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Les ambitions contrariées de Spie en Bourse

par Akram Belkaïd, Paris

L’introduction en Bourse du groupe français d’in-génierie électrique Spie devait être l’une des opérations majeures de cette rentrée. Séparé depuis dix ans du spécialiste de BTP Spie Batignolles, ce groupe qui conçoit et installe des systèmes électriques et informatiques entendait lever jusqu’à 1,2 milliard d’euros en mettant sur le marché de 35% à 45% de son capital. Las, ses dirigeants ont finalement décidé d’annuler l’opération en raison - c’est souvent l’expression consacrée en pareilles circonstances - «des mauvaises conditions de marché».
 
UNE CONJONCTURE DEFAVORABLE
 
Il y a plusieurs enseignements à tirer de cette annulation car l’échec d’une Initial public offering (Ipo ou introduction en Bourse) n’est jamais anodin. D’abord, il y a le fait que la conjoncture boursière est de plus en plus volatile. Au premier semestre de l’année, tous les clignotants étaient au vert et la grande majorité des Ipo sur les marchés principaux ont tenu leurs promesses.

Ainsi, selon le cabinet PWC, quelque 40,3 milliards d’euros ont été levés par 289 sociétés en Europe depuis début 2014 soit quatre fois plus que pour la même période en 2013. Mais, depuis l’été, l’inquiétude grandit sur le marché et les indices plongent. De nombreux investisseurs craignent un ralentissement trop brutal de l’économie européenne, et plus particulièrement française, quand d’autres se demandent si la Banque centrale européenne (BCE) ne va pas décider tôt ou tard de relever ses taux pour contrer l’inflation. Bref, les perspectives macro-économiques n’ont pas favorisé l’Ipo de Spie.

Ensuite, et de manière concrète, le report de l’introduction en Bourse de Spie a été décidé parce que les ordres d’achat étaient inférieurs à l’offre de titres. En clair, les investisseurs ne se sont pas bousculés au portillon. Cela permet de mettre en exergue une caractéristique intrinsèque des Ipo.

On le sait, ce genre d’opération a pour but de permettre de lever du cash. Dans le cas présent, Spie entendait l’utiliser pour se désendetter et pour éventuellement financer des acquisitions. Mais ce n’est pas uniquement le fait de savoir que la levée de fonds souhaitée n’a pas été atteinte qui fait l’échec d’une introduction en Bourse.

Pour de nombreux acteurs de cette opération (banques d’affaires, sociétés de courtage, dirigeants de l’entreprise,…) l’objectif est aussi de faire en sorte que le cours du titre s’oriente tout de suite à la hausse. Ainsi, les donneurs d’ordre ayant acheté des actions à l’avance au prix d’introduction, voire moins, peuvent réaliser de conséquentes plus-values.
 
STRATEGIE A COURT TERME
 
Dans le cas de Spie, il est certain que ses propriétaires actuels ont jugé que l’opération ne leur rapporterait pas assez. C’est en 2011 que le fonds Clayton Dubilier & Rice ainsi que la Caisse de dépôt et placement du Québec ont pris le contrôle du groupe.

A peine trois ans plus tard et les voici donc désireux de prendre leurs bénéfices au point que - échec de l’Ipo oblige - les analystes pensent qu’ils pourraient céder Spie à un autre acheteur sans passer par la Bourse.

On touche là l’un des points de friction entre objectifs boursiers et développement de l’entreprise à long terme. En effet, un propriétaire qui n’est présent au capital de l’entreprise que pour une durée de quelques années n’est pas une garantie que la stratégie à long terme sera la bonne. Bien au contraire, en « ravalant la façade » afin d’obtenir le maximum de fonds lors de l’entrée en Bourse, ce genre d’actionnaire peut prendre des décisions stratégiques inconciliables avec un développement de longue haleine.