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Sommet européen : Hésitations et doutes

par M'hammedi Bouzina Med: Bruxelles

A peine ouvert, le Sommet européen prévu pour deux jours, s'est clôturé jeudi soir, quelques heures après son ouverture. Signe d'unanimité ou de quelques désaccords ?

Alors que les journalistes qui couvraient le Sommet européen, ouvert jeudi après-midi, s'attendaient à de longues veillées jusqu'à vendredi soir, la rencontre des 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne a pris fin, jeudi, vers 23 h. Pourtant les trois principaux points de l'ordre du jour «brassaient» large: la question ukrainienne et la relation avec la Russie, le Traité commercial transatlantique et le Plan d'investissement de la nouvelle Commission pour les cinq années à venir. Cependant, c'est la crise Europe- Russie qui a prédominé dans les débats et les déclarations, des uns et des autres, trahissent l'unanimité de façade, affichée face à la Russie. «Je préfère me placer dans la perspective d'une sortie de crise et le début d'un dialogue de sortie de cette crise» a déclaré le président français, François Hollande. Et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, de confirmer « nous devons maintenir un cadre de dialogue avec la Russie ». Du coup, le Sommet qui annonçait un possible durcissement des sanctions contre Moscou, s'est abstenu et tout laisse à croire que le train de sanctions, qui arrive à une première échéance, en mars 2015, soit dans 3 mois, ne sera pas « alourdi ». L'Europe ne veut, donc, pas surenchérir dans son bras de fer avec la Russie.

Vingt-quatre heures, avant l'ouverture du Sommet, le chef d'Etat russe Vladimir Poutine tenait, à Moscou, une conférence de presse internationale devant plus de 1.000 journalistes du monde entier. Il a répété la légitimité de la Russie de se défendre des « attaques » occidentales menées contre son pays, sous la houlette des Américains. Il accuse les Occidentaux d'être à l'origine de la crise ukrainienne et partant de celle avec la Russie. Ce que nient les Européens qui rejettent, toute la culpabilité sur Moscou. Au final, les Européens, partagés sur la stratégie à adopter, envers Moscou, se sont contenté, lors de ce Sommet, de se rabattre sur le respect des «Accords de Minsk» (septembre 2014) qui stipulent un cesse-le- feu durable ; le respect des frontières et une ligne de démarcation, notamment. Bref, les Européen n'ont rien annoncé de nouveau dans ce dossier et attendent le mois de mars prochain pour évaluer les conséquences de leur stratégie, envers la Russie, mais surtout ses répercussions en Europe qui se font, déjà, sentir, même si elles sont gérables pour l'instant.

A contrario, les Européens ont annoncé leur volonté de conclure, dans un délai raisonnable (une année ?), le «Traité transatlantique» avec les USA. Ce Traité de libre échange, négocié depuis l'été 2013, peine à aboutir, en raison des craintes des syndicats et associations civiles européens, d'un démantèlement de leurs systèmes de protections sociales. Les syndicats européens estiment que le Traité ouvrira le système social européen à la concurrence du secteur privé (financier et bancaire) qui le détruira. D'ailleurs, des syndicats du secteur agricole ont envahi, vendredi matin, avec leurs tracteurs le quartier européen de Bruxelles, encerclant le Conseil européen. Malheureusement pour eux, les 28 chefs d'Etat et de gouvernement avaient mis fin à leur rencontre, jeudi soir. Enfin, le Sommet est passé très vite sur le plan d'investissement de 315 milliards d'euros, que la Commission Junker ambitionne de réaliser, pour les 5 années à venir. Les chefs d'Etat et de gouvernement se sont contentés d'adouber le projet Junker. Là, aussi, quelques interrogations demeurent en suspens: en réalité, la Commission européenne ne dispose pas de cette cagnotte. Elle a mis, dans la cagnotte, moins de 5 milliards et compte sur un apport du secteur financier et bancaire privé pour plus de 300 milliards. Pari, certes ambitieux mais risqué, en ces temps de crise.

Ce Sommet de fin d'année a laissé l'impression d'inachevé, de doute, sur une stratégie commune, voire unanime d'un front européen uni face autant à la Russie qu'aux USA. C'est cela aussi l'Europe: une Union qui se cherche, encore, et cherche sa place dans l'ère de la mondialisation.