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Quel temps fait-il ? Chaud. Trop chaud !

par Pierre Morville

G 20, Banque mondiale et même les Etats-Unis et la Chine, le réchauffement climatique finit par inquiéter la terre entière

A Paris, il fait étonnamment doux. Ce week end, les gens déjeunaient sur les terrasses. Beaucoup de fenêtres sont ouvertes. Les conversations roulent bien sûr, sur le temps (étonnant) qu'il fait. Déjà, quand celui-ci est normal (chaud l'été, froid l'hiver, intermédiaire au printemps et à l'automne), le climat occupe une bonne partie de nos propos quotidiens, avec de nombreuses, fortes et profondes réflexions sur la température ambiante : «Ah ! Il fait bien chaud ! On a un vrai été, hein ?», «On se les gèle, aujourd'hui ! Pourvu que l'hiver ne dure pas trop longtemps?» ou «Je vous l'avais dit ! On va avoir un printemps sous la douche».

Alors quand le thermomètre renvoie des chiffres atypiques, dans les conversations, le sujet climatique dépasse largement en audience les impôts, le chômage, les émissions de télés de la veille et les différentes guerres dans le monde.

Bien évidemment tout le monde se félicite de cette douceur automnale, on profite au maximum de ce bel « été indien ». L'été des Indiens ? C'est une expression d'origine américaine qui désigne la période de temps ensoleillé et radouci, après les premières gelées de l'automne et juste avant l'hiver. Il parait que les indiens faisaient leur récolte à ce moment-là. En France, on parle « d'été de la Saint-Martin ». Comme disent le dictons en France, « à la Toussaint, commence l'été de la Saint-Martin », c'est-à-dire le 1er novembre et surtout : « été de la Saint-Martin, dure trois jours et un brin », c'est-à-dire pas plus d'une semaine. Là, on arrive en décembre et le 21 du mois prochain, c'est l'hiver.

Bref, on n'a pas eu d'automne et l'hiver 2014 pourrait être tout aussi clément. Du coup, après s'être auto congratulés sur le doux temps qu'il fait, mes compatriotes affichent parfois des mines soucieuses. On sent poindre ici et là comme de l'inquiétude devant le dérèglement du climat. Tout cela n'est pas bien normal?

Il parait qu'à Oran, c'est quasiment l'été à la fin novembre ! Il y a bien eu quelques orages en Algérie en début de mois mais depuis : chaleur, chaleur, chaleur. Au Maroc, les errements du climat ont pris il ya quelques jours, un tour beaucoup plus dramatique. Le week end dernier, de violents orages ont entraîné des inondations et d'impressionnantes crues dans une large partie du sud du Maroc, au pied des massifs de l'Atlas. 35 personnes sont mortes et d'autres sont toujours portées disparues. Déjà en 1995, dans la même région, des crues avaient fait des centaines de victimes. A l'origine des orages, une masse d'air froide descendant de l'Atlantique Nord est venue se confronter avec une masse d'air chaude remontant le Sahara. Après un redoux, mardi, on s'attend aujourd'hui jeudi, à de fortes précipitations sur le royaume.

UN RECHAUFFEMENT HUMAIN, TROP HUMAIN

Principal responsable, un puissant anticyclone au milieu de l'Atlantique qui bouleverse le climat sur les deux rives de l'Océan. Mais derrière ce dérèglement ponctuel se cachent des inflexions de longue durée. On assiste ainsi à une hausse constatée des températures : de 0,67°C entre 1920 et 2010. Pas grand-chose, diriez-vous ? Le premier problème est qu'en matière climatique, de toutes petites variations ont de très gros effets. Le second est que le phénomène s'accélère : la hausse s'est concentrée dans les vingt dernières années et la plupart des météorologues estiment que le thermomètre mondial pourrait prendre de deux à six degrés de plus d'ici 2100 avec des conséquences environnementales graves et irréversibles. D'ores et déjà, notre vieille Terre est actuellement plus chaude qu'elle ne l'a jamais été depuis 500 ans. Le niveau des mers a crû de plus de 10 cm depuis 60 ans, dont plus d'un quart depuis le début de ce siècle. L'Agence américaine océanique et atmosphérique a indiqué qu'octobre et les dix premiers mois de l'année ont été les plus chauds enregistrés sur la planète depuis le début des relevés de température, en 1880. Il s'agit également, selon la même agence, du 38e mois d'octobre consécutif au cours duquel la température du globe est au-dessus de la moyenne de celle du XXe siècle, atteignant 14,74°C. Pour la majorité des scientifiques du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution des climats qui vient de publier son « Vème rapport »), la fonte des calottes glaciaires polaires entrainerait une nouvelle élévation de 18 à 58 centimètres du niveau des mers durant ce siècle.

