Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Europe : Le pape solidaire avec les immigrés

par M'hammedi Bouzina Med: Bruxelles

Le pape François a fustigé, avec tout l'art du discours diplomatique, le manque de solidarité et de soutien des élus et dirigeants européens aux migrants «clandestins» qui meurent noyés en Méditerranée.

En s'invitant devant le Parlement européen (PE) et le Conseil de l'Europe, le pape François a prononcé, mardi, des discours ouvertement politiques, marqués à « gauche ». Le pape a dénoncé l'indifférence des responsables européens aux drames des migrants, fuyant la misère, les guerres et qui meurent noyés dans les eaux de la Méditerranée. Il a qualifié l'attitude (et les politiques) des Européens « d'intolérables ». Ainsi donc, le pape fait, aussi et malgré lui, de la politique. Certains élus, ténors politiques, le lui ont reproché au nom du principe « sacré » de la laïcité. C'est que les paroles et prises de position du pape François ont touché des milliers, voire des millions de gens vivant au sud et à l'est de la Méditerranée : en Afrique, au Maghreb, en Syrie, Irak, et certainement ailleurs. Les échanges sur les réseaux sociaux et les commentaires de presse qui ont suivi, quelques heures, seulement, après les discours du pape sont édifiants : les peuples qui vivent les drames de l'immigration clandestine, les violences politiques, le racisme et la xénophobie se sont retrouvés dans les propos du pape. Etrangement, les critiques les plus radicales viennent de penseurs et hommes politiques de gauche, alors même que le pape abonde dans leurs sens et leur « idéal » : celui de la promotion de la fraternité, de la solidarité et de la justice, pour tous les êtres humains quelle que soit leur croyance, leur origine ou leur couleur de peau. D'aucuns verront dans les paroles du pape, devant le Parlement, de simples slogans humanistes, principes de générosité chrétienne ou encore de démagogie ecclésiastique, racoleuse en mal de fidèles. Il y a donc de tout dans les réactions au père de l'église catholique. Il ne laisse, jamais indifférent, y compris chez les non chrétiens. L'intrusion du pape dans la sphère politique, à ce niveau (à l'échelle des institutions de l'Union européenne) peut-elle faire avancer la politique vers plus d'humanité ? Peut-elle aider les pauvres et ceux qui vivent l'oppression et le racisme ? Peut-être que oui, peut-être que non, tant la situation du monde est complexe et la communication, entre les peuples, tendue dès que le « geste » ou la parole de fraternité et de paix émane de chez le « religieux ». Y compris chez ceux qui vivent la misère et la violence. Lorsque des Africains manifestent des comportements racistes contre d'autres Africains, ou que des Arabes méprisent et insultent d'autres Arabes ou Africains, il y a lieu de s'inquiéter et de ne pas se taire. Comment ne pas être outré, scandalisé et terriblement triste en découvrant les attitudes, racistes et méprisantes, de Maghrébins et Africains à l'encontre d'autres Africains et migrants subsahariens, traités pire que des pestiférés au Moyen-âge. « On est, toujours, le raciste d'un autre » dit l'adage populaire. Pourquoi sommes-nous si aptes à dénoncer les racistes occidentaux envers nos immigrés et si frileux à dénoncer nos racistes envers les autres ? C'est toute la logique idiote du discours raciste et xénophobe, c'est tout le mystère et la complexité de l'être humain. Le pape ne l'ignore pas et il tente de dire et d'agir, selon sa foi et ses convictions : lutter contre les préjugés, les violences et appeler, sans cesse, à la fraternité des hommes. Aussi idéaliste et naïf soit-il, le discours du pape François, devant les plus hautes instances européennes, a le mérite de bousculer, le temps du discours, les consciences humaines.

Et tant pis pour les libres penseurs, anarchistes, athées et tous les politiques qui s'insurgent contre le « rôle » du pape (et de tous les autres chefs religieux), au non de la laïcité. Ce principe de laïcité qui peut, lui aussi, être otage de politiques opportunistes et racoleurs. Pour preuve : les chefs d'Etats et de gouvernements occidentaux, affirmés laïcs, qui défilent chez le pape à la moindre occasion, souvent à la veille ou au lendemain d'élections.