« Un métier en
pleine crise d'identité, de doute et de crédibilité». Voilà des termes, certes
un peu crus mais qui traduisent assez justement, il faut l'admettre, l'état
dans lequel se trouve aujourd'hui la presse, non seulement dans des pays où la
pratique journalistique pluraliste est encore jeune comme l'Algérie, mais
aussi, et il ne faut pas s'en étonner, dans des pays qui ont une longue
tradition à leur actif. L'auteur de cette sentence est le professeur Mohamed
Ridha Najar, expert en communication de l'Institut de presse et des sciences de
l'information de Tunis, qui s'exprimait hier à l'occasion d'une conférence
qu'il a animée au Théâtre régionale d'Oran, sous le titre «La déontologie à
l'épreuve du scoop et du sensationnel». Le constat du conférencier est sans
concession : parler de déontologie professionnel aujourd'hui, «à l'heure où la
communication a noyé l'information, et où l'internet et les réseaux sociaux ont
fait explorer le temps et l'espace», apparaît comme «une nostalgique et vaine
tentative de restituer ses lettres de noblesse» à un métier dévoyé par
«l'argent, la politique, la publicité et les relations publiques, la sauvagerie
de la concurrence et la course effrénée au scoop et l'information- spectacle».
La conférence d'Oran qui est destinée au profit des professionnels de la
presse, journalistes et correspondants locaux de la région ouest dans le cadre
du cycle de conférences initié par le ministère de la Communication a été une
occasion pour la corporation d'ouvrir le débat sur cette question de la
déontologie en la liant adhésivement et inévitablement à la question non moins
importante des conditions morales et matérielles dans lesquelles les journalistes
professionnels algériens, particulièrement ceux évoluant dans le secteur privé,
exercent leur métier. Une précarité qui même «si elle est officiellement
unanimement décriée, semble dans les faits tolérée, voire même entretenue aussi
bien par les patrons de presse que par les pouvoirs publics, lesquels ont
besoin d'abord d'une presse aux ordres beaucoup plus que d'une presse forte et
professionnelle». Pour beaucoup de journalistes rencontrés hier lors de cette
conférence, «on ne peut parler de devoirs sans parler des droits. C'est une
question de simple de bon sens.» Le professeur Mohamed Ridha Najar a à son tour
bien résumé cette idée : «Il serait vain que les journalistes s'engagent à
respecter une charte déontologique quelconque alors que leurs employeurs, de
leur côté, n'acceptent pas un socle commun minimal en la matière.»
Evoquant la
situation socioprofessionnelle des journalistes relevant de la presse privée,
le ministre a estimé avant-hier que «la première démarche à entreprendre par
cette corporation est d'obtenir la carte nationale de journaliste
professionnel, dont les premiers spécimens seront délivrés le 22 octobre
prochain, date coïncidant avec la journée nationale de la presse. Le ministre a
estimé dans ce même ordre d'idée que pour mettre en place l'autorité de
régulation et le conseil de déontologie, il est nécessaire de recenser tous les
journalistes et de distinguer celui qui est professionnel de celui qui ne l'est
pas. «Nous comptons actuellement près de 4.000 journalistes», a-t-il précisé.