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Dénouement de l'affaire d'Air Algérie

par Yazid Alilat

L'inutile et politiquement dommageable affaire de l'appareil d'Air Algérie retenu depuis vendredi sur une aire de stationnement à l'aéroport international de Bruxelles s'est terminée hier mercredi en début de journée a l'avantage du plaignant, le P-Dg de la société néerlandaise K'Air BV, M. Kerboua Djamel.

?'Il y a une heure environ, mon huissier m'a appelé pour me dire qu'il a libéré l'avion après avoir reçu confirmation du paiement des deux millions de dollars'', a annoncé hier au Quotidien d'Oran par téléphone M. Kerboua. Il ajoute : ?'mon avocat a appelé l'huissier pour libérer l'avion (d'Air Algérie), car les conditions de sa saisie ont été levées, c'est-à-dire le virement effectif des deux millions de dollars''. ?'Oui, je vous confirme qu'Air Algérie a viré l'argent ''au compte de l'huissier de justice chargé de gérer cette affaire, qui a de son côté donné son feu vert pour libérer l'avion de la compagnie nationale'', saisi vendredi dernier alors qu'il s'apprêtait à regagner Alger. La veille, mardi, Air Algérie ?'m'avait viré l'argent sur un compte escrow (compte à conditions particulières) que je ne pouvais encaisser. C'est ce qui a retardé le dénouement de cette affaire dans laquelle l'Algérie est perdante'', ajoute M. Kerboua, qui a tenu à préciser que ?'Air Algérie de son côté a repris possession de son avion''. ?'Cette affaire n'aurait pas du prendre cette ampleur, préjudiciable pour l'image de marque de l'Algérie'', relève t-il, expliquant que ?'pour moi, il s'agissait de récupérer mon argent, au dernier centime, mais il n'en est pas de même pour les gens d'Air Algérie, car ce n'est pas leur argent''. En fait, en plus des deux millions de dollars réclamés et obtenus par M. Kerboua, la compagnie aérienne algérienne a également déboursé 300.000 dollars en frais d'avocats'', précise t-il. Flash-back: l'affaire commence en juillet 2008 avec la signature entre Air Algérie et la société néerlandaise K'Air BV dont le patron, un algérien et ancien pilote, d'un contrat de cession de la vieille flotte de la compagnie pour 13 millions de dollars. Le contrat porte sur deux Airbus A310-200, 12 Boeing 737-200, six Boeing 727-200, sept Fokker 27-400 ainsi qu'un ensemble de pièces détachées, équipements, outillage spécifique et moteurs y afférents. Le contrat prévoyait une avance de deux millions de dollars. Or, très vite, un litige va faire capoter ce contrat: Air Algérie ne peut fournir la documentation de certaines pièces faisant partie du contrat, réclamée par la société K'Air BV. Selon M. Kerboua, ?'il est bien mentionné dans le contrat qu'Air Algérie est dans l'obligation de nous remettre l'historique des pièces détachées''. Une situation qui a fait définitivement capoter le contrat et amené K'Air BV à aller devant la cour internationale d'arbitrage le 17 mars 2011 pour demander que lui soit restitué le montant intégral de son avance, soit deux millions de dollars.

A Alger, la saisie de l'appareil d'Air Algérie fait grand bruit, avec un air de scandale diplomatico-commercial avec la convocation par Alger des ambassadeurs des Royaumes de Belgique et des Pays Bas en Algérie. Les autorités algériennes avaient estimé qu'un appareil du pavillon national ne pouvait être retenu avec une telle légèreté, d'autant que l'affaire était en cours au niveau du tribunal commercial d'Alger. Maintenant, ?'pour moi, l'affaire est close'', dira le P-DG de K'Air BV, qui s'interroge : ?'pourquoi en est-on arrivé là ?'' La question mérite d'être posée car elle soulève d'autres questions relatives au management d'Air Algérie et les angles morts non encore connus de cette affaire, qui n'est pas près de connaître tous ses tenants et aboutissants. Qu'on en juge : un communiqué d'Air Algérie diffusé dimanche indique que la somme de 2 millions de dollars, réclamée par la société néerlandaise K'Air BV, ne constituait pas une caution. «Les sommes de 500.000 dollars et de 1.500.000 dollars représentent les deux échéances qui devaient être honorées par la société K'Air BV, au titre du contrat la liant à Air Algérie, respectivement 7 jours suivant l'acceptation de l'offre et 15 jours suivant la signature du contrat de vente», ajoute le communiqué de la compagnie, qui précise un peu plus loin que ?'la somme de ces deux montants, soit 2 millions de dollars, ne constitue pas une caution et ne peut tenir lieu de caution. La caution n'étant pas prévue au contrat de vente». Question : pourquoi alors Air Algérie a levé hier mercredi les conditions de son virement sur un compte Escrow destiné à la société K'Air BV ? Le contrat de vente d'appareils de la compagnie nationale réformés signé le 6 juillet 2008 portait sur un montant global de 13 millions de dollars, mais en 2009, Air Algérie a résilié le contrat, estimant K'Air BV non solvable.

QUESTIONNEMENTS

La compagnie nationale ajoute dans le même communiqué que ?'K'Air BV avait essayé de justifier dans un courrier en date du 10 février 2010 adressé au P-DG d'Air Algérie de l'époque ses difficultés d'honorer ses engagements financiers par la crise financière mondiale qui avait touché le secteur de l'aviation, notamment les avions d'ancienne génération''. Selon Air Algérie, K'Air BV n'est pas parvenue à mettre en place le financement tel que prévu «en dépit des facilités» qui lui ont été accordées. Après une mise en demeure pour faute d'exécution, la compagnie aérienne nationale a procédé le 29 décembre 2009 à la résiliation pure et simple du contrat de vente. K'Air BV a engagé le 17 mars 2011 une procédure de justice auprès de la Cour internationale d'arbitrage qui a rendu, le 31 mars 2014, une sentence condamnant Air Algérie à lui verser 2 millions de dollars au titre de la restitution de l'avance sur contrat. Seconde et dernière question : pourquoi alors Air Algérie a rompu unilatéralement un contrat, alors que ses experts et son cabinet d'avocats savaient pertinemment qu'elle allait s'exposer, tôt ou tard, à un verdict à son désavantage de la cour internationale d'arbitrage ? ?'Vous savez, nous dans le monde de l'aviation, on se connaît très bien, et depuis longtemps, comme vous, journalistes, vous connaissez parfaitement votre monde professionnel'', nous a lancé un peu énigmatique mais visiblement heureux d'empocher les deux millions de dollars, à la fin de sa déclaration, M. Kerboua.