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Quand l’immobilier fait tousser la Chine

par Akram Belkaïd, Paris

Cette année encore, mais aussi en 2015, les regards des conjoncturistes seront encore tournés vers la Chine. Et ils se poseront les mêmes questions : la croissance du Produit intérieur brut (PIB) sera-t-elle supérieure ou inférieure à 7% ? Qu’en sera-t-il de la réforme du système financier et bancaire ? Le gouvernement chinois va-t-il continuer à libéraliser les taux d’intérêts et à piloter une réévaluation progressive du yuan vis-à-vis du dollar ? A ces interrogations s’ajoutera une préoccupation plus immédiate qui concerne la santé réelle du secteur immobilier.

FREINER LE BATIMENT ?

On l’ignore souvent, mais le bâtiment et les transactions autour de la pierre contribuent à 30% du produit intérieur brut chinois. Au cours des dernières années, de nombreuses voix se sont élevées contre le risque de surchauffe et de formation d’une bulle spéculative. Après quelques tergiversations, Pékin a décidé d’empoigner le taureau par les cornes en mettant en place une batterie de mesures pour freiner l’activité. Les conditions d’accès aux crédits immobiliers ont été durcies tandis que dans de nombreuses grandes villes de nouvelles exigences - notamment celle de l’ancienneté de résidence - ont été imposées aux acheteurs. Il faut rappeler que cet ajustement a été mis en place alors que la croissance était supérieure à 9% et que personne ne s’inquiétait encore de son possible ralentissement.

Aujourd’hui, la donne a changé. L’activité reste certes appréciable - de tous les pays dits émergents, la Chine est celle qui enregistre les meilleures performances - mais l’inquiétude est là. Que l’augmentation annuelle du PIB tombe au-dessous de 6% voire de 5% et le consensus politico-économique qui fonde actuellement la stabilité de la Chine et la légitimité du Parti communiste pourrait s’étioler. C’est pourquoi nombreux sont les observateurs qui s’inquiètent du fait que les mesures pour encadrer l’immobilier ont trop vite atteint leur but. En effet, les ventes d’appartements sont en baisse (-7% par rapport à 2013) de même que le volume des prêts accordés par les banques chinoises (-45% en juillet 2014 par rapport à juillet 2013). En d’autres circonstances, ce refroidissement aurait satisfait les autorités mais ces dernières craignent désormais que cela n’affecte la croissance mais aussi la stabilité financière du pays.

OU LE RELANCER ?

En effet, confrontés à des difficultés d’accès au prêt immobilier, de nombreux ménages mais aussi des entrepreneurs se sont rabattus sur des firmes de crédit non régulées ayant prospéré en dehors du système bancaire. Cette « finance de l’ombre » - c’est ainsi que les autorités la désignent - est accusée de pratiquer des taux usuriers et d’avoir contribué à l’explosion de la dette publique et privée. Dans un contexte de baisse des prix et de l’activité, les emprunteurs pourraient avoir du mal à rembourser leurs créances ce qui risque, in fine, de provoquer la faillite de nombreux opérateurs de cette finance de l’ombre. Or, cette dernière est aussi cliente chez les banques traditionnelles (qui n’hésitent pas, les affaires étant les affaires, à lui octroyer des prêts ou à prendre une partie de leur capital) ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une réaction en chaîne susceptible de provoquer une crise majeure du système bancaire chinois.

Du coup, Pékin vient de décider de redonner un peu d’air au secteur immobilier. Les banques sont appelées à prêter plus, les ménages qui en ont les moyens pourront acheter plus d’un appartement et la législation sur la location sera allégée. Il reste à savoir quand l’effet recherché sera obtenu car de nombreux économistes estiment que c’est au printemps dernier que Pékin aurait dû réagir. En tout état de cause, ce thème de l’immobilier montre à quel point le pilotage d’une économie en croissance nécessite, de la part des autorités, une réactivité à très court terme.