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Le «casse» de tous les temps !

par Bouchan Hadj-Chikh

Il était assis devant moi à une table d'une terrasse de café. Quand je lui ai parlé du casse de l'histoire de l'humanité - si l'on exclut l'expropriation systématique des Indiens d'Amérique et le fait que toute possession de terre leur est déniée, en dehors des «réserves» ? il a souri. Il ne fut pas surpris quand j'ajoutais qu'il s'agissait de la terre qu'il venait de visiter. J'enfonçais le clou. «Tu es d'accord qu'il s'agissait bien d'un casse, et que ce crime n'a pas été puni» ? Ses lèvres s'ouvrirent, mi grimace, mi sourire. «Et si l'on prenait autre chose», dit-il, en faisant signe au garçon.

Le personnage ne peut plus me démentir. Max n'est plus de ce monde. C'est lui qui, un jour où il se trouvait dans de bonnes dispositions, m'a assuré que sa communauté avait été entraînée dans les rangs des ultras français, les derniers mois de la guerre de libération, par des agents, conscients, me dira-t-il, «avec le recul, qu'ils nous engageaient dans une lutte sans issue, comme le prouvera leur retour, quelques mois plus tard, pour recommander notre départ du pays vers la terre promise». «Puisque le pays d'adoption, la France, vous a livré à l'Algérie du FLN, selon leurs propres termes», précisa-t-il. Pour combler le déficit du peuplement par rapport à la population arabe autochtone.

Violence supposée qui fut utilisée lors de l'attentat monté par les services spéciaux de l'entité sioniste, aux alentours de la synagogue Masouda Shem-Tov, de Baghdad, le 14 janvier 1951, qu'évoquait le Dr Issam Sartaoui?assassiné le 10 Avril 1983 à Albufeira, Portugal, où il participait à la conférence de l'internationale socialiste - au cours d'une conférence de presse à Paris aux cotés du général Mattitiahu Peled, dirigeant du mouvement «La Paix Maintenant». L'attentat qui conduisit au déplacement massif de la population israélite irakienne vers les territoires occupés. Que le général ne contesta pas.

Ma lecture de l'histoire, celle des Palestiniens, est confortée par les recherches les plus pointues dont leur auteur ne peut pas être accusé de «révisionnisme». Ce chercheur, c'est Shlomo Sand. Un historien, enseignant à l'Université de Tel Aviv.

Que dit-il ? Dans un premier pavé publié en 2009, intitulé «l'invention du peuple Juif», - et qui fut combattu notamment, au cours d'un débat à la télévision par l'ancien conseiller de François Mitterrand, M. Jacques Attali - il remet en cause le plus vieux mythe de l'humanité : l'existence du peuple Juif. Historiquement, selon lui, cette caractérisation ne tient pas la route. Les études génétiques s'inscrivent en faux contre cette «reconnaissance» quasi universelle. Nous sommes là en présence d'une mosaïque de peuples, vivants au-delà de la Palestine, qui ont adopté une conduite, des valeurs, qui se sont agglomérés autour de cette «idée». Shlomo Sand ajoute qu'en 1967, au bord du lac Tibériade, en terre palestinienne et jordanienne, il fut surpris d'entendre dire des soldats qui affirmaient, sans discussion possible, que «la terre promise» s'étendait, en fait, de la rive de Est du Nil à la rive Ouest de l'Euphrate, en Irak. Pas moins. Ce qui explique les deux bandes bleues sur le drapeau au nom duquel des forces, surarmées, tentent de mater un peuple héroïque.

Autre mythe auquel s'attaque l'historien, celui de l'Exode. Lui, ainsi que d'autres chercheurs et scientifiques, intimement concernés par cet échafaudage, le réfutent. Il ne fut pas systématique. Comme 732 fut retenue abusivement comme la fin de la présence arabe au-delà des Pyrénées ? l'histoire a démontré la présence et le commerce entre les communautés berbéro-arabe et francs bien après cette date - l'exode est affichée comme une date clé alors que tout tend à prouver l'existence de communautés juives, vivant et commerçant dans des territoires dont ils sont supposés avoir été chassés.

Shlomo Sand ne fait pas dans la malhonnêteté intellectuelle.

Sa plus récente publication ? Comme le peuple juif n'a jamais existé, tel qu'il est défini génétiquement, Israël, dans la foulée est, à ses yeux, également une invention, écrit-il. Il indique : il n'y a pas plus de «terre promise» que de «Heretz Israël», que de «peuple de Canaan». Et que le pilier de l'appropriation, le retour de «la diaspora», lui aussi, ne tient pas à l'analyse de l'histoire. Toutes choses, tous mensonges «historiques», toutes torsions des bras de l'Histoire qui justifient le martyr du peuple Palestinien. Et que les moutons de l'occident fait les leurs. Pauvres victimes de la théorie de la «nouvelle propagande» d'Edward Bernays.

Nous nous trouvons bien là en présence de la plus terrible manipulation et du plus grand hold-up de tous les temps. Jean Paul Sartre écrivait, en invitant les envahisseurs à reconnaître les droits des Palestiniens, après le voyage de M. Anouar Sadate, en novembre 1977, que ce qui leur tient de«titre de propriété n'est en fait que la Bible». Rien de plus. Encore moins des «droits historiques».

Quand on écouteles bergers ? pour ne pas perdre son temps avec les moutons - nous notons que David Ben Gourion - celui qui lut la déclaration sur la proclamation de l'indépendance ? déclarait, pour citer Nahum Goldmann dans «le paradoxe Juif» : «si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël? nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ?» Il ajoutait, dans le «Triangle fatidique» de Noam Chomsky, «ne nous cachons pas la vérité ? politiquement, nous sommes les agresseurs et ils se défendent. Ce pays est le leur parce qu'ils y habitent, alors que nous venons nous y installer ? derrière le terrorisme, il y a un mouvement qui, bien que primitif, n'est pas dénué d'idéalisme et d'auto sacrifice».

Je n'ai pas entendu beaucoup de dirigeants arabes marteler ces évidences, s'y tenir et les défendre bec et ongles. Ni des politiques occidentaux juger de la situation à la lumière de ces dires.

Max, mon interlocuteur, sur ce sujet sérieux, n'aurait fait que sourire. Il souriait toujours quand il ne trouvait pas d'argument à opposer.

Il n'était pas un intellectuel. Pas un mouton pour un sou. Et s'il avait quelques tendances à se comporter comme un mouton, lui aussi, il prenait garde à suivre le troupeau en se tenant un peu à l'écart.

Aujourd'hui, parler d'une Palestine démocratique n'est plus à l'ordre du jour. A peine si l'on consent à admettre, du bout des lèvres, la négociation pour qu'une part du butin volé soit retournée aux propriétaires légitimes. Maigre consolation pour une Palestine virtuelle reconnue, malgré tout, par 134 pays dans le monde qui avait pour projet de constituer un Etat pour tous dans les terres de la Palestine historique.

Bombardée durant plusieurs semaines, la bande de Gaza bénéficiera d'un soutien international de 5,9 milliards de dollars destinés à sa reconstruction. Et quelles sociétés en tireront les profits ? Je fais le pari qu'il s'agira de sociétés de construction de l'entité sioniste.

-«L'invention de la terre d'Israël : De la terre Sainte à la terre promise», 2012

-«Comment le peuple juif fut inventé», 2009

-Edward Bernays (1891-1995) et la «nouvelle propagande»