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Algérie-Palestine : Genèse de la création d'un Etat...

par Ghania Oukazi

Mahmoud Abbas vient à Alger pour s'appuyer sur l'historique et inconditionnel soutien et conseil des responsables algériens, à la veille de sa demande d'une résolution de l'ONU proclamant l'Etat palestinien.

L'Algérie des années 90 et 2000 s'est quelque peu abstenue de plaider publiquement la cause palestinienne en raison des difficultés qui l'ont étouffée pour ce qui est des années 90, et les bouleversements politiques qu'elle a connus aux plus hauts sommets conséquemment à cette décennie mais aussi avec l'arrivée du président Bouteflika. Cette abstention à l'endroit des discours publics n'a cependant rien changé à la volonté des gouvernants algériens de continuer à soutenir l'Intifada politiquement et surtout matériellement. Pour Alger, le Hamas est un mouvement de libération qui n'a rien à avoir avec la liste noire des groupuscules terroristes établie par les Américains et par les Européens. Aidé et soutenu par quelques pays arabes et musulmans qui sont restés fidèles à leurs principes et convictions, la détermination du Hamas de rappeler à Israël qu'il n'aura jamais de répit tant qu'il colonise la terre palestinienne n'a, à aucun moment, été ébranlée. Ceci, même si les fortes manipulations de l'éloigner de l'OLP de Mahmoud Abbas n'ont jamais cessé. Preuve en est, les féroces dissensions qui minent leur fragile alliance dès qu'elle est proclamée.

Aujourd'hui, les choses semblent évoluer autrement. Le Hamas n'est plus, depuis à peine quelques jours, ce parti terroriste «qui empêche les Israéliens de dormir». Les Etats-Unis ont décidé de le retirer de leur liste noire. Son alliance avec l'OLP semble tenir. De nombreux pays européens, y compris les plus réticents, ont accepté de reconnaître l'Etat palestinien une fois que les Nations unies acceptent de faire adopter la résolution de sa création. Ceci, même s'ils savent que Washington va faire valoir son veto pour la bloquer au niveau du Conseil de sécurité. C'est ce qui laisse penser que ce soudain «engouement» des Occidentaux à soutenir la demande de la création de l'Etat palestinien ne serait qu'un jeu diplomatique qui ne les obligera pas à faire plus. Parce qu'il serait étonnant de les voir accepter une aussi importante «demande» palestinienne alors que leur majorité a toujours soutenu Israël dans ses folies meurtrières contre le peuple palestinien et ses tentatives de l'exterminer.

L'ETAT PALESTINIEN ET LES RAPPORTS INTERNATIONAUX

Les génocides de Ghaza sous la puissance de la plus forte armée au monde n'ont pas poussé ces Etats à réagir fermement contre Israël pour l'obliger à arrêter ses machines de la mort et à respecter les résolutions du Conseil de sécurité. Ils se sont toujours alignés derrière le veto américain qui fait de la défense et de la protection d'Israël un point d'honneur.

Alors que l'Autorité palestinienne se démène pour avoir le plus possible de soutiens internationaux, les Américains viennent, en parallèle, de lever le blocus sur Cuba et comptent bien nouer de nouveaux liens avec le pays de Fidel Castro. Entre l'un et l'autre événement, le prix du baril du pétrole continue sa chute sous l'œil complice des pays du Golfe. L'Iran fait du pied au monde musulman sous ses différents rites et l'appelle à s'unifier pour faire face «au monde impie». La Turquie tente de torpiller toute action de ce genre pour pouvoir fédérer ce même monde visé par Téhéran. La coalition contre Daech au Moyen-Orient, notamment en Syrie, sait qu'elle ne pourra pas arriver à bout des terroristes si les problèmes des dispersions des pays musulmans ne sont pas réglés avec à leur tête le conflit israélo-arabe. Ses efforts pour constituer un large front avec les pays de la région n'ont toujours pas abouti. Une coalition Russie-Iran-Syrie les effraie mais ils savent que rien ne se fera au Moyen-Orient sans ces trois pays, excepté l'instauration d'un chaos dont les répercussions ébranleraient sans aucun doute leurs propres édifices.

Les analystes moyen-orientaux, chevronnés qu'ils ont toujours été, trouvent forcément un lien entre tous ces bouleversements. La demande de la création d'un Etat palestinien sous l'impulsion de Mahmoud Abbas doit indéniablement constituer une pièce de ce grand puzzle.

