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Christopher Smith, sous-secrétaire d'Etat US à l'Energie, au « Le Quotidien d'Oran » : Le gouvernement algérien apprend par la pratique

par Abdou Benabbou (Interview)



Christopher Smith est sous-secrétaire d'Etat pour l'Energie chargé de la gestion du programme de recherche et développement de l'énergie fossile (charbon, pétrole et gaz naturel) des Etats-Unis. Il a été nommé au ministère de l'Energie en 2009. C'est lui qui a été chargé par le président Obama pour mener l'enquête à la tête d'une commission sur la marée noire de BP Deepwater Horizon Oil et Offshore Drilling du Golf.

Avant sa nomination en octobre 2009, le ministre a occupé des postes de gestion et d'analyse dans le secteur privé. Il a occupé des postes de responsabilité dans deux grandes compagnies pétrolières internationales pendant onze ans qui ont principalement porté sur le développement des entreprises en amont et le commerce du GNL, dont trois ans de négociations pour des accords de production et de transport avec la Colombie.

Smith a commencé sa carrière comme officier dans l'armée américaine et a servi en Corée et à Hawaii. Il a ensuite travaillé pour Citibank et JPMorgan à New York et à Londres dans le domaine des marchés émergents et des instruments dérivés de change.

Smith est diplômé en gestion de l'ingénierie de l'Académie militaire américaine de West Point et d'un MBA de l'Université de Cambridge.

En visite à Oran, il a bien voulu se prêter en exclusivité aux questions du Quotidien d'Oran.

Le Quotidien d'Oran: Les Etats-Unis sont-ils vraiment entrés dans une phase d'indépendance énergétique grâce aux hydrocarbures de schiste ?

Christopher Smith: Je préfère ne pas appeler ça «l'indépendance énergétique» parce que nous vivons dans un monde profondément interconnecté. Le gaz de schiste a offert aux Etats-Unis la possibilité de réduire les importations et de diversifier sa consommation d'énergie.

Pour la première fois en deux décennies, les Etats-Unis produisent plus de pétrole qu'ils n'en importent. L'utilisation du gaz naturel a également augmenté de façon spectaculaire. Les prix ??du gaz naturel sont plus faibles avec moins de volatilité et les Etats-Unis peuvent faire plus d'investissements dans la production d'énergie et dans des industries de production à forte consommation d'énergie.

Donc, «l'indépendance énergétique» n'est pas le bon terme, c'est plutôt de la diversification énergétique et la sécurité énergétique.

Q.O.: Les Etats-Unis, selon une étude British Petroleum, seront autosuffisants en énergie en 2035 grâce notamment à ce que certains appellent la révolution du gaz de schiste.     On parle de développer des unités de liquéfaction de gaz naturel pour que les Etats-Unis passent au statut d'exportateur. C'est pour quand selon vous ?

C.S.: Nous avions supposé que les Etats-Unis seraient amenés à importer plus de GNL.

Cependant, maintenant les Etats-Unis cherchent à exporter du GNL. Il y a eu un renversement complet dans la façon dont nous réfléchissions à l'énergie.

Nous avons un terminal d'exportation de GNL en construction en Louisiane qui sera probablement opérationnel pour l'exportation en 2015. Le gouvernement américain ne choisit pas la destination pour l'exportation, c'est les entreprises et le marché qui déterminent les acheteurs de ces cargaisons. Il est fort probable que les destinations d'exportation soient vers l'Asie et l'Europe.

L'Algérie exporte du GNL depuis 50 ans, mais les Etats-Unis est un nouvel acteur dans l'exportation de GNL.

Q.O.: Quels sont les défis environnementaux que les Etats-Unis ont identifiés et qui sont applicables à l'Algérie?

C.S.: C'est une bonne question et elle est très importante. Nous sommes très sensibles à la question de l'environnement et nous avons toujours veillé à ce que la production soit réalisée d'une manière respectueuse pour l'environnement. Il doit y avoir une protection des eaux souterraines, en minimisant l'eau utilisée et en s'assurant que l'eau potable soit utilisée efficacement. Nous essayons aussi de réduire les émissions dans l'environnement.

