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Redéploiement des walis : échec et mat

par El Yazid Dib

Y a-t-il péril en la demeure ou s'agit-il d'un usuel mouvement qui comme à l'accoutumée ne serait que partiel? La période en est-elle cependant propice?

A quoi s'astreint-il en fait ? Un jeu? d'utilité publique.

E out mouvement dans l'encadrement de l'Etat semble être pris pour des raisons impérieuses. L'on n'a jamais pour autant su quelles étaient ces raisons. L'on dégomme, l'on renom me et point barre. Pas de suivi ni endossement de responsabilité. On repart comme on est venu. Vif ou blasé, le cadre s'en va sans comptes ni décomptes. Laissant derrière lui, quand bien même une gestion, des projets, des attentes ; on le fait partir sans se soucier outre mesure des engagements antérieurement pris. L'illustration n'est qu'édifiante parfois. A quel stade est-il ce rêve de voir jaillir " la Colombe " ce projet d'une cité moderne et futuriste initié à Sétif et ensevelie dans les interstices d'un décret nommant ailleurs son initiateur ? Quand verra-t-on se finir les aménagements des entrées et de la ville même, décalés dès le départ de leur concepteur ? La continuité du service public est certes un sacerdoce sans ambages et qui ne doit compatir d'aucune indispensabilité intuitu-personae. Mais la priorité des taches devenant une vision individuelle, chacun fait selon la mesure de sa dimension. La fonction n'est aussi que publique, car impersonnelle. Mais, la cause reviendrait à ce déficit qui perfore l'identification des missions. Un Wali n'obéit pas uniquement à un programme ramené de la capitale. Il a des sommations internes, des défis locaux. Pour y palier, une marge chronologique, un timing est exigible à plus d'un titre. Si toutes les initiatives, qui d'ailleurs doivent être non seulement libérées mais fortement encouragées étaient prises sans validation centraliste ; la croissance nationale se porterait merveille. Rien ne doit le bloquer quand le consensus avec ses élus est réalisé. Il a l'obligation de l'accompagner et avec les moyens de l'Etat et sans l'aval de quiconque. Dans un village, classé en agglomération secondaire, le Wali est souvent dépourvu de mesures à prendre. L'exemple des daïras de Sidi Ali Boussid et Sidi Ali Benyoub à Sidi Bel Abbes entre autres est expressif.

Voyant des espaces naturels à l'abandon, la réaction du Wali n'était qu'une adresse d'ordres aux forets afin d'y mettre un peu de joie. Pas plus. Le reste dépendra d'Alger, d'une procédure, d'un grand dossier, d'une argumentation, des avis, des visas? soit tout un programme pour quelques arbustes. Oui un Wali pourrait dire que " ceci me dépasse ". Il l'avalerait amèrement et ne le dirait pas eu égard au devoir du correctement politique. Il pourrait être cependant dépassé par un " truc ", un p'tit minbar, une assiette foncière totalement en son pouvoir mais en qui il ne croit pas personnellement se fiant extrêmement à son égo et ses penchants parfois baroques. Choisir la gouache d'un immeuble ou le teint d'une brique qu'il ne voit pas assez rouge-dorée est un autre égarement quant il se mixe à l'art architectural.

Le mouvement dont on parle s'annonce plus intéressant que le salon international du livre. La médiatisation est silencieusement mais intensément entretenue dans l'esprit de ceux qui y ont intérêt. Il prend forme à la rumeur publique, érigée en une autorité de nomination. Le mouvement qui par orthodoxie du fonctionnement des institutions publiques est une nature professionnelle ne devrait être en fait, qu'une simplicité d'un acte ordinaire d'une gestion courante. Il devient d'année en année une échéance effrayante ou alléchante. Comme un ramadhan ou une fête de l'aïd. Plus qu'un coup d'éventail, on l'agite comme une épée bien avant qu'elle ne tombe sur des nuques mal protégées et rate celles qui sont bien cuirassées.

Il y a des Walis par hasard, certains par défaut, et d'autres par incidence. Alors qu'ils ne sont qu'une catégorie hiérarchique bien placée en haut de la pyramide apolitique ; leur mouvement vrai ou hypothétique continue pourtant à constituer une actualité majeure. Ils viennent et repartent sans état de lieux. Les critères sélectifs dans le choix, le positionnement ou l'affectation ne semblent pas être un essieu axial de performances dans le rapport profil/localité.         

