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MAGHNIA: Atamna, un douar frontalier oublié

par Cheikh Guetbi

La population de Atamna, un douar dont le front Ouest est carrément collé à la frontière et limité par la RN 7 au Nord, endure des affres par manque jusqu'à l'élémentaire. Elles sont une quarantaine de familles qui sont restées attachées et fixées à leurs terres, à leurs repères et fidèles à leurs vocations paysannes, tels l'agriculture et l'élevage, mais que le manque du minimum vital n'est pas pour leur faciliter le quotidien. Relativement à leurs voisins frontaliers marocains, les habitants de ce douar se sentent oubliés, voire délaissés par les responsables locaux, au point où certaines familles ne disposent même pas de l'électricité ou de l'eau. «Plusieurs familles ne disposent pas jusqu'à l'eau potable. On fait dans l'entraide pour fournir de l'eau à ceux qui en manquent ainsi qu'à leurs bêtes » dira ce jeune, plein de volonté, lequel s'investit dans l'élevage bovin. Voulant nous faire toucher de plus près les causes de la grogne de cette communauté qui a depuis longtemps tourné le dos à la contrebande et qui a également depuis longtemps souffert en silence, nous nous sommes déplacés sur place. Comme on s'y attendait, les quelque 7 kilomètres de piste du douar sont dans un état déplorable. « Pour transporter l'aliment de bétail, nous trouvons des difficultés pour trouver un transporteur tellement la piste est difficile. La dernière fois j'étais obligé de le faire avec ma petite camionnette. Pour cela, il m'a fallu faire une dizaine d'allers-retours entre Maghnia où j'ai acheté l'aliment pour mon bétail, et chez moi, c'est dire que le manque de route goudronnée nous complique l'existence au douar où par ailleurs, même le vétérinaire refuse de se déplacer avec nous à cause du très mauvais état des pistes » dira notre interlocuteur, avant qu'un autre jeune ironise « même quand on invite nos amis pour un éventuel festin ou fête, cette piste les décourage ».

Sur place, nous relevons d'emblée un contraste frappant qui nous a permis de comprendre la principale raison à cette grogne : des champs verdoyants d'une part et des terres nues de l'autre, séparés par une tranchée creusée du côté algérien le long de la frontière dans le cadre de la lutte contre la contrebande, doublée par un grillage posé par les Marocains. On souligne que malgré ces deux grands ouvrages, la frontière n'est pas pour autant hermétique car le kif est introduit, paradoxalement, par dizaines de quintaux à partir du Maroc...

« On a la rage au douar. Les services de l'hydraulique locaux nous interdisent le forage alors que de l'autre côté de la frontière, à quelques mètres de chez nous, les Marocains forent impunément des puits sur la nappe commune aux deux pays. Nous trouvons que cela est injuste. Le douar dispose de 40 hectares de plantation d'oliviers que les propriétaires irriguent par des citernes tractées à 1.200 DA l'unité » dira, outré, ce fellah lequel lance « si on dispose de l'eau, notre rive sera bien plus verdoyante que celle marocaine ». L'autre tare du douar est l'oued, qui prend source au Maroc, et qui le scinde en deux. Lors de crues, la partie située entre cet oued et la frontière est carrément isolée du monde. Les fréquentes absences des scolarisés qui sont obligés de parcourir jusqu'à 7 kilomètres de piste pour atteindre l'école qui est située à Chbikia, piste qui est aggravée par les crues, ont engendré un inquiétant taux d'abandon d'écoliers. « Notre douar qui compte une vingtaine de chahids est considéré comme sinistré. Les responsables locaux lui ont toujours tourné le dos. Malgré cela, il assure une respectable production laitière et de viandes ovine et bovine. Un tant soit peu de développement permettra à cette production de progresser, à l'agriculture de se développer et à la population le minimum de confort » conclut un des sages du douar.