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De l'universitaire, qu'en reste-t-il ?

par El Yazid Dib

A qui incombe, de la société civile ou de l'université, l'échec à nous fournir une élite à la hauteur de nos ambitions ? L'université a peur justement d'une société qui tente de l'assassiner. Un danger guette le devenir de cette honorable institution. Qu'en reste-t-il au fait ?

C'est un monde dans un campus, une ville dans un amphi. L'université n'est presque plus la grande école. Elle se transforme dans ses immensités non plus vers une excellence mais se morfond dans un bon service social, une crèche pour grands enfants.

Les travaux infrastructurels sont plus importants que les leçons, la cambuse plus revendicative que le laboratoire, l'administration plus valable qu'un rectorat. L'ouverture solennelle de l'année universitaire a été annoncée, comme à l'accoutumée en grandes pompes.

Les officiels comme à l'accoutumée suppléaient les " étudiants " et ceux-ci ne sont plus ce que furent leurs ainés. Dans une salle fermée, là où devait se tenir cette " ouverture " la honte couvait ses perturbateurs.

L'année n'a pas encore commencé voilà que l'université s'installe dans la mouvance des turbulences. Pour rien, par la cause de certains recalés sempiternels abrutis par l'inculture hors-copie, obtus au cursus mal entamé qui pensent que fermer les accès est un mode de civilisation.           

Qu'interdire aux autres l'exercice de leurs droits est un acte de lutte estudiantine. Que nenni ! Bakri, à l'époque les étudiants défiaient Boumediene et ses services.

Ils ont fait l'Algérie des révolutions, l'Algérie post-indépendante. La lutte n'était pas un axe de revendications tendant à l'amélioration de la ration alimentaire ou un secours lancée pour le repêchage des épaves et des lourdauds. L'université, véritable réceptacle de la conscience nationale n'était pas une foire aux cancres. Bien au contraire une prédilection de concours, d'exhortation et d'élitisme.

Le défi des études se mixait à l'enjeu politique. Elle était plus crainte que la presse. L'étudiant d'hier, symbolisait un cas de réussite et obligeait le respect. Il savait les bouts de sa responsabilité. Sa majorité n'était pas exclusivement civile mais profondément politique.

Creuset insoupçonnable, la course y était pour les lauriers et non pour les formes. Dans le temps les étudiants venaient à 07 heures du matin, s'accaparant un strapontin dans un amphi pour se baigner dans un cours magistral, en ce jour ils viennent à la même heure pour cadenasser les issues. Paradoxe des temps et dilemme des générations !

Qu'en est-il de l'étudiant d'aujourd'hui ? Il s'en dégage de certains qu'ils ne sont que des demandeurs eternels d'assistanat, copieurs et mauvais colleurs. Rares sont ceux qui cadrent avec un type normalisé.

À l'université de Batna, à ce jour il n'y a pas eu de cours. Motifs : grève ! De qui ? Des enseignants ? Non ! Des étudiants ? Non ! Alors que se passe-t-il mon fils ? -Un groupe " d'étudiants " affilié à des corporations et aspirant à plus de nombre en master ; bloque les issues de tous les instituts et oblige les étudiants à rebrousser chemin avec un langage intimidant et menaçant : " makanech ! " en les forçant à ne pas résister. -Alors mon fils ce n'est pas une grève ! C'est un empêchement illégal d'aller vers ses classes ! C'est une entrave au droit du savoir !

-Que te dire mon vieux ? -Ne me dis rien mon fils ! J'ai tout compris. Drôle de comportement de ces connards qui ont investit l'université algérienne. C'est ce genre d'énergumènes qui a donné l'estocade à l'université. Ils veulent des diplômes au sens " social ". Que fait l'Etat devant un tel fait pénal? win nediw ouladna ? Nous n'avons d'université que celle en notre pays, sinon nous aurions fait comme eux?comme ceux qui semblent veiller sur le devenir de nos enfants et veillent extrêmement à celui des leurs, me déclare un père désabusé. Dans cette situation ubuesque sont renvoyés dos à dos et les gouvernants et les apprentis " étudiants"!          Ces putains de mauvais grévistes, empêcheurs de savoir, agents de barrières obstruant le chemin des autres agissent en totale impunité.

Pour leurs égoïstes desseins, ils marchandent le soutien à qui soutiendra leur mouvement. Les cas sont légions, pour l'illustration une étudiante se trouvant à tord en porte-à-faux avec son enseignant, s'est vue malgré sa culpabilité, soutenue par les associations en question.

Ce cas d'injuste solidarité avait incité les autres, par calcul à y adhérer, sait-on jamais se disent-ils, appréhendant une situation identique. Ainsi une psychose de représailles, une pseudo-couverture est vite vécue par l'étudiant novice ou neutre. Telle une secte, ce groupe impose sa loi et aussi son inique assistance. Heureusement, avec cette forte espérance, que ceci ne peut constituer une généralisation. Il s'agirait d'un cas applicable à une université.

Le mal de l'université n'est pas lointain mais très profond. Il est l'effet de reflet d'une école sinistrée. " Le bac algérien est tombé dans le domaine du trabendo " a bien martelé le Premier ministre lors de la dernière conférence nationale dédiée à l'éducation. Il poursuivra "On a inculqué à ces jeunes la culture de la triche." Dur réquisitoire.

