.