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Union Européenne ? Algerie : jeux de cours

par M'hammedi Bouzina Med: Bruxelles

L'Algérie et l'Europe, c'est une vieille histoire de famille. Pas d'autre issue que l'entente. Basta les débats inutiles d'arrière-garde pour l'ego. Il y a la réalité du monde.

Pourquoi faut-il y voir des combats d'arrière-garde idéologique, des luttes de clans, voire de classes sociales ou encore des prétextes tactiques de multinationales impérialistes à chaque fois que la relation et la coopération Europe- Algérie revient à l'actualité ou que l'un ou l'autre partenaire demande à revoir tel ou tel chapitre ou domaine de coopération ? Un Accord de coopération, en l'occurrence l'Accord d'association UE- Algérie est-il immuable, éternel, fixé et fixant pour l'éternité les conditions économiques et politiques du mode de coopération entre les deux partenaires ? Pourtant l'Accord d'association UE - Algérie de 2002, entré en application en septembre 2005, contient la clause qui garantit aux deux parties la liberté de revoir ou de réviser tel ou tel aspect de la coopération, de l'amender si cela le nécessité etc.

L'Accord prévoit même la possibilité de son abrogation endéans un délais de six mois par lequel la partie qui le souhaite avertit l'autre partie. Cette possibilité a été mise à profit par d'autres partenaires de l'UE, voisins de l'Algérie, sans qu'ils soient accusés de " révisionnistes " au sens politique du terme ou que cela ne soulève des tôlés " diplomatiques " chez eux ou au sein des Institutions de l'UE. Faut-il rappeler que l'Algérie a été le 1er pays a voir signé un Accord de partenariat avec l'UE couvrant au delà du simple domaine commercial, les domaines politique et celui des affaires intérieures et de la justice ? Nos voisins immédiats que sont la Tunisie et le Maroc qui avait signé, bien avant l'Algérie, un simple Accord commercial respectivement en 1993 et 1995, ont demandé la révision de leurs accords après 2002 pour y adjoindre les volets des affaires intérieures et de la justice (JAI). D'une manière générale, tous les partenaires de l'UE, y compris ses pays membres interviennent souvent pour amender ou revoir un aspect ou un autre de leur mode de coopération. N'a-t-on pas assisté en direct à la télévision l'ex président Français, Nicolas Sarkozy, fermer de facto les frontière françaises aux migrants victimes de la guerre en Libye, guerre qu'il provoqua lui- même ?

Le président d'un pays fondateur de l'UE piétinait ouvertement un principe sacré de l'UE, celui de Schengen. N'a ton pas entendu le mois dernier, en direct sur des télés du monde entier, le 1er ministre britannique, David Cameron, refuser l'injonction de la Commission européenne de payer sa participation au budget de l'UE et menacer de quitter l'Union ? Alors, pourquoi l'Algérie soulève tant de polémiques et de guéguerre diplomatique dès qu'elle expose le souhait de revoir, non pas une clause de coopération, mais même un suris pour tel ou tel secteur commercial de coopération ?

La réalité est que la coopération et la diplomatie se sont tellement complexifiées ces dernières années qu'à défaut de visibilité et de cap politique pour bien de partenaires, on tombe dans l'interprétation idéologique simpliste et désuète qui cache, pathétiquement, une incapacité à maîtriser les bouleversements géopolitiques du monde, et en ce qui nous concerne, ceux que vit la région euro méditerranéenne, et surtout à s'y adapter et à défendre ses intérêts.

Que demande l'Algérie à l'UE et inversement, que demande cette dernière à l'Algérie ? Brièvement l'Algérie a souhaité et acquis le report à l'échéance de 2020 du calendrier du démantèlement tarifaire (prévu à l'origine pour 2017) pour une gamme de produits industriels qu'elle importe d'Europe. Trois années de sursis qui font bondir en vrac les trabendistes du gros, les importateurs tout-venant, les pseudo nationalistes et conservateurs, les opposants au régime, ceux qui sont dedans etc. Tout le monde s'y met pour dénoncer, chacun à sa manière et selon ce qu'il gagne du marché actuel pour tirer à boulets rouges, qui sur le régime de rente et ses " intérêts à l'étranger ", qui sur l'Europe " impérialiste et envieuse de la stabilité algérienne ", qui encore sur les lobbies ennemis de l'Algérie qui squattent les coulisses de Bruxelles etc. Dans ce déversement de borborygmes, quelques économistes et politiques sérieux tentent de ramener ce débat à sa juste dimension : la part de cet échange commercial dans le PIB et PNB en terme de fiscalité; la variation des cotations boursières et la dévaluation du dinar algérien ; les variations du marché européen ; les faiblesses du marché algérien (industrie et agriculture) ; l'anachronisme de la balance des paiements algérienne etc.