Qui est responsable de ce maudit réchauffement qui voient se multiplier tempêtes et cyclones, ouragans et autres typhons, toujours plus puissants ? Cela renvoie à une question essentielle : l'homme est-il responsable de la situation et, demain de son propre malheur ?

Les « climato-sceptiques » pensent eux, que la cause principale est géophysique, liée à l'activité solaire et aux rayons cosmiques. Ils font valoir que dans les derniers dix mille ans, la Terre a connu cinq longues périodes où il faisait aussi chaud, voire plus chaud qu'aujourd'hui. Et jusqu'à une date récente, le poids de l'activité humaine comptait pour le climat, à peu près autant que celle des fennecs.

Toute autre est la thèse des pessimistes à l'image d'Al Gore, l'ancien vice-président de Bill Clinton qui estime que le dégagement massif de CO2, à partir de l'activité humaine, est la principale cause du réchauffement : le carbone dégagé, en s'accumulant crée un effet de serre qui fait monter le thermomètre. Et le carbone n'est pas seul responsable de la pollution climatique : de très fines microparticules issues de la production industrielle (nitrates, sulfates, chlorures?) inondent le ciel et font entre autres, que les océans sont de plus en plus acides. Les mers sont également encombrées de sacs et déchets de plastiques, quasi indestructibles, qui empêchent l'évaporation.

Des dangers encore accrus par deux phénomènes quasi-inéluctables : l'industrialisation croissante des pays émergents qui, à juste raison, comblent rapidement leur retard et l'urbanisation généralisée de la planète : plus d'un humain sur deux vit aujourd'hui en ville (3,5% en 1800, 15% en 1900, 30% en 1950). Dorénavant, 30% de la population mondiale réside dans des agglomérations de plus d'1 million d'habitants. Plus de chauffage, plus de fumées, plus de dégagement de microparticules liées à l'essence ou au diesel des innombrables voitures qui circulent jour et nuit?

Les USA et la Chine enfin inquiets

La Banque mondiale vient de remettre son rapport annuel qui traite chaque fois un aspect du développement mondial. Cette année, l'institution émanant de l'ONU mettait l'accent sur les dangers sanitaires et alimentaires que court l'humanité à ne pas s'investir concrètement dans la lutte contre le réchauffement climatique. La communauté internationale est en effet supposée ne pas dépasser de +2°C, à l'horizon 2050, la température moyenne de l'ère pré-industrielle, alors que nous en sommes déjà aujourd'hui presque à la moitié (+ 0,8°C) ! La Banque Mondiale envisage ainsi l'hypothèse d'une hausse de 4°C avec des événements climatiques « extrêmes », survenant de nos jours « une fois par siècle ».

L'inquiétude est notamment centrée sur trois régions du globe (l'Amérique latine, le Moyen-Orient et l'Europe orientale), particulièrement exposées aux conséquences du réchauffement climatique sur la sécurité alimentaire et hydrique, et la hausse du niveau des eaux. La fonte des glaciers provoquera des inondations destructrices des exploitations agricoles dans ces régions. « Si l'on ne fait rien, la plupart des glaciers andins et les deux tiers de ceux d'Asie centrale pourraient avoir disparu d'ici la fin du siècle », prévient le rapport.

 «Les conséquences pour le développement seraient graves avec un recul des ressources aquatiques, une montée des eaux, un déclin des récoltes et la vie de millions de personnes mise en danger ». En effet, « la majeure partie des cultures sont tributaires des pluies et très vulnérables au changement climatique annoncé », continue la Banque Mondiale.

