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La Fed tourne la page du «QE»

par Akram Belkaïd, Paris

Une page devrait être tournée ce mercredi à l’occasion de la clôture de la réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) de la Réserve fédérale américaine (Fed). En effet, cette dernière devrait décider de clore définitivement son programme de soutien à l’économie mis en place en 2008 pour limiter l’impact de la crise financière. De manière concrète cela signifie que la Banque centrale étasunienne va cesser d’acheter des bons du Trésor américain ainsi que des titres adossés à des créances hypothécaires. Au cours des derniers mois, ces acquisitions atteignaient le montant mensuel de 15 milliards de dollars contre 85 milliards de dollars au début de l’intervention de la Fed.
 
UN BILAN CONTRASTE
 
Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif de l’intervention de la Banque centrale mais des conclusions provisoires sont d’ores et déjà possibles. Rappelons d’abord que ce programme, appelé aussi «quantitative easing» ou «QE» relevait presque de l’inconcevable avant 2008 puisqu’une telle approche n’avait plus été utilisée depuis les années 1930. Or, la gravité de la crise a changé la donne. Avec un système bancaire au bord de l’explosion et une économie réelle privée de financements, il fallait absolument injecter de l’argent dans les circuits économiques. C’est ce qu’a réalisé la Fed en baissant ses taux et en permettant au gouvernement fédéral de continuer à s’endetter (et, au passage, à financer le redressement des banques). Surtout, l’institution monétaire a permis aux banques de «nettoyer» leurs bilans et de vendre des titres qu’elles n’auraient jamais pu placer ailleurs.

La question est donc de savoir si cette politique monétaire «non conventionnelle» de la Fed a réussi. A première vue, la réponse est positive puisque l’économie américaine a réussi à surmonter la crise et à afficher des taux de croissance honnêtes (la progression du Produit intérieur brut devrait atteindre un taux de 3% pour le troisième trimestre de cette année). De même, après le choc de 2008, aucun grand établissement bancaire n’a fait faillite et il n’y a pas eu de panique bancaire. Pour autant, les critiques ne manquent pas. Parmi les principales, il en est une qui déplore le fait que l’action de la Fed a encore une fois été à l’origine de nombreuses bulles spéculatives alimentées par la circulation de liquidités importantes sur le marché. Ce fut le cas, par exemple, avec les denrées alimentaires ou encore les biotechnologies, des secteurs confrontés à une intense spéculation. De plus, la bonne tenue de l’économie ne peut faire oublier que les Etats-Unis sont encore confrontés à une aggravation des inégalités au point que l’expression «croissance sans prospérité» est de plus en plus utilisée. Enfin, nombreux sont les experts qui s’interrogent sur ce qu’il va advenir des avoirs plus ou moins douteux de la Fed, cette dernière étant même qualifiée de plus important fonds spéculatif du monde avec ses 4000 milliards de dollars d’actifs acquis en six ans (ses avoirs ne dépassaient pas les 500 milliards de dollars en 2007).
 
UN TROU D’AIR ?
 
L’autre grande question concerne la suite des évènements. Les marchés vont être désormais sevrés de la manne offerte par la Fed et rien ne dit que ce trou d’air annoncé ne va pas aggraver la volatilité constatée sur les principaux marchés au cours de ces dernières semaines. Certes, le taux directeur de l’établissement monétaire va rester proche de zéro, ce qui signifie que les banques pourront continuer d’emprunter dans d’avantageuses conditions. Mais ce retrait du filet protecteur de la Fed fait naître d’importantes inquiétudes et de brutales corrections ne sont pas à exclure. A cet égard, les prochains moins ainsi que l’année 2015 constitueront un test crucial.