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Demain, quel projet de société pour l'Algérie ?

par Ahmed Farah

« La seule chose que l'on puisse faire, c'est de trier dans sa propre culture ce dont on a besoin, et de le trainer derrière soi depuis le lieu d'où l'on vient» : James Baldwin.

La désillusion est si grande, que les peuples se soumettent à la fatalité de la résignation et de l'attente des jours meilleurs. Mais savent-ils, qu'ils ont déjà épuisé leur pain blanc et que leur destin se fera demain, le jour ?

Aujourd'hui, c'est le calme plat, personne ne se soucie de quoi sera fait demain, sauf pour ceux qui la lune n'est pas au bout du doigt. Les initiés, les conscients et les clairvoyants savent qu'à cette vitesse de rotation, la centrifugation nous projettera surement, hors de la trajectoire.

Avoir un projet de société pour un Etat, est la seule façon de le pérenniser, de garder sa souveraineté et de donner l'égalité des chances aux citoyens qui le composent. La justice sociale et la cohésion sociale donnent plus de crédibilité à cet État et de la légitimité à ses gouvernants, s'ils sont librement choisis. Un projet de société fiable, n'est pas la copie conforme d'une autre expérience importée d'ailleurs, ni celui concocté dans des cabinets d'expertise et livré clé en main. A chaque État ses spécificités historiques, sociales, culturelles et sa position géostratégique qui le caractérisent.

A cet instant, la vision est floue, les idées manquent et aucun sens de direction n'est clairement indiqué. Qui sommes-nous ? Où va-t-on ? Que va-t-on faire ? Pourquoi faire ? Avec quels moyens allons-nous le faire ?

La réponse à ces questions, est déjà une esquisse d'un projet. Les populations à travers le monde, se désintéressent de plus en plus de la gestion des affaires politiques de leurs pays et ressentent une impuissance générale qui les angoisse. Ils rejettent complètement leurs gouvernants et la classe politique pour leur incapacité d'améliorer le quotidien des citoyens. Ils trouvent que leurs dirigeants ne sachent pas mesurer le désarroi dans lequel ils se trouvent et qu'ils sont incapables de prendre les décisions pour faire face à des situations souvent dramatiques, comme la protection sociale, la couverture sanitaire et l'éducation.

Les discours politiques ne sont plus porteurs, sont souvent populistes démagogiques et vides de tout sens. Cette rage contre les politiques n'est pas seulement dirigée contre les gouvernants, mais aussi contre l'opposition qui n'est pas prise au sérieux, pour sa posture incompréhensible et son projet qui ne cadre pas avec sa capacité à le mettre en phase avec les espérances des citoyens. Que des promesses irréalisables et que des mots vides. Au lieu d'induire des actions réelles qui rendent au peuple son estime de soi et sa fierté pour son pays, les décideurs ouvrent la vanne et gaspillent les ressources, dans des politiques de soutien non sensés, inefficaces et sans résultats à moyen et long terme, aux agriculteurs, pour le logement, l'éducation nationale, la santé, l'emploi des jeunes etc?

- Tout le monde connait les malversations de beaucoup d'agriculteurs qui achètent du blé importé, le revendent ensuite aux coopératives et empochent la subvention en retour.

- La spéculation induite par l'acquisition de chambres froides, comme c'est le cas ces derniers jours pour la pomme de terre qui a flambé son prix.

- Les puits fictifs, jamais creusés mais facturés.

- La filière du lait qui n'a fait qu'augmenter la facture des importations de bétails, sans diminuer celle du lait en poudre.

- Dans beaucoup de pays les logements sociaux, sont de la compétence des collectivités locales, loués à ceux qui habitent réellement la commune et qui sont vraiment dans la nécessité.

- Les autres catégories achètent ou louent leurs logements, dans le cadre de promotions immobilières avec l'aide d'un vrai système bancaire.

