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Les «Abenomics» en échec

par Akram Belkaïd, Paris

Comment redresser l’économie anémiée du Japon ? La question est de nouveau posée après que les observateurs aient décrété l’échec patent des « Abenomics », comprendre la politique économique mise en place par le Premier ministre Shinzo Abe depuis son élection en décembre 2012.      Cette dernière, mélange d’assouplissement monétaire vigoureux et de réformes structurelles devait pourtant permettre à l’Archipel de sortir de la stagnation dans laquelle il patauge depuis plus de 15 ans. Las, les dernières statistiques économiques ont montré que rien n’a changé ou presque : le moteur nippon continue de fonctionner en sous-régime.
 
LA FAUTE A LA TVA ?
 
De fait, les chiffres du troisième trimestre ont confirmé que l’activité est en récession puisque le Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,4% (-1,6% en rythme annuel). Pour mémoire, il avait déjà plongé de 7,3% au deuxième trimestre de cette année. Outre une baisse des investissements et des exportations, les économistes relèvent que ce trou d’air est principalement lié à la faiblesse de la consommation des ménages (laquelle correspond à 60% du PIB). Pourquoi les Japonais ne dépensent-ils pas plus ou, plus exactement, pourquoi dépensent-ils moins d’une année à l’autre ? Deux raisons expliquent ce phénomène. L’une est conjoncturelle puisqu’elle réside dans la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui est passée de 5% à 8%. En augmentant la TVA et en se préparant à la faire passer ensuite de 8% à 10% (une hausse reportée depuis), Shinzo Abe aurait freiné les dépenses et donc cassé la croissance, un peu à l’image de ce qui s’est passé en 1997. Pour le gouvernement japonais, cette hausse de la taxe sur la valeur ajoutée est néanmoins une mesure essentielle pour assainir les finances publiques d’un pays dont la dette correspond à 230% de son PIB. Reste que, dans le même temps, une telle augmentation est contradictoire avec la volonté d’en finir avec la déflation. En effet, les prix ne cessent de baisser (l’inflation réelle est pratiquement nulle) tandis que les ventes ne décollent pas.

L’autre raison est structurelle, nombre d’experts considérant qu’il y a un vrai problème de confiance en l’avenir du Japon, les actifs préférant épargner (en vue de mauvais jours à venir) plutôt que d’augmenter leurs dépenses. La catastrophe de Fukushima, le non-renouvellement de la classe politique, les scandales financiers mais aussi un certain sentiment de déclin éprouvé face à la montée en puissance de la Chine, tout cela alourdit le climat général dans l’Archipel où l’optimisme semble devenir une denrée rare.
 
DES REFORMES TROP TIMOREES
 
La faiblesse de la consommation n’explique pas tout. Très médiatisées à leur lancement, les actions lancées par Shinzo Abe ont déçu dans leur résultat global. Rappelons que les « Abenomics » se sont déclinés sur trois axes : Un plan de relance de 10 300 milliards de yens (80 milliards d’euros), des réformes structurelles concernant notamment le marché du travail et une action vigoureuse de la Banque centrale du Japon (BoJ) qui a procédé à un rachat massif d’obligations publiques (à l’image de ce qu’a fait la Banque centrale américaine). Or, tout cela n’a pas abouti à faire redémarrer la machine économique et, pour l’heure, le diagnostic des raisons de cet échec reste flou.

Les réformes d’Abe seraient trop timorées, pas assez audacieuses dans un pays où le vieillissement de la population favorise le conservatisme. Ainsi, le recours à l’immigration, l’une des pistes suggérées par plusieurs institutions financières internationales pour enrayer la baisse continue de la population active, est-il régulièrement repoussé. Ceci étant, la presse nippone annonce déjà les « Abenomics 2 », une deuxième salve de mesures prévues pour 2015. Après 15 ans de stagnation, le Japon devra encore patienter quelques mois avant de, peut-être, renouer avec la croissance.