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Entretien avec Ahmed CHENIKI : Les jeux tragiques de la pauvreté culturelle en Algérie

par R. Belkacem

Auteur de nombreux études et ouvrages sur la culture et le théâtre : Le théâtre en Algérie, Histoire et enjeux, Edisud, Aix en Provence, 2002, 176 pages ; Vérités du théâtre en Algérie, Dar el Gharb, 2006, 255 pages ; Théâtres arabes, genèse et emprunts, Dar el Gharb, 2006, 423 pages ; Le théâtre en Afrique noire, itinéraires et tendances, Dar el Gharb, 2006, 166 pages et de nombreux ouvrages collectifs, actuellement professeur à l'université d'Annaba et professeur invité dans des universités européennes, l'un des rédacteurs du dictionnaire encyclopédique du théâtre, sous la direction de Michel Corvin, paru chez Bordas et de l'encyclopédie «Les créatrices du monde» y a introduit un certain nombre d'hommes et de femmes arabes et africains dans cette encyclopédie, Ahmed Cheniki qui vient de publier aux Editions Vox Teatri à Boston (USA) son dernier ouvrage, «Théâtres arabes, itinéraires singuliers et expériences particulières», nous entretient sur la situation du théâtre et de la culture en Algérie

Après une longue période creuse, l'activité théâtrale semble reprendre en Algérie. Etes-vous de cet avis?

A.C.: Je ne crois nullement à une reprise de l'activité théâtrale et culturelle en Algérie. Jamais, le théâtre et la représentation culturelle n'ont atteint un tel degré de médiocrité. Le cinéma n'existe pratiquement plus. Certes, de temps en temps, des longs métrages sont produits. Mais il faut savoir qu'un film réalisé par un Algérien ou un franco-algérien n'est pas forcément algérien, sauf s'il est produit par des structures nationales. Pour le théâtre, la pauvreté et le traficotage caractérisent le territoire. Le ministère de la culture se mue en structure chargée des festivals. Certes, il y a beaucoup d'argent qui ne me semble pas utilisé à bon escient. C'est vrai que ces derniers temps, on nous sort la sempiternelle litanie d'une comptabilité funèbre dressant le nombre de pièces produites, mais on oublie de signaler le niveau peu reluisant des représentations et l'absence de public qui sait, quoiqu'on en dise, juger de la qualité des spectacles. On a l'impression que les responsables de la culture ne s'intéressent qu'à un papier comptable bon à exhiber comme une sorte de gage de réussite. Ce qui n'est malheureusement pas le cas dans un pays où les activités littéraires et artistiques ont subi un indéniable recul. Il faudrait voir comment se répartit la rente et comment fonctionnent des coopératives et des structures publiques, attendant souvent le bénéfice de la rente. Un débat sérieux, loin de l'esprit d'autosatisfaction, sans anathème, ni insulte, contradictoire et ouvert, est nécessaire si on veut sortir de l'état de marasme actuel.

On constate également que les pièces présentées ne drainent pas beaucoup de gens, pourquoi à votre avis?

A.C.: C'est tout à fait normal. Le fonctionnement bureaucratique des structures théâtrales est tel que la production devient une affaire administrative, excluant toute possibilité de faire un travail sérieux. Ce mal touche aussi bien les théâtres publics que les coopératives vivant une situation absurde. Ainsi, l'absence de vrais metteurs en scène, de comédiens performants, d'auteurs dramatiques sérieux et des autres métiers du spectacle ne peut qu'engendre cet état d'effondrement général. Nous avons, depuis longtemps, mis en garde les pouvoirs publics de ce misérable état, mais aphones, les gestionnaires du ministère de la culture, trop prisonniers de leur moment d'extase auto-jouissive, ne daignent pas aller au fond des choses, c'est-à-dire faire un état des lieux sans complaisance de la situation de la culture et réformer profondément les espaces culturels, y compris, bien entendu, l'entreprise théâtrale. Ce qui me fait rire, c'est le fait de dire qu'il faille faire une culture pour tous alors que tout le monde sait, même la ministre de la culture, que le public boude les structures publiques, trop mal dirigées et ne pouvant attirer les grandes foules. Le produit présenté est médiocre, et les structures théâtrales ne semblent pas maîtriser les règles de la gestion, les gens savent faire la part des choses. Quand il y a de grands spectacles, le public est là, présent, mais nos théâtres, trop pauvres, ne peuvent présenter que ce qu'ils peuvent produire, c'est-à-dire des choses maigres. D'ailleurs, lors des festivals trop peu reluisants du théâtre dit professionnel, il a été constaté le manque de sérieux et de maitrise des techniques d'écriture dramatique et scénique et l'absence de plusieurs métiers participant de la mise en œuvre du spectacle théâtral. Une œuvre théâtrale réunit un ensemble de règles et de métiers. C'est pour reprendre Roland Barthes, une machine cybernétique.

