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Allemagne, le modèle en question

par Akram Belkaïd, Paris

En 2015, l’économie allemande devrait continuer à afficher des performances appréciables – ne serait-ce qu’en comparaison avec ses voisins – puisque son taux croissance du Produit intérieur brut (PIB) est prévu à 1,8% contre 1,5% pour 2014. On notera, tout de même, que cette estimation est moins optimiste qu’il y a quelques mois, lorsque les économistes tablaient sur une progression de 2% du PIB allemand, pour l’année prochaine. Il reste, désormais, à savoir si de nouvelles révisions, à la baisse, ne vont pas être effectuées concernant le moteur de l’Europe.

PARTENAIRES EN PANNE

De fait, il y a deux manières d’évaluer l’économie allemande. D’un côté, il y a le camp des laudateurs et des experts qui en font une référence à suivre pour d’autres pays. De l’autre, il y a ceux, bien plus rares et surtout moins audibles, qui mettent en garde sur l’existence « d’une bulle allemande » et qui craignent une correction brutale. On connaît les arguments habituels du premier camp. Compétitivité du « made in Germany », modération salariale (même si l’Allemagne vient d’adopter un salaire horaire minimum de 8,5 euros), dialogue permanent entre syndicats et patronat, dynamisme des PME qui ne craignent pas de partir à l’assaut de marchés éloignés : voilà autant de facteurs qui expliqueraient le leadership germanique.

Sans remettre, totalement, en cause, la réalité de ces explications, les pessimistes estiment que l’Allemagne ne peut, pourtant, pas rester imperméable au ralentissement qui touche une bonne partie de l’économie européenne. C’est le cas de la France, premier client de l’Allemagne, dont la croissance devrait être nulle, en 2015, avec un taux de chômage qui restera supérieur à 10% (6,5% en Allemagne).

Toujours, selon ces mêmes experts, il faut, aussi, prendre en compte les problèmes que connaissent les pays émergents, notamment le Brésil, l’Argentine et même l’Inde. Des difficultés auxquelles s’ajoute, déjà, l’effet négatif des sanctions décidées par l’Europe et les Etats-Unis contre la Russie, pour son rôle dans la crise ukrainienne. En clair, ce sont d’importants débouchés traditionnels des ventes allemandes, à l’étranger, qui sont affectés, ce qui signifie que ces exportations ne vont pas jouer leur rôle habituel de principal soutien à la croissance.

Par ailleurs, notent, encore, les économistes qui craignent un net ralentissement de la machine économique allemande, dans les prochains mois, de sérieux doutes entourent la pérennité de la consommation intérieure, l’autre pilier de la croissance. Dans un contexte, marqué par un refus du patronat de consentir des hausses de salaires trop importantes (ce qui ne peut encourager la consommation), les spécialistes s’interrogent sur l’impact, à long terme, de la généralisation de la précarité, dans le secteur privé. En effet, désormais seuls 40% des contrats de travail y sont à durée illimitée, les 60% restants étant partagés entre l’intérim, la durée déterminée ou le temps partiel. Une fragmentation qui pourrait saper la confiance et pénaliser la consommation.

UN MODELE A EXPORTER ?

C’est pourtant ce modèle que l’Allemagne souhaite voir adopté chez ses partenaires européens. En appelant à des « réformes structurelles courageuses », Berlin exige de ses clients qu’ils détricotent leurs législations du travail. Cela vaut, surtout, pour la France qualifiée, par la presse allemande, d’homme malade de l’Europe. Reste à savoir ce que deviendra une Europe caractérisée par la précarité sociale. Forte de sa position de poids lourd, l’Allemagne obtiendra, certainement, ce qu’elle cherche à imposer mais, au bout du compte, est-elle sûre qu’il lui restera des clients solvables ?