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Une nouvelle restructuration ?

par Driss El Mejdoub

L'histoire économique et industrielle du pays est d'un parcours restreint mais plein d'enseignements. Ayant été au service de la politique sociale du «pays» mais auxdépens de l'économique créateur de richesse, l'entreprise dite de «l'État» n'a jamais été comptable ni de sa productivité ni de ses équilibres financiers dans les quarante premières années de son existence.

Elle n'avait pas de position dominante à défendre ni à s'embarrasser d'une évaluation de sa gouvernance. La lisibilité bilancielle n'était ni un aléa ni une source d'alerte au sens qu'entendrait un gestionnaire premier de l'entreprise. L'exploitation des ressources naturelles du Pays d'une part et veiller aux équilibres sociaux d'autres part, a favorisé la réalisation d'investissements dans des entreprises nationales (d'État), sans pour autant se soucier de la dimension à leur donner, sans s'attarder sur le choix du site de leur localisation, et sans détenir la propriété technologique, technique ou commerciale de l'activité engagée. L'ère de l' " industrie " industrialisante " " qu'a connue le Pays a vu se créer ainsi des réalisations d'entreprises nationales au nombre de plus de 1300 financées essentiellement par la ressource pétrolière. C'était en adéquation avec le contexte politique monolithique du Pays. Le rôle d'actionnaire unique de L'État se confondait avec celui de commerçant alors que les capitaux marchands de l'Etat (Capitaux privés de l'État) ne lui donneraient pas cette vocation. La seule exception était celle de l'Administration des PTT qui, bien avant sa restructuration, pour contourner cette contrainte juridique et gérer le développement et l'activité commerciale des télécommunications, avait prévu dans son organigramme une " direction du budget annexe ".

Le contexte politique a évolué. Après avoir été longtemps à vocation étatique, l'outil industriel national est aujourd'hui à double provenance de capitaux, privés et d'État. L'atout de la mixité des capitaux n'ayant hélas pas encre profité à la croissance nationale. Ces entreprises sont toutes soumises au droit notamment le code du commerce. L'outil industriel de l'État a du subir en moins de vingt cinq années, pas moins de quatre " réorganisation-restructurations " qui ont fait réduire le nombre des entreprises industrielles à 830 encore existantes employant autour de 288 000 agents dont le chiffre d'affaires moyen réalisé par agent et par mois se situe entre 149 000 et 482 000 DA. Il est annoncé qu'un nouveau chantier, patronné par une institution politique, aurait pour mission de reconfigurer le portefeuille d'entreprises économiques une nouvelle fois et cela avant décembre 2014. Il semble qu'on ne parle pas d'une restructuration mais de reconfiguration.

Les SGP seront non pas restructurées, fusionnées ou dissoutes mais supprimées. Est-ce une restructuration qui ne dit pas son nom ? La rapidité d'annonce laisse croire que les synergies industrielles et managériales échapperaient au cadre actuel de gouvernance de l'entreprise. Reconfigurer l'outil industriel de l'État n'est pas réducteur mais probablement une nécessité de gestion. C'est le réaffecter en l'état sous une autre appellation que SGP ou autres, en dehors de toute stratégie économique annoncée, sans se soucier de l'environnement, du marché, de la ressource financière, de l'évolution technologique, de la ressource humaine qualifiée, de la productivité financière, qui prêterait à la réduction de la réflexion. Reconfigurer ou restructurer est un grand bouleversement dans l'histoire de l'outil industriel et économique. C'est un acte que le propriétaire de l'entreprise (l'État) déciderait pour marquer une évolution de l'industrie et promouvoir ainsi une nouvelle influence adaptée à l'économie de marché consacrée depuis près de vingt années .Mais l'opportunité de reconfigurer ou de restructurer serait motivée. Y a-t-il inadaptation de la SGP au système de gestion de l'entreprise économique à capitaux de l'État ? L'entreprise économique à capitaux de l'État est elle de nouveau en difficulté ? Y a-t-il incapacité de l'outil de production à se moduler avec l'organisation en vigueur ? Y a-t-il nécessité de s'adapter au nouveau comportement du marché ? Y a-t-il perte de marché ? Y a-t-il sous dimensionnement de l'outil de production ? Y a-t-il déphasage technologique ? Y a-t-il perte d'expertise de l'entreprise ? Y a-t-il détérioration de la rentabilité managériale ? Y a-t-il inaptitude de gouvernance de l'entreprise ? Y a-t-il causes de restructurer ou reconfigurer ? Les schémas successifs des différentes restructurations (à l'exception des Holdings 1ère version) ont un dénominateur commun : L'exercice du contrôle de l'opportunité de l'acte de gestion échappe au propriétaire.

Le caractère continu de l'acte de gestion fait qu'il se confronte souvent à l'indécision favorisant la léthargie de l'entreprise. C'est le vide opérationnel relatif aux prérogatives du propriétaire. Ce vide laisse les champs libres aux interventions, aux influences et aux injonctions opérationnelles dans le quotidien de l'entreprise. L'entreprise tombe involontairement sous tutelle et se transforme à son insu en un démembrement de l'institution politique de l'État. Ni les Administrateurs, ni le PDG n'initient et ne statuent sur les grandes décisions relatives au développement, au partenariat, aux activités et leurs diversifications, aux ressources humaines de l'entreprise alors que le code du commerce les responsabilise et les rend comptables de ces actes de gestion directes. La composante du Conseil des Participations de l'État nuancerait son rôle d'actionnaire en faisant dans la confusion du politique avec l'économique. L'institution politique inspire et dicte la stratégie économique à mettre en œuvre mais ne gère pas. C'est le rôle de l'entreprise. Le métier est porté technologiquement, techniquement et commercialement par l'entreprise qui reste comptable devant le propriétaire en l'occurrence le CPE.