Le théâtre - comme le cinéma étaient florissants dans les années 70, qu'est ce qui a fait leur force?

A.C.: Oui, les années 70 ont connu, à travers le monde, même aux Etats Unis et en Europe, des moments extraordinaires de contestation des formes littéraires et artistiques établies. En Algérie, ce fut une période faste qui a succédé à la décennie des années 60 marquées par un grand enthousiasme, celui de la proximité de l'indépendance, relayé par des stages de formation pris en charge par de grands maitres du cinéma et du théâtre. A l'époque, du moins dans les théâtres d'Etat, on montait Beckett, Brecht, O'neill, Goldoni, Calderon, El Hakim, Rouiched, Kaki, Alloula, Rais?Le théâtre amateur s'était, lui, intéressé au théâtre dit « politique ». Ce qui n'était pas le cas du théâtre d'Etat, si on excepte trois pièces, celles d'Oran, El Meida, El Mendouj, et celle d'Alger, Fersousa oual Malik. Il y avait des metteurs en scène, des auteurs et souvent des gestionnaires sérieux. Le public y allait parce qu'il y avait des hommes de la trempe de Mustapha Kateb, Allel el Mouhib, Alloula, Kateb Yacine, Benaissa, Bouguermouh, Kaki, Agoumi, Rouiched et bien d'autres qui aimaient éperdument leur métier et qui savaient ce que voulait dire le théâtre. Aujourd'hui, il n'est nullement possible de discuter théâtre. Dans nos structures théâtrales, on parle de tout sauf de théâtre. C'est triste, mais c'est ainsi. C'est du moins dans la majorité écrasante des cas. L'analphabétisme reste le mal qui ronge profondément le théâtre et d'autres arts en Algérie où on n'arrête pas d'organiser des festivals, avec des commissaires, en même temps directeurs de théâtre (encore un cachet), des colloques-bidons, des stages souvent peu sérieux, des directeurs de théâtre qui se doublent de responsables de production (encore un cachet, parait-il), des frais de mission pour aller au festival et bien d'autres situations nouvelles dans nos théâtres aujourd'hui, choses qui n'existaient pas avant les années 80. Il y a aussi des gens bien formés, certes rares. Peut-être, les jeunes sortis de Bordj el Kiffan pourraient apporter quelque chose. Les directeurs de théâtre sont nommés à vie alors que le changement (mutation ou mise à l'écart) et la désignation en fonction d'un projet clair est la règle dans des théâtres en Europe. Je sais de quoi je parle parce qu'il m'arrive d'y travailler dans des espaces européens comme contractuel pour des missions particulières.

-Et le cinéma, qu'en est-il au juste ? On a l'impression qu'il sonnait une situation peu agréable.

Le cinéma vit le même marasme. C'est vrai qu'avec l'indépendance et les premières expériences du CNC, de l'INC et de la cinémathèque, l'enthousiasme aidant, des films nationaux ont été produits, permettant, par la suite à de nouveaux réalisateurs de l'époque de traiter de sujets d'actualité, avec une manière de faire qui rappelle le néo-réalisme italien. Bouamari, Allouache, Laskri, Lallem, Beloufa, Tolbi, Zinet et bien d'autres vont chercher, grâce, il faut le dire, aux encouragements des pouvoirs publics, à donner à voir l'univers social avec ses difformités et ses bonnes choses. Tahia ya Didou de Zinet et Noua de Tolbi, entre autres longs métrages, expriment cette autre manière de traiter les faits sociaux. Aujourd'hui, avec la disparition des structures publiques du cinéma, sans aucun autre espace de substitution, il n'y a plus de cinéma, ni salles, ni production sérieuse, ni industrie. Et on trouve le moyen inique d'organiser un festival du cinéma à Oran, avec les deniers publics pour, essentiellement, des invités. Cette privatisation des moyens publics est tragique.