C'ETAIT LE 15 NOVEMBRE 1988

Mahmoud Abbas a besoin d'être soutenu et conseillé. Sa visite de trois jours à Alger est pour cela. Elle pourrait être, à l'occasion, un recueillement sur la terre qui a été la première à accueillir la naissance de l'indépendance et de l'Etat palestinien. Un acte solennel qu'aucun pays arabe ou musulman n'était capable d'abriter. C'était le 15 novembre 1988, au temps de Houari Boumediene alors président de la République. 64 après la création de l'Etat sioniste, la Palestine avait saisi cette opportunité pour faire entendre sa voix opprimée. Le Conseil national de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) que dirigeait Yasser Arafat s'était réuni à Alger pour proclamer l'Etat palestinien. Le Conseil national palestinien, «au nom de Dieu et au nom du peuple arabe palestinien, proclame l'établissement de l'Etat de Palestine sur notre terre palestinienne, avec pour capitale Jérusalem», consacre la déclaration d'Alger. Etat qui n'a été reconnu que par quelques pays arabes et musulmans et par Cuba de Fidel Castro. Bien que la déclaration d'indépendance de l'Etat palestinien signée à Alger n'ait pu avoir aucun effet sur les férocités israéliennes exercées sur le peuple palestinien sur leur propre terre, Arafat se devait d'accepter les préalables des Occidentaux pour pouvoir aller la proclamer à Alger. Il a été obligé d'accepter les résolutions 242 et 338 le sommant de rejeter le terrorisme et de reconnaître l'Etat d'Israël. «Terre des messages divins révélés à l'humanité, la Palestine est le pays natal du peuple arabe palestinien. C'est là qu'il a grandi, qu'il s'est développé et qu'il s'est épanoui. Son existence nationale et humaine s'y est affirmée, dans une relation organique ininterrompue et inaltérée, entre le peuple, sa terre et son histoire», dit la déclaration d'Alger du 15 novembre 1988. Ses rédacteurs avaient pris le soin de rappeler le triste sort de la Palestine «lorsque le monde contemporain entreprit d'instaurer un nouvel ordre». La déclaration souligne ainsi que «les rapports de forces régionaux et internationaux aboutirent à l'exclusion des Palestiniens du destin commun, et il apparut, une fois encore, que la justice était incapable par elle-même de faire tourner la roue de l'Histoire».

«AUJOURD'HUI, L'OLP N'EST PAS SEULE?»

C'est comme si l'histoire se rejoue encore une fois. Mahmoud Abbas veut créer l'Etat palestinien au moment où les puissants de ce monde remodèlent le monde sous la force des guerres et conformément à leurs intérêts géostratégiques. Les «rapports de forces régionaux et internationaux» semblent cependant réviser leurs copies «en ouvrant quelques issues et en soulageant quelques souffrances». D'autant qu'Israël leur coûte trop cher en ces temps de chute du pétrole. Les grosses sommes d'argent que beaucoup de pays occidentaux lui donnent (en premier les USA et l'Allemagne) greffent lourdement leurs budgets. La révision de la carte du monde par les Américains les pousse à redéfinir ces mêmes rapports régionaux et internationaux pour «garder la main». Encourager la création de l'Etat palestinien même sous le spectre de leur veto, pourrait leur accorder «le bénéficie du doute» et leur permettre d'initier un nouveau jeu auprès des pays arabes et musulmans. Parce qu'il est trop simple de croire que les Américains ont décidé de soutenir les Palestiniens au détriment de leurs alliés israéliens.

Ce qui est à craindre est que la création de l'Etat palestinien, dans cette conjoncture, ne vienne mettre à plat le peu d'acquis que son peuple a arraché à coups de gros sacrifices. Une fois créé, les analystes pensent qu'il sera tenu de négocier «d'Etat à Etat» avec Israël. Ce qui signifie que l'Intifada fera partie du passé et que le Hamas sera désarmé.

Il est très possible qu'Israël n'accepte pas que cet Etat soit créé aux frontières de 67, avec pour capitale El Qods, tout autant que le retour des réfugiés palestiniens. Il pourra être mis devant le fait accompli des nombreuses colonies construites sur les terres palestiniennes. Il passera le reste de sa vie à négocier sans rechigner. Il est certain que l'Autorité n'a même pas besoin d'argumenter sa demande. Mais accepter une indépendance et un Etat aux frontières d'aujourd'hui serait une trahison aux enfants d'El Kassam et de Mahmoud Derwiche. A moins de rester fidèle à se serment qu'elle a consacré dans la déclaration d'Alger : «Devant nos martyrs, devant notre peuple palestinien dans sa totalité, devant notre nation arabe et devant tous les hommes épris de paix et de dignité dans le monde, nous faisons le serment de poursuivre la lutte pour mettre fin à l'occupation, établir notre souveraineté et notre indépendance». Pour dire encore plus loin : «Le grand soulèvement populaire, l'Intifada, en plein essor dans les territoires palestiniens occupés, comme l'opiniâtre résistance des camps de réfugiés à l'extérieur de la patrie, ont élevé la conscience universelle de la réalité des droits nationaux palestiniens à un niveau supérieur de perception et de compréhension.

Le rideau est finalement tombé sur toute une époque de falsification et de sommeil des consciences. L'Intifada a entrepris le siège de la mentalité israélienne officielle, accoutumée à s'en remettre à la terreur pour nier l'existence nationale palestinienne». Aujourd'hui, l'OLP n'est pas seule. Le Hamas (avec ses forts soutiens) se partage avec elle le pouvoir...