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Des prix défiant le bon sens

par Hadj Mostefaoui

Plus on se rapproche de la date fatidique plus les éleveurs mettent la barre plus haut et les prix du mouton affichés ces derniers jours donnent le tournis et laissent le père de famille sur le tapis. Inaccessibles, inabordables et insensés tels sont les qualificatifs qui reviennent sans cesse sur les lèvres des modestes bourses qui ont perdu le sens de l'orientation. Ils ont la cote ces jours-ci les bêtes, et les éleveurs ne se privent nullement de surenchérir et de proposer des prix défiant le bon sens. Qu'il soit de race « Rimbi », engraissé au romarin d'El-Bayadh ou ?'Hamra?' d'Ouled-Djellel, le bélier trône tel un héros sur la place Bayedhie. La tête haute, les cornes très fournies et élancées, sachant que sa tête est mise à prix et les surenchères vont bon train. Il est proposé à plus de 120.000 DA. Ne vous faites pas d'illusions, il s'agit bel et bien du prix de gros, soit pour un achat groupé de plus de 20 têtes. Et ils sont venus des confins de l'est et de l'extrême-sud du pays pour s'offrir ce luxe. Quant à la brebis squelettique et maigrichonne, élevée à l'alfa et le son, son prix donne des frissons, soit plus de 25.000 DA pour un poids n'excédant pas les 12 kg ! Dans les trois grands marchés à bestiaux de la wilaya, la roue de fortune tourne inexorablement aussi bien en faveur des éleveurs que celle de la multitude de maquignons qui savent de quelle manière s'introduire dans ce juteux marché qui rapporte mieux que la loterie. La folie s'est réellement emparée des éleveurs de la région, l'une des principales plaques tournantes du mouton. Les chefs de familles s'attendaient à cette machine infernale qui broie leur porte-monnaie. Nombre de familles sont décidées à se passer de mouton et peut-être même du chevreau, autrefois très prisé pour consoler la marmaille. L'inquiétude et l'angoisse se sont emparées des centaines de pères de familles qui se sont rendus jeudi au marché pour jeter un dernier coup d'œil sur les prix et sur le mouton de leurs rêves. Amère et dure réalité. Nous avons pu relever lors de notre passage dans les dédales du marché hebdomadaire du chef-lieu, des agnelles et des brebis proposées également à la vente et personne ne se soucie de la pérennité ou de la protection de cette espèce, principale source de revenus pour la population rurale de région et l'idée d'interdire leur vente n'effleure même pas les esprits des responsables du secteur de l'agriculture et encore moins ceux de l'organisation paysanne. La folie du gain facile et des gros bénéfices n'a épargné aucun éleveur car le prix d'un bélier de trois années, ?' Thni'', atteint la somme inimaginable de plus de 120.000 DA. Pris au piège, après avoir été saignés à blanc par les effets conjugués des dépenses du mois de carême et de la rentrée scolaire, les malheureux chefs de familles déposent les armes et s'avouent vaincus, quitte à cautionner le toit de la maisonnette ou opter pour un minuscule chevreau. La guerre des prix du mouton bat son plein et rien ne semble mettre fin à l'appétit gargantuesque des éleveurs et maquignons sans scrupules qui n'éprouvent aucune gêne à mettre à genou tout un pan de l'économie nationale en jetant sur le marché local, voire même au-delà des frontières des milliers d'agnelles et de brebis à l'approche de la période de vêlage.