Ce syndrome d'être pris s'étend jusqu'aux portes cochères des lycées pour se pérenniser à l'entrée de l'enceinte universitaire. Des quatre points cardinaux, ils gueulent, crient et vocifèrent les modes d'études, le LMD et ses paires, ils maudissent l'avenir qui va s'éclore à la naissance de toute nouvelle année scolaire jusqu'à celle où ils iront remplir des institutions ou des offices sans autres bagages qu'une licence précaire? ou s'agglutiner dans les rues et jeter le feu aux poudres.

On a trouvé le palliatif de l'ANSEJ, des locaux du président et du filet social. Le travail au mérite ne paye plus ses fervents. La persévérance, l'assiduité ne sont plus des critères de performance plus que ne le sont l'audace, la vulgarité et l'insolence.

Il m'est rapporté que tout ce tintamarre est activé à l'effet d'exécrer forcement une pression sur la tutelle dans l'objectif d'augmenter le nombre de masters ouverts. Limité à 300, la revendication table sur les 500 ! Une pléthore de savants guette le pays ! Les prix Nobels vont pleuvoir sur nos pauvres têtes.

Ces chercheurs de débouchés, ces galériens de la juste moyenne de passage ont déclassifié l'université algérienne. L'intrigue génésiaque se situerait aussi dans cette escalade du nombre. Le meneur du jeu étant positionné hors de la portée des places à pourvoir, il voudrait par ce remue-ménage grimper la pente sur le dos d'une grève qui s'apparente plus à un viol intellectuel. Une tentative caractérisée de holdup. Le recteur ancien diplômé de la vieille école, professeur émérite, jaloux des acquis l'avait affirmé in-extenso lors de la cérémonie d'ouverture de l'année universitaire précitée chahutée par l'insolence et la tromperie de ces bonimenteurs.

Ce pédagogue convaincu avait déclaré alors serein et rassuré " je ne permettrai pas la prise en otage de l'université, quitte à faire péter les plombs ! (comprendre partir)" La situation prévalant dans l'établissement était un cumul d'insouciance et de complicité. Des droits sont crées sans fondement juridique et par la puissance du silence tutélaire deviennent des acquis à régulariser, voire à légaliser. La science et ses règles formelles d'obtention sont ainsi mises à genoux par un pouvoir peu soucieux. Lâcher du lest, fermer l'oeil dans de pareils cas, n'est pas apte à nous faire embarquer à bord d'une modernisation qui n'attend pas.

A voir tout ce cirque l'on pense sans ambages à ce que l'école avait produit comme marchandise brute et préalablement biaisée à incruster sans coup férir dans l'espace universitaire. Cette prédisposition favorise les conditions idoines de la résurgence embryonnaire incivique. Ceci nécessite, à défaut de retour au droit et à la raison, un dispositif coercitif et le recours à la justice pour perturbation et trouble de l'ordre public au sein d'un établissement public. L'on ne peut obtenir un diplôme par la force ya Errab !

A l'université, dans certains cas, c'est au muscle d'avoir le droit de préséance. Les sociétés de gardiennage qui n'existaient pas par le passé, ne sont pas là aussi pour rassurer davantage les locataires. Y aller fait grandement peur. Y passer ses nuits donne de la froideur. Les cités sont clôturées, barbelées, cintrées et encore ! De la violence qui s'exerce au nom d'une protection ou de celle qui se pratique au nom d'une association, il n'y a pas trop de marge de manœuvre pour l'inoffensif étudiant.

Pour la paix et la stabilité on ne bouge pas ! On se fait circonvenir dans la duplicité en fermant l'œil sur l'entorse éthique universitaire.

Il est parfois admissible de garder cette inertie face à des convulsions citoyennes, émeutières, de grogne sociale etc? mais de là à transcender ce justificatif aléatoire dans le savoir c'est aiguillonner la compromission et stimuler la reproduction de modèles négatifs dans la conduite du citoyen de demain. Wallah l'heure d'année en année s'aggrave ! Si l'on fait du savoir une affaire sociale, on restera au stade...de "wantoutri "! Oui, l'université risque de glisser vers une réalité de stade, de terrain d'affrontement.

La violence commence déjà aux portes d'entrée et s'exerce par cette nouvelle engeance de bloqueurs, d'interdiseurs, de mendiants 'tlalba" de notes et de moyennes. L'université est en droite voie d'exécution sommaire. Il y a crime contre le savoir. Finalement elle tressautera et restera toujours une source intarissable de virtuosité et aussi de fausseté !

Même dans son aspect extérieur, dans son décor humain, l'université n'a plus le même visage. Elle est visible mais absente, sauf son corps qui s'émoustille au gré des fièvres virales, reste une infrastructure géante vidangée de sa substance essentielle. La prise de conscience. Les barbes d'antan, attribut d'un courant politique progressiste sont les kamis barbichettes ou le crâne bariolé et hirsute d'aujourd'hui.

Une ostension ontologique ou enfantine. L'image est loin d'être celle d'un profil idéal de l'étudiant modèle qui inspirait confiance et authenticité. Pourtant l'intelligence est unique qu'elle soit semi-nue ou complètement vêtue. En hidjab ou en fuseau, elle est une lueur d'universalité et de providence.

C'est de l'université que jaillissent les phares lumineux des futures générations. Les autorités nationales sont contraintes d'apporter de grandes corrections à ce qui se trame dedans. Sauver la dame science des appétits flibustiers demeure une action révolutionnaire et de grand salut public. Basta !