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L'Âme des hommes !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

LA VIE DE MAHOMET. Liminaire et notes critiques de Abderrahmane Rebahi. Biographie par Alphonse de Lamartine. Alger-Livres Editions, Collection Histoire. 213 pages, 590 dinars, Alger 2010

Savez-vous que Lamartine ? poète lyrique avec une culture «fiévreusement catholique» omniprésente, mais aussi diplomate, politicien? et, hélas pour lui, mauvais homme d'affaires - s'est dit à un certain moment «descendant des Sarrasins» et certains sont même allés jusqu'à écrire qu' « il semblait retrouver dans l'Islam ses racines, se prétendant d'origine espagnole, descendant des Allamartine, fidèles serviteurs d'Allah» ?

Savez-vous qu'il a écrit (sur «commande», donc pouvant rapporter des assertions parfois malveillantes ou trop bienveillantes, arrangeant le commanditaire), en 1834, une «Histoire de la Turquie», un volumineux ouvrage comprenant la biographie du Prophète ?

Une biographie (un texte depuis longtemps introuvable) dominé bien plus par le poète lyrique que par l'historien, ce qui en fait une œuvre truffé d'erreurs et que l'éditeur, Abderrahmane Rebahi, a tenté de corriger en y apportant le maximum de précisions d'importance. Une biographie qui nous apprend beaucoup sur «le caractère fantaisiste de l'essentiel des représentations que l'Occident chrétien n'a pas arrêté de sécréter autour de l'Islam, de l'histoire de sa période fondatrice et de tout ce qui, de manière générale, a trait à l'Orient».

Avis : Passionnant car la poésie lyrique écrase l'histoire. Se lit comme un grand roman d'aventures mais attention aux nombreux aspects négatifs que l'éditeur a tenté, à chaque fois, de corriger, par des notes, tout en respectant le texte de Lamartine.

Extraits : «C'est l'imagination qui spiritualise le genre humain, c'est le spiritualisme qui relève à la découverte de Dieu, c'est la vue de Dieu qui moralise et qui divinise l'homme «(p 20), «Quelquefois, le vent qui enlève la semence du sillon où on la sème l'enlève des mains du laboureur pour la faire tomber et fermer plus loin» (p 95), «Les théocraties sont les plus forts des gouvernements à leur origine, les plus retardataires et les plus incorrigibles à leur décadence» (163), «Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme ; qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ?» (p 176), «Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d'idées, restaurateur de dogmes, d'un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d'un empire spirituel, voilà Mahomet !» (p.178).

GRAINES DE SUCCES. Essai de Rachid Amokrane. Une philosophie de la réussite. Essai de Rachid Amokrane. Synergie Editions, 210 pages, 500 dinars, Alger 2014 (Editions Gallimard, France 2007).

Vous l'avez, peut-être, déjà vu à la télé nationale? Vous l'avez, peut-être, eu comme «coach» ou vu comme conférencier, prêchant (enseignant !?) les clés de la réussite et du succès.

Désormais, il est à la disposition du grand public avec 65 (67 avec le prologue et l'épilogue?) «graines», chapitres presque tous accompagnés de maximes et /ou citations d'hommes célèbres... ayant «réussi» leur vie.

Ecriture simple et directe. Comme notre auteur qui «ne veut vivre à l'ombre de personne», qui veut «être son propre homme», un homme qui ne veut pas être un simple citoyen qui «somnole tout le long de sa vie et compte sur l'Etat, sa retraite et ses allocations familiales pour survivre». Facile à dire !

Des recommandations pour un self-management (ou auto-gouvernance) qui ressemblent fort à des leçons de morale et de civisme, n'oubliant pas, au passage, la foi en le Seigneur. Sans doute pour que les graines poussent aussi bien chez les croyants -pratiquants que chez les autres.

Du déjà-vu et entendu (nos parents, nos enseignants, nos aînés, nos imams, nos prescripteurs?) mais, cette fois-ci, les leçons qui, objectivement, favorisent l?individualisme et le libéralisme, sont bien ramassées, synthétisées, classées, claires (franches ?) et directes. Que Dieu... .et les hommes l'entendent. Amen !

Avis : Ecriture... à l'américaine ! A lire, seulement si vous doutez (encore) de vos compétences et de votre capacité à (bien) affronter la vie.