Le mouvement des Walis, pris dans ces conditions ne serait pas un fait administratif d'un ordinaire redéploiement. Il se force à se mettre sous un étiquetage politique à la mesure des besoins de l'heure. Devant une absence factuelle, l'idée d'effectuer un mouvement est une réponse fait-on penser à une attente populaire. Mais en quoi l'individu, le citoyen lambda est-il concerné qu'un tel ou un tel soit affecté à telle ou telle wilaya ? Il n'a pas affaire au Wali plus qu'il ne l'a avec un guichet, une route défoncée, une piste escarpée, un abri précaire, une mal vie. Tout aussi, impossible qu'il ne puisse penser qu'un tel personnage trop glorifié n'est pas un messie, n'a pas le bâton de Moise ou la bague de Sulaiman. Il incarne finalement et faussement la résolution de toutes ses tares. Le mouvement est annoncé par ce chahut discret qui rode dans les coulisses. Personne ne semble être dans son parfum et tout le monde estime qu'il y est au moment où des spéculations privées et publiques se hasardent de brosser le tableau des effectifs à déplacer, à évincer ou à nommer. La cachoterie dans ce sens, se confirme depuis longtemps en une règle de management. Laisser dire, parloter, cogiter, faire intercéder, sont une démarche inappropriée d'un Etat qui aspire à s'inscrire dans un Etat de Droit. Cette situation de flou et d'imprécision ne favorise aucunement l'obligation de réserve dont on accable le récipiendaire. C'est par de telles désharmonies, mettant out l'intéressé de son sort que des gens, des cercles ou de gros portefeuilles s'immiscent et s'accaparent d'un pouvoir autoproclamé capables de changer les choses de leur destination initiale. Des entremetteurs fallacieux et sans qualités qui ont pris le pli de garnir en sourdine les étages décisionnels ont eu à prouver la primeur qu'ils faisaient à propos d'un mouvement de cadres.

Cette cession illégale d'une attribution étatique n'arrangerait plus l'honneur de servir et déconsidèrerait les attributs essentiels d'une fonction supérieure. L'Etat aurait ainsi mis aux enchères sa présomption autoritaire exclusive.

Le mouvement qui s'annonce avec pertinence alors qu'il est en l'air depuis les dernières élections présidentielles n'intéresse en fait qu'une sphère restreinte. Les retenus et ceux qui en sont derrière. Il gagnerait malgré tout, puisque on y est, un espoir de salut public pour qu'il arrose par une fraicheur certaines Wilayates assombries par de ténébreux potentats, grincheux et malotrus. L'âge et l'indisponibilité peuvent aisément s'ériger en vertu d'une biologie défavorable en des facteurs sélectifs.  

Quant à l'inadaptation managériale au moment, elle semble caractériser une grande partie de ces hauts agents de l'Etat. Les critères sont à retenir au titre de la performance et non de l'allégeance. Fréquenter assidument les chantiers, présider longuement des séances, vociférer ou admonester ne sont pas les seuls indicateurs du bon savoir faire. Il existe l'humanisation des relations tendant à ne pas pousser ses Drag au suicide, ou élever son orgueil jusqu'au délire possessif. La coupe d'Afrique des clubs n'est pas une case d'un bilan. Le bilan est à faire ailleurs. Dans la misère des contrées lointaines et en deçà de la RN5. Il y a des Wilayates plus grandes que la petitesse de leurs détenteurs. Celles-ci n'ont plus besoin d'un carriériste en fin de parcours venu enjoliver son départ. Comme il est paradoxal de croire que pour une grande wilaya, il faudrait un " grand " Wali.

A défaut de classement des Wilayates, le vrai sens du labeur au développement viendrait justement d'un acharné à la besogne. C'est vers une wilaya en difficultés d'épanouissement, en butte d'essor économique, en déphasage d'investissement que la nécessité d'y affecter un " grand " Wali, le cas échéant reste entière.