Le rendement des cultures de soja pourrait chuter de 30 à 70 % au Brésil, alors que celui du blé est menacé d'être divisé par deux en Amérique centrale ou en Tunisie, à cause notamment des sécheresses plus nombreuses et plus longues et la multiplication d'événements climatiques extrêmes dans ces régions : jusqu'à 80 % du Moyen-Orient et de l'Amérique du Sud pourraient être frappés par des vagues de chaleur « sans précédent », ce qui risquerait de provoquer des vagues de migration de très grande ampleur. Pour Jim Yong Kim, président de la Banque Mondiale, « il est clair que nous ne pouvons continuer sur cette voie d'émissions de CO2 croissantes et non maîtrisées ».

De leur côté, après de longues discussions, une vingtaine de pays riches ont décidé d'allouer 9,3 milliards de dollars au « Fonds vert » de l'ONU, afin d'aider les pays pauvres à lutter contre le réchauffement climatique et parer des crises sanitaires et alimentaires lui succédant.

A la mi-novembre, le G20, réunissant les Grands de ce monde en Australie (au moment ou ce pays battait son record de chaleur pour un mois de novembre !), abordait avec à propos le sujet du réchauffement. Les travaux « laissent envisager la grande conférence climatique, Paris 2015, avec un soupçon d'optimisme », note Patrice Geoffron, économiste du climat, depuis Copenhague 2009, qui a appelé à une limitation à 2°C de la hausse des températures à l'horizon 2050, aucune perspective d'accord global ne se dessinait, mais il a y désormais place pour un espoir, raisonné». Le communiqué final du G20 de la mi-novembre affirme en effet brièvement mais avec force, le principe d'un accord obligeant légalement les signataires à respecter l'engagement qu'ils prendront à Paris en 2015. Le G20 demande aux parties de dévoiler leurs intentions dès le début 2015.

Plus surprenant, quelques jours avant le G20, Etats-Unis et Chine, très climato-sceptiques jusque là, ont dévoilé un engagement conjoint : Washington énonce l'objectif d'une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 26?% à 28?% d'ici à 2025 (comparativement à 2005), et Pékin fixe une échéance à son pic d'émissions pour 2030. Les deux grands pays étaient pour l'instant vent debout contre toute décision pouvant freiner la production.

Et ailleurs, quel temps fait-il ?

Alors qu'à Oran, le temps se couvre fortement en fin de journée avec peut-être quelques pluies, il fait quand même 24° dans l'après midi. A Téhéran, soleil radieux et 17°. Le soir, dans les rues sous un ciel très clair, et sans aucun vent, les Iraniens échangeront certainement, sans surprise mais avec un peu de déception, sur l'échec des négociations qui réunissait à Vienne les responsables du pays avec ceux des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Angleterre, de l'Allemagne et de la France. Au terme d'une semaine d'intenses discussions sur le nucléaire iranien. Téhéran et les grandes puissances ne sont pas parvenues à s'entendre. Mais les négociations sont prolongées jusqu'au 30 juin prochain. Entre temps, tout reste en état. La République islamique n'écope pas de nouvelles sanctions. En contrepartie, elle s'engage à maintenir son programme nucléaire au stade actuel.

A Tunis, soleil radieux toute la journée avec 21° l'après midi. Un ciel très nuageux ce soir sur les terrasses des cafés où l'on continue certainement à commenter les résultats de la présidentielle. Vainqueur au 1er tour : Béji Caïd Essebsi (39,4% des voix) dont le parti Nidaa Tounès était arrivé premier aux législatives du 26 octobre. C'est d'abord un vote sanction contre Ennahda et ses alliés de la «troïka», qui n'ont pas réussi à sortir la Tunisie de l'ornière. La formation islamique ne présentait d'ailleurs pas de candidat mais ses sympathies allaient au président sortant, Moncef Marzouki (33,4%). Le candidat de la gauche, Hamma Hammami, se place en 3ème position avec 7,8%. Quant à l'homme d'affaires, Slim Riahi, il ne capte que 5,5% des électeurs, devançant une vingtaine d'autres candidats beaucoup plus malchanceux.