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Cette austérité qui ne mène à rien

par Akram Belkaïd, Paris

La question continue de générer débats et discussions enflammées. Comment relancer des économies européennes atones qui, hors de l’Allemagne et à en croire les responsables américains, représenteraient le principal danger pour la croissance mondiale ? Pour le discours officiel, celui que l’on entend à Bruxelles ou à Berlin, seule une stricte discipline budgétaire et la mise en place de réformes structurelles permettront de sortir de cette impasse. Une impasse d’autant plus inquiétante qu’elle semble mener à une déflation généralisée, c’est-à-dire à une absence de croissance doublée d’un effondrement des prix et de la consommation.

L’impasse budgétaire

Le problème est donc de savoir si l’austérité est la meilleure marche à suivre. Pour Paris, et malgré quelques timides mesures de relance, les efforts mis en place visaient d’abord à réduire le déficit budgétaire. Les hausses d’impôts, essentiellement supportées par les classes moyennes, et la baisse des dépenses publiques ont bien eu lieu mais cela n’a pourtant pas permis de réaliser la réduction souhaitée. De fait, le déficit budgétaire français reste supérieur à la barre des 3% du produit intérieur brut tandis que la croissance reste nulle.

Le président François Hollande et ses différents gouvernements ont fait deux erreurs majeures. Ils ont d’abord oublié que l’austérité ne sert à rien en phase de repli de l’économie. Certes, elle permet de limiter l’ampleur des déficits et empêche que le trou dans la caisse ne s’élargisse. Mais ce n’est pas cela qui peut permettre au malade de repartir d’un bon pied. C’est une leçon concrète de l’économie que l’on a tendance à négliger et qui obligerait presque à relire la fable de la Cigale et la Fourmi. En effet, c’est durant les périodes d’expansion que les économies devraient être faites, notamment par le biais de la constitution de « cagnottes » destinées à encaisser les chocs futurs mais aussi par un contrôle plus accru des dépenses publiques. 

Ensuite, la relation de cause à effet aurait dû être inversée. Ce qui élimine le déficit budgétaire, c’est avant tout la croissance et la hausse des recettes fiscales. C’est ce que les Etats-Unis ont expérimenté sous les deux présidences de Bill Clinton.

Quand on connaît l’ampleur du déficit budgétaire américain d’aujourd’hui on a du mal à se souvenir qu’il était largement excédentaire à la fin des années 1990. Certes, la croissance de l’époque a été générée de manière quelque peu artificielle (recours aux taux bas de la Réserve fédérale, naissance de bulles spéculatives notamment dans l’immobilier) mais ce n’est pas l’austérité qui a permis à Clinton d’effacer le mauvais bilan économique de George W. Bush Sr.

Le facteur allemand

Il faudrait donc que le débat puisse porter sur la manière de relancer la demande alors que les gouvernements européens ne pensent que par l’offre. Comment relancer la consommation et l’investissement ? Un effort sur la demande paraît indispensable. Cela passe par un crédit plus facile d’accès pour les ménages et les PME.

Cela passe aussi par une hausse des salaires ce qui signifie d’accepter que l’inflation se réveille un peu. Or, de cela, l’Allemagne, véritable patronne de l’Europe, ne veut pas ne serait-ce que pour préserver les actifs financiers libellés dans la monnaie unique. Du coup, la France et les autres pays du sud de l’Europe n’ont pas le choix : laisser la situation actuelle perdurer avec ce que cela signifie comme dégâts sociaux. Ou aller à la crise politique avec l’Allemagne avec, pour toile de fond, le maintien ou non de l’union monétaire européenne.