Ce sont toutes de nouvelles activités parce que le gaz de schiste est une nouvelle industrie aussi, et nous vérifions que toutes ces activités soient menées de manière durable. Tous les différents risques doivent être gérés, et nous ne pouvons réussir que si nous gérons les risques de façon appropriée.

A chaque étape du développement, la communauté doit être impliquée dans le processus. Il doit y avoir un dialogue et une participation de la communauté pour s'assurer que les personnes vivant à proximité des sites fassent partie du processus de prise de décision.

A Oran, l'un des conférenciers avait parlé d'un puits construit à l'intérieur de l'Université du Texas à Arlington où des gens vivent et travaillent.Cette communauté est impliquée dans le processus de prise de décision et soutient le puits.

Les Etats-Unis n'ont pas toujours bien géré leur engagement avec la communauté, mais nos efforts se sont améliorés de façon spectaculaire. Si les communautés n'acceptent pas la pratique, alors il ne peut y avoir de succès - ce doit être le point de départ.

Q.O.: Comment les Etats-Unis gèrent-ils la question de la fracturation hydraulique et son impact sur? les eaux souterraines?

C.S.: Sur la fracturation hydraulique, la méthode utilisée dans la construction des puits est l'élément principal à prendre en considération. La conception est donc très importante.

Comme les puits vont tous à travers la nappe phréatique avant d'atteindre les réservoirs de schiste, la potion de nappe phréatique du puits doit être protégée de manière adéquate.

Q.O.: Quel sera l'impact de l'entrée des Etats-Unis sur les marchés d'exportation sur les marchés gaziers ? Les actuels pays exportateurs doivent-ils craindre l'arrivée des Américains ?

C.S.: Les Etats-Unis n'exportent pas encore à partir des 48 Etats du Sud. Toutefois, le gaz de schiste aux Etats-Unis a déjà eu un impact non négligeable sur les marchés mondiaux.

Le GNL qui était initialement destiné au marché américain va maintenant ailleurs. Il existe maintenant un marché mondial de cargaisons de GNL. Le marché est grand et très transparent et une plus grande diversité de l'offre apportera plus de stabilité.

Q.O.: Une coopération dans ce domaine avec les entreprises américaines est-elle possible ? Les compagnies américaines sont-elles toujours intéressées par l'Algérie alors qu'aux Etats-Unis la tendance est à l'autosuffisance en matière d'énergie ?

C.S.: Il y a déjà une longue histoire de coopération entre les entreprises américaines et algériennes.    La technologie et les ingénieurs américains ont joué un rôle important dans la construction et le développement des premiers trains de GNL en Algérie.

Il y a une longue histoire de collaboration entre les entreprises algériennes et américaines et il y a du potentiel pour plus de collaboration.

Q.O.: Vous avez peut-être été informé sur les résultats du 4ème appel d'offres dans l'amont pétro-gazier en Algérie. Qu'en pensez-vous ?

C.S.: Je crois que le gouvernement algérien, comme tous les gouvernements, apprend par la pratique. L'Algérie est un marché lucratif et les entreprises américaines sont intéressées par y opérer. Ainsi, le gouvernement algérien, au fil du temps, prendra des mesures pour démontrer l'attractivité de sa ressource.

Q.O.: L'Algérie a révisé sa loi sur les hydrocarbures pour favoriser l'attractivité de l'amont pétro-gazier auprès des compagnies étrangères. Quelle appréciation faites-vous de ces modifications ? Sont-elles suffisantes ou insuffisantes ?

C.S.: Je ne suis pas un expert en droit algérien et je ne suis pas au courant des détails de cette loi, mais je pense que c'est au gouvernement algérien de concevoir et d'instituer des lois qui attirent les investissements étrangers directs.

Il y a un marché mondial des capitaux, donc les capitaux vont là où les incitations et les taux de rendement sont considérés comme plus importants.