Ce qui est extraordinaire, aujourd'hui, avec le froid avec l'Egypte, on se met à regretter le fait qu'on ait distribué de l'argent à des acteurs égyptiens qui, par désenchantement, sont devenus médiocres et peu crédibles. Drôle de cinéma ! Nos responsables, souvent trop séduits par le discours néolibéral et le mythique marché, oublient que l'Algérie n'a pas les mêmes moyens que la France ou un autre pays européen qui aident énormément leurs cinéastes. L'art devrait-être un véritable service public. Les décisions prises au début des années 90, mal étudiées et trop rapides, en direction du livre et du cinéma ont fini par détruire toute entreprise de revitalisation de ces deux disciplines artistiques.

Certains disent que le problème du théâtre en Algérie est lié au manque de textes, est-ce votre avis ?

A.C.: J'en doute fort. On pourrait reprendre beaucoup de bons textes qui ont été produits dans nos théâtres, des adaptations, des traductions ou des textes d'auteurs. Il y a des milliers de textes à exploiter. Nos hommes de théâtre ne lisent souvent pas, ce qui pose sérieusement problème. Quelle est la structure théâtrale publique qui possède une bibliothèque ? Il faudrait ajouter le fait que d'autres, une fois nommé à la direction, d'un théâtre, ne font que produire leurs propres textes, comme si l'univers dramatique se réduisait à leurs textes. La période des années 60-70 a été d'un équilibre extraordinaire. Reprenons le même schéma. Mais avons-nous les metteurs en scène sérieux qui pourraient monter les chefs-d'œuvre du théâtre mondial ? Je ne le pense pas.

On constate qu'une grande partie de textes adaptés ou traduits sont de Gorki, Garcia Lorca, Tchekhov..., alors que les écrivains algériens sont rarement adaptés au théâtre et au cinéma, hormis Les martyrs reviennent cette semaine de Tahar Ouettar, dans le cinéma L'opium et le bâton, l'incendie et ces dernières années Omar Fetmouche a adapté des textes de Mimouni et de Tahar Djaout. Comment peut-on expliquer ce choix?

A.C.: Je pars de l'idée que théâtre, cinéma et littérature sont trois univers différents, obéissant à des normes et des techniques différentes. Il est possible d'adapter des romans au théâtre et au cinéma, mais il ne faut pas le faire systématiquement parce qu'ils se caractérisent par des espaces médiateurs propres et des fonctions sémiotiques particulières. Il y a eu des expériences plus ou moins réussies du passage de l'écriture romanesque à l'écriture dramatique et filmique. Il y a eu de nombreuses adaptations de textes dramatiques d'auteurs étrangers, notamment au TNA dans les années 60, 70 et 80. Le répertoire du TNA est apparemment consultable.

Souvent, on réduit l'art théâtral à une sorte d'appendice de la littérature. Le fait de privilégier le texte dramatique et de passer outre les «trous», les ellipses, le fonctionnement des indications scéniques et les instances matérielles contribue à l'effacement du statut spécifique et l'autonomie de la représentation théâtrale. On ne peut écrire un texte dramatique sans prendre en considération les conditions et le processus de sa mise en scène. Si le signe dans un texte littéraire est figé, il se caractérise par un mouvement latent dans un texte littéraire.

Vous participez à plusieurs rencontres théâtrales en Algérie et à l'étranger, comment voyez-vous la situation du théâtre dans les autres pays?

A.C.: En voyant ce qui se passe en Europe, on pourrait dire qu'il n'existe pas un théâtre sérieux en Algérie. Je vous surprendrais peut-être, en vous disant que les exercices que je fais avec mes étudiants des universités d'Artois ou de Rennes2, avec des moyens dérisoires, sont meilleurs que de nombreuses pièces produites en Algérie. Ne parlons pas des pièces des grands théâtres de France par exemple. Quand je lis la presse, je me dis souvent comme ils n'ont pas voyagé nos journalistes, ils n'ont absolument rien vu, à tel point que je me surprends à me dire si nous avions assisté à la même pièce. Il y a, certes, quelques tentatives journalistiques intéressantes ici et là, mais dans l'ensemble, notre théâtre et nos journalistes sont d'une pauvreté affligeante. Ne serait-il pas temps de les prendre en charge pour des stages en Europe ?