Au plan politique, rares sont ceux qui incluent dans leurs approches les bouleversements politiques en méditerranée (et même ailleurs) : la Libye en ruine, la Tunisie en Transition politique depuis 4 ans, la crise financière et sociale en Europe, en particulier chez les pays sud de l'Europe : Grèce, Espagne, Italie? Bye baye la politique de voisinage élaborée en 21007 par l'Europe. Autant de paramètres que partisans et pourfendeurs de l'Accord d'association UE- Algérie ignorent allègrement et s'ont vont dans des plaidoyers surréalistes accusant l'Europe d'en vouloir à l'Algérie (la fameuse main de l'étranger), d'autres traitant tous les responsables politiques et décideurs algériens d'inconscients et d'incapables.

Malheureusement, cette vison étriqué du sens de la coopération entre Etats existe aussi en Europe, jusqu'au sein des Institution européennes : les affrontements entre ultra-libéraux et socialistes et sociaux chrétiens, voire aussi les souverainistes sont permanents. Les partisans de l'ultralibéralisme ne ménagent pas leurs efforts pour que les pays du sud méditerranéen (et l'Afrique) lèvent totalement leurs " barrières " douanières et livrent leurs marchés aux flots de marchandises venues d'Europe et d'ailleurs. Peu leur importent les dégâts sociaux et politiques chez les autres. Ce courant a réussi dans plusieurs pays d'Afrique en les obligeant à signer les fameux accords de partenariat économique (APE).

Les pays d'Afrique de l'Ouest ont été les premiers concernés depuis 2009. C'est-à-dire le Congo, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Burkina -Faso etc. Ces pays qui vivent, depuis, ce que l'on sait sur le plan de la stabilité sociale et politique.

Et nier la relation entre la suppression des taxes douanières, donc les revenus de l'Etat, et la misère sociale de certains d'entre eux n'est pas honnête. Le parallèle avec l'Algérie est simple et évident : quel pays prend en charge totalement, de la maternelle au supérieur, les études de ses enfants et sa jeunesse ? Quel pays soigne gratuitement riches et pauvres ? Quel pays construit et livre gratuitement des milliers de logement sociaux, particulièrement en ces moments de crise de croissance mondiale ? Quel pays subventionne les produits de base de l'alimentation et du médicament ? Bien sûr, tous ces secteurs vitaux de la nation ne sont pas exempts de critiques, de manques, d'imperfection, de confort standard etc. Mais ils ont l'avantage d'exister et gagnent à être perfectionnés.

La règle des 51 / 49 pour cent pour ce qui concerne les investissements étrangers a des raisons d'être appliquée. Pour quel secteur, comment et pourquoi relève de la compétence des spécialistes.

Du reste, elle est discutable en fonction des intérêts de l'Algérie. Il ne s'agit pas ici de défendre ce modèle ou de le critiquer. L'honnêteté intellectuelle voudrait que l'on tienne compte dans l'analyse macro économique de l'Algérie. Ne pas tenir compte de l'énorme dépense du budget de l'Etat pour ces secteurs stratégiques de l'économie nationale dans l'approche du système économique algérien est une imposture politique. Exiger des standards économiques et politiques à l'identique des pays européens, compréhensible certes, est une autre imposture politique. En cas de livraison du marché national algérien à la libre concurrence totale amputerai le " budget de l'Etat " de tous ces moyens d'assurer le minimum vital aux citoyens (école, santé, logement, alimentation notamment). C'est pourquoi, verser dans des approches purement partisanes ou intéressées n'a pas de sens et ne peut aider à une coopération juste et équilibrée.

Il faudrait que l'on pose les conditions de notre partenariat avec l'Europe en tenant compte de notre situation interne, de nos contraintes objectives, de nos capacités réelles que l'on doit conjuguer avec notre intelligence à négocier avec l'Europe et le reste du monde. IL n'y pas de secret, le monde est devenu un marché ou tout est négociable. A nous d'être à la hauteur. Et tout le débat autour de notre partenariat avec l'UE ne revient qu'à cela : sommes nous prêts et capables à relever le défit ? Si oui, pourquoi, tant de débats inutiles, tant de génuflexions politiques devant des européens puisque au final nous terminerons dans le marché mondial malgré nous. Si non, trêve d'accusations des autres de notre malheur. Dans les deux cas soyons dignes.