- La déperdition scolaire en Algérie, est l'une des plus élevée au monde, selon la Ministre de l'Éducation Nationale. L?État garantie l'égalité de chances, l'instruction et l'enseignement obligatoire, jusqu'à l'âge de 16 ans. Le gaspillage par la construction de tant de lycées et pseudo universités, sans tenir compte des nécessités et des besoins réels du pays. Alors que le salut d'un pays vient surtout de l'apprentissage, des métiers d'avenir et des pôles universitaires d'excellence (Aucune université algérienne ne figure parmi les 5000 dans le monde). L'auto prise en charge des jeunes formés et la recherche au fond d'eux-mêmes des solutions, sans tendre la main à l'État, les rend plus motivés, autonomes et autosuffisants si les mécanismes en faveur de la création d'entreprises, sont réellement institués (Contrat personnel entre l'entrepreneur et sa banque - Projets/Banques d'investissement). (Dans le dispositif bureaucratique actuel, les fournisseurs sont souvent les gagnants sur le dos des jeunes entrepreneurs naïfs, novices et très mal préparés).

- Les dispositifs de l'emploi de jeunes est une catastrophe pour l'économie du pays, beaucoup d'artisans ont déposé les clés à cause de la raréfaction de la main d'œuvre. Les agriculteurs et les entreprises du bâtiment font aujourd'hui, appel à la main d'œuvre étrangère (Marocaine, Malienne, Nigérienne?.)

- La subvention des produits de consommation et du carburant ne peut pas s'éterniser, trouver un autre mécanisme de compensation, pour lutter contre la contre bande et le préjudice que cela cause à l'économie du pays.

- Des investissements colossaux ont été investis dans la santé, sans que la qualité des soins s'en améliore. Un grand gaspillage est surtout dû à la gestion irresponsable des ressources matérielles, comme le vol de médicaments et d'équipements souvent relaté dans la presse. Cette faillite est aussi confirmée par les nantis qui vont se soigner pour le plus petit bobo à l'étranger

La gestion publique des ressources du pays doit être sérieusement sous le contrôle de l'État, ses représentants et de la justice, pour éviter tous ces déséquilibres. Ces gaspillages sont aujourd'hui possibles à cause de la manne pétrolière qui amorti les chocs et apaise le climat social. Mais demain, s'il y aura une décomposition, peut-on distribuer équitablement la rigueur et la misère ?

Aujourd'hui l'État en fait peut-être trop, parce qu'il a les moyens de le faire, mais il est temps de se projeter dans l'avenir et corriger le comportement de l'Algérien consommateur, assisté, qui ne produit rien et qui n'entreprend rien. L'État sera régulateur, percepteur d'impôts, offrant certains services (Éducation, Santé, couverture sociale et sécurité) à ses citoyens, mais ne sera en aucun cas gestionnaire de son économie, parce que tout simplement l'État est un flambeur qui ne compte pas les sous, surtout quand la planche à billets de sa banque centrale est sous sa tutelle.

L'Algérie a plus besoin d'hommes capables de la mettre dans le cercle des grandes nations créatrices de richesses, que de distributeurs d'une rente, qui tôt ou tard s'épuisera, parce qu'elle est épuisable. Aujourd'hui, les inégalités peuvent être justes, si ceux qui ont su et pu amasser des ressources considérables, d'une manière ou d'une autre, n'oublient pas d'où est ce qu'ils viennent, ne ferment pas la porte aux autres après que eux soient entrés, feront profiter le pays en investissant dans la création de richesses et de l'emploi, au profit de la masse. Quand les emplois sont rémunérés à leur juste valeur (de vrais salaires et une monnaie réelle), les citoyens pourront aisément louer ou acheter leurs logements sans demander aucune aide de l'état, payeront leurs produits de consommations sans qu'ils soient subventionnés et l'agriculture n'aura pas à être aidée (Sauf en cas de force majeur ou quand celle-ci devient exportatrice).

Mais pour arriver là, le pays devrait avoir besoin de milliers d'entrepreneurs et de capitaines d'industrie, comme les quelques-uns actuellement très connus, et qui ont prouvé leur savoir-faire ici et ailleurs dans le monde. L'Algérie pourrait être fière d'eux, s'ils éprouvaient plus de patriotisme économique, dans un cadre où tous les citoyens seraient gagnants selon le mérite et les efforts investis.