Ce sont ceux qui ont eu à donner du punch et réveiller un tant soit peu la torpeur qui garnissait certaines collectivités, qui doivent être mobilisés pour relancer d'autres. La tendance actuelle s'affiche malheureusement dans l'inverse. Croyant faire dans la promotion, l'on fait dans la déviation des compétences. S'il ne peut y avoir de " grands " et de " petits " Walis, il y a des grandes et petites wilayas. La dimension de grandeur ne s'incarne pas dans une superficie ou s'exprime par une densité populaire. Elle est un ratio dans l'enjeu national, un défi pour l'équilibre régional et une capacité physique de pouvoir se développer. L'on ne peut aspirer au rang de métropole quand vous laissez se bâtir des monstruosités dites " promotionnelles " sur la beauté des anciennes villas. Quand vous ne disposez même pas d'un resto digne d'une gastronomie originale, d'un cinéma, d'une bibliothèque vivante ou d'un centre-ville aéré et au goût métropolitain.

Chaque wilaya à ses propres couacs. Ses propres alternatives. Sa propre sociologie. Le management qualitatif ne saurait avoir d'embellies qu'une fois la fausse égalité par laquelle toutes les willayas sont traitées disparaitra. L'on croit difficilement que toutes les wilayas se valent. Partant de ceci, le plan de développement n'a pas à être dicté unilatéralement des bureaux centraux d'Alger. Gérer Constantine avec les mêmes règles de Mila est aux antipodes de la modernité gestionnelle. Chaque wilaya recommande une prise en charge conforme aux spécificités locales. Oum El Bouaghi à ses problèmes, Saida les siens. Traiter les problèmes d'Oran avec la même procédure exercée à Khenchela est aussi une antinomie à toute réussite. Si les lieux sont différents, l'outil thérapeutique doit l'être aussi, tant la pathologie est également différenciée.

Quoique n'intéressant directement en rien le citoyen ; le mouvement attendu devrait penser à mettre à la tête des exécutifs, des têtes jeunes et pleines de vigueur. L'Algérie a plus que besoin de nouvelles énergies, nonobstant qu'en la matière la jeunesse n'est qu'un état d'âme et de capacités d'adaptation. Tenaillés, tels des otages d'une organisation systémique qui ne leur laisse de manœuvres que dans un cadre, bien nommé de légal ; les Walis s'armeraient toujours d'un excédent de prudence d'où la perte de vitesse, la méfiance en soi et l'éboulement vers l'insensibilité et la mauvaise réserve. La précaution paroxysmale, devaient-ils penser leur est une cause vitale de maintien. Beaucoup de Walis sont partis et autant sont venus ou revenus, non pas par brio mais par réflexion adéquate à l'humeur du jour. A coté ; cette foule sans visage vogue à la convenance du colportage et s'initie déjà à la précipitation vers la retraite. Et d'elle ; vers une autre précarité. L'oisiveté. Le vide événementiel après le remplissage mondain. Ainsi l'on retiendra de la part de ceux qui ont fait ou font l'Etat au niveau local ; de l'ardeur tout comme l'endormissement et le demi-sommeil. Chacun d'eux aura des comptes à rendre mais également à se juger dans une retraite aussi aphasique que ne l'était l'avant-prise de fonction. Seules sa conviction intuitive et l'opinion publique des ses administrés resteront pérennes dans le secret impénétrable de sa conscience. Et si l'on retient l'appréciation des administrés et des élus dans les critères d'évaluation, si toutefois ceux-ci existent et sont de mise ? Loin de vouloir extrapoler l'apesanteur du privilège discrétionnaire de l'autorité ayant pouvoir de nomination l'on valorisa juste ainsi un feedback citoyen. Le contrôle populaire. Une sorte de démocratie participative telle qu'elle ressort intempestivement et sans conviction dans le discours politique. Reste à définir une méthodologie transparente afin d'éviter toute mise en ballot d'un gouverneur du desideratum dameur de ses assemblées.

Les dangers de la délation sont aussi des risques à éluder. Retourner à l'essence de la notation, fondement promoteur de la haute fonction publique reviendra comme élément évaluatif à une norme délaissée au profit d'un certain entrisme et de l'intercession. Ainsi le Wali ne prendrait plus des ailes et se croirait intimement assiégé d'une mission d'ordre public, tel un simple haut fonctionnaire. Sa tête ne s'orienterait plus, à peine de torticolis vers les hauteurs d'Alger et les antres ministériels. Disserter sur le personnage du Wali peut être un essai facile sur le plan académique. La réglementation étant en ce sens peu détaillée ; reste à la littérature, voire à la chronique de tenter d'en faire un éclairant usage.