Elle est la mieux habilitée à veiller sur sa croissance, sur son évolution technologique, sur la recherche et développement relatifs à son métier de base ainsi que sur son partenariat technologique et technique. Mais l'entreprise économique devrait fonder son autonomie au sens juridique du terme sur son appartenance au CPE. Si une restructuration de l'entreprise économique, il y a, c'est au CPE, l'actionnaire unique qui devrait en définir les raisons et les préalables. Il conviendrait, eu égard aux expériences vécues, qu'une restructuration ou reconfiguration n'est pas à confondre avec une réorganisation. de l'outil économique ni à une fusion des unes et des autres de ses activités.

Elle n''est pas par ailleurs ni son extinction ni nécessairement " sa mise en faillite " mais une anticipation à l'application du droit sur l'entreprise, inévitable à la détermination de sa pérennisation, de sa performance et de sa place sur le marché. Elle prévient et décide, suffisamment à l'avance, des mesures réactives relatives au métier de base de l'entreprise, à sa place sur le marché, à sa gestion, à sa santé et ses engagements financiers, à ses ressources humaines, à son organisation et enfin à sa gouvernance. C'est remettre en cause tout ou partie de l'activité à travers de nouveaux plans directeurs répondant à une nouvelle stratégie décidée par le Conseil des Participations de l'État. Son amplitude serait fonction du degré des risques encourus tant par le métier de base eu égard à l'avancée technologique, que par sa part du marché, par son seuil d'activité et par l'impacte social sur les équilibres financiers de l'entreprise. Les process de production en déphasage, la non compétitivité, la rupture des équilibres de gestion ainsi que les technologies nouvelles de gestion sont souvent à l'origine d'un diagnostique plaidant en faveur d'une restructuration ou reconfiguration. En tout état de cause une reconfiguration devrait être porteuse de solution à la problématique diagnostiquée et à la notoriété économiques de l'entreprise. Dans une restructuration ou reconfiguration et si l'intérêt de l'entreprise l'exige, celle-ci pourrait justifier dans sa démarche les synergies existantes en initiant les variantes de fusion, de scission ou d'absorption. Une reconfiguration est ensuite réussie, quand elle veillerait à des bilans d'ouverture sains et équilibrés, de la nouvelle entité. Autrement c'est faire dans la continuité de la déstructuration.

Mai l'apport capital du CPE contribuerait à définir clairement en amont, la politique et la vocation de l'État propriétaire- actionnaire unique, par rapport à ses capitaux investis dans l'entreprise d'État. Une telle définition se singulariserait par une stratégie économique et industrielle attendue et à mettre en œuvre. Il est tout à fait clair qu'il s'appuierait sur la sincérité d'un diagnostique non pas exclusivement comptable mais intégrant sa politique économique et ses orientations singulières en tant que l'État propriétaire veillant aux équilibres économiques et sociaux et à la fructification de ses capitaux. Cette stratégie ne devrait occulter aucun examen des paramètres de gestion d'entreprise annoncés ci-dessus. Ce diagnostique devrait conclure par une organisation économique de la nouvelle vision de l'actionnaire, l'État. La coexistence de l'institution politique de l'État et de l'entreprise économique de l'État régie par le code du commerce y doit être consacrée en définissant les prérogatives et les frontières de l'une et de l'autre. La restructuration ou reconfiguration devrait répondre à la nouvelle vocation de l'économie (économie de marché), dans le respect des prérogatives et des missions des uns et des autres. Autant l'institution politique n'est pas réputée commerçant, autant l'entreprise économique de l'Etat n'est pas réputée politique. Les expériences cumulées et connues par le secteur économique inviterait le Conseil des Participations de l'État à oser et concevoir sa propre mutation vers une structure économique permanente, dont la mission légale serait de gouverner pour le compte de l'Etat ses capitaux marchands quelque en soit le secteur et qui jouirait légalement de l'attribut de propriétaire. En tant que tel, il rendrait homogène la maille structurelle de gestion des capitaux marchande de l'État., Une telle définition contribuerait à la responsabilisation exclusive de l'entreprise sur son propre essor d'une part et à rendre le premier gestionnaire comptable de la croissance et de la performance au sein de son entreprise d'autre part. C'est au prix de cette autonomie de l'instrument économique, du CPE à l'entreprise en passant par la structure de consolidation intermédiaire, que l'Etat aura un meilleur regard sur sa politique industrielle, sur la croissance de son outil industriel et sur la rentabilité de ses capitaux.

Toute autonomie d'entreprise aurait ses limites statutairement définies et dictées par le code du commerce. Dans un tel élan la désignation des membres des organes sociaux de l'entreprise et en particulier celle relative au conseil d'Administration reste une des opérations les plus sensibles car elle tiendrait de l'objectivité des critères de choix des hommes et des femmes. L'organe des Administrateurs est à vocation d'expert faisant exception à la mise à la retraite. L'Administrateur reste l'interface permanente du propriétaire vis-à-vis de l'entreprise. Sa mission de défendre les intérêts du propriétaire au sein de l'entreprise lui confère un rôle écouté et par le propriétaire et par le premier gestionnaire de l'entreprise. Le diplôme académique à lui seul pour l'accessibilité à la gouvernance de l'entreprise demeure insuffisant. La confiance, la conviction, le diplôme et l'état de services sont effectivement difficiles à réunir chez le prétendant. D'où la difficulté d'évaluer les PDG actuels et futurs.