Extraits : «Haïr quelqu'un, c'est comme boire du poison en espérant que la victime en meure (?). La haine tue celui qui la garde dans son cœur sans jamais inquiéter la personne à qui elle est destinée» (p 25), «L'initiative personnelle pousse l'individu averti à comprendre qu'il n'est libre que s'il apprend à réfléchir et à agir seul» (p 44), «Les arrogants n'apprennent jamais car ils sont certains qu'ils savent tout. Ils n'avancent jamais car ils sont convaincus qu'ils ont déjà atteints le sommet de la réussite «(p 49), «L'individu peut atteindre les plus hauts sommets de la réussite et puis tout perdre et se retrouver dans la détresse qu'il permet à l'arrogance, l'égoïsme et la corruption d'occuper ses pensées «(p 57), «La discipline pèse quelques grammes alors que le regret pèse des tonnes» (p 69), «L'honnêteté commence d'abord chez soi bien avant de l'exiger chez les autres «(p73), «Ce n'est pas l'expérience d'aujourd'hui qui nous fait peur mais surtout les regrets et les remords d'hier ou la peur de ce que peut nous apporter demain» (p 83), «Toute personne capable d'obtenir tout ce qu'elle désire dans la vie sans violer les droits des autres est une personne éduquée» (p 155).

QUI SUIS-JE ? AMOUR DE LUMIERE. Recueils d'écrits et de documents de Himoud Brahimi (Momo) (Présentation de Amar Belkhodja). Editions Rafar, 219 pages, 700 dinars, Alger 2014.

Himoud Brahimi, l'enfant de la Casbah (il y a vécu ; il y est mort en 1997 à l'âge de 79 ans) était un champion du monde de plongée en apnée (1946). Un homme humble, généreux, dégustant simplement tous les instants de la vie et toujours émerveillé par la nature. Un homme respecté par tous (il est vrai que sa carrure et son allure toujours sereine en imposaient).

Sa connaissance des profondeurs de la mer (qu'il aimait par-dessus tout, surtout qu'elle lui permettait d'admirer, de loin, dans son entièreté, sa belle et blanche Casbah à laquelle il a consacré des poèmes sublimes ) ne l'avait pas empêché, au contraire, d'explorer les mystères célestes et de s'interroger sur la vie, la mort, la foi, l'amour de Dieu, les religions, les prophètes, tous les prophètes, le devenir de l'humanité, le dialogue interreligieux... Momo, philosophe et poète, bien, que «fuyard», n'aimant pas trop «de se faire voir», aimait parler aux journalistes, aux poètes, aux artistes, aux intellectuels (dont beaucoup ont été assassinés? au nom de la religion, cette religion qu'il a tant et tant défendue) et il est, peut-être, mort bien plus de chagrin que d'une maladie physique.

Amar Belkhodja, journaliste mais aussi historien, s'est attaché à la reconstitution (très difficile) d'un itinéraire réflexif assez original? et peut-être même douloureux car, hélas, Momo a vécu la dernière partie de sa vie certainement déchiré de voir son pays traverser une phase de religiosité, intégriste et fanatique, animée par un parti politique plus que toléré, légalisé. L'auteur a réussi à rassembler quatre textes (deux manuscrits et un document : avec pour interrogation : «Qui suis-je ?»... et un écrit : «Amour de Lumière»)

Avis : De la philo, de la psycho-socio, de la belle prose, de la poésie envoûtante, c'est çà Momo. Difficile à lire, Momo ? Pas du tout. Il s'agit seulement de comprendre son immense humanité et, surtout, de vous délester de tout ce qui fait l'enfer de votre corps. Pas facile !

Extraits : «Nous portons dans notre corps le paradis et l'enfer. A nous de savoir les séparer» (p 44), «La valeur de l'homme ne réside ce qu'il peut imaginer et créer pour le monde des sens, mais de favoriser l'infiltration de la lumière dans ce qu'il y encore d'inconnu en lui, pour agrandir la connaissance de l'infini qu'il véhicule» (p 61), «L'individu aura beau déblatérer sur les défauts de ceux qui pratiquent leurs religions, il n'empêche qu'il s'excommunie lui-même en ne s'avisant pas à rendre la sienne meilleure» (p 63), «Quiconque sème son dictionnaire avec les vents, récolte les tempêtes typographiques que les vents font couver sous les crânes» (p 82).