L'intervention de l'Etat est décisive pour la prise en charge de l'activité théâtrale dans tous ses volets : «professionnel», «amateur», «privé», «universitaire», «scolaire»? Ainsi, il est temps que l'environnement immédiat considère le théâtre et les autres arts comme des éléments essentiels dans la définition de notre identité et la construction d'une image positive de l'Algérie. Les APC et les APW, comme d'ailleurs les universités, pourraient être partie prenante d'une réactivation de l'art dramatique en Algérie, d'autant plus qu'il fonctionne aisément comme un instrument didactique. L'association des collectivités locales, de l'université, de l'école et des structures culturelles est impérative pour permettre au théâtre de s'ancrer durablement dans l'univers culturel algérien.

-Comment, selon vous, devrait-être réformée l'entreprise théâtrale ?

L'entreprise théâtrale, traversée par les multiples scories de décisions administratives souvent en porte à faux avec la réalité, a déjà depuis de nombreuses années connu ses limites. Les théâtres décentralisés n'arrivent plus, faute de renouvellement et de bonne gestion, de produire un travail de qualité. D'ailleurs, perclus sous le poids d'une lourde machine administrative, l'entreprise occulte dangereusement sa vocation d'animation et de production des spectacles. Nous avons souvent affaire à des entreprises fermées, sans animation sérieuse et prenant rarement des initiatives. Certes, les bâtiments cherchent surtout à réussir la gageure de distribuer la masse salariale qui broie la grande partie du budget alloué à l'entreprise. Les théâtres publics ne pourraient s'en sortir qu'en reconsidérant sérieusement leur fonctionnement, c'est-à-dire articulant leur organisation autour de la production et la diffusion, convertissant ainsi une partie du personnel administratif dans le département de la promotion et de la diffusion. Comme les théâtres en Europe, et même en Tunisie et au Liban, le secteur de la production et de la promotion constituent les éléments-clé de l'entreprise.

Notre proposition s'articule autour d'une sorte de décentralisation interne, c'est-à-dire engendrant la mise en œuvre de deux ou trois unités de production relativement autonomes dirigées par un metteur en scène devenant ainsi un véritable patron de cette structure disposant au sein du théâtre public de son budget et de son équipe artistique, de ses bureaux. Le directeur général du théâtre deviendrait un véritable administrateur, facilitant les actions des différentes unités, permettant une meilleure promotion des différents spectacles produits, comme il est appelé à rentabiliser le bâtiment en programmant différentes activités comme prestataire de service et en encourageant un dialogue avec les amateurs, les troupes privées et les universitaires.

Il y eut, il y a quelques années, une situation inconfortable entre l'Algérie et l'Egypte sur le plan culturel après le fameux match qualificatif aux coupes d'Afrique et du Monde, quel était votre sentiment ?

A.C.: C'était prévisible. Le Machrek et le Maghreb sont deux entités particulièrement différentes. J'ai vécu dans deux pays du Machrek et j'ai bien saisi cette réalité. Mais ce qui m'a toujours surpris, moi qui suis apparemment censuré depuis quelques années par les espaces officiels du ministère de la culture et ses structures annexes, c'est d'ailleurs une belle chose, c'est l'accueil, à la limite du zèle, fait par des structures du ministère de la culture aux Egyptiens. Je me souviens de la pièce, Salomé, avec une quarantaine de personnes, lors du mois théâtral, du festival du théâtre dit professionnel (sic !) qui invitait des Egyptiens, venus en touriste, notamment Samiha Ayyoub (trois ou quatre fois, elle était même venue avec sa coiffeuse, avec des billets de plusieurs millions), du festival du cinéma d'Oran, d'Alger, capitale de la culture arabe, de cette grande campagne pour Farouk Hosni, ministre égyptien de la culture sous Hosni Moubarak, etc. Et on nous a dit à l'époque que le ministère de la culture avait décidé de boycotter tout ce beau monde qui, il n'y a, pas très longtemps, était choyé, gâté, célébré par des journalistes aujourd'hui amnésiques et le ministère de la culture. On a même, lors du colloque sur la Palestine au théâtre, du festival du théâtre dit professionnel évacué les œuvres majeures de Kateb Yacine et de Nourredine Aba sur la question. Ce sont des Algériens. C'est grave. Même le cinquantenaire de la constitution de la troupe du FLN avait été omis. Il faudrait simplement dire que la querelle de l'époque correspondait aux pratiques de deux régimes totalitaires, mais les vrais intellectuels égyptiens et algériens n'étaient pas tombés dans ce piège, ils savaient que les deux peuples avaient beaucoup de d'attaches et de points communs.

-Comment se manifestent les rapports entre les élites du Machrek et du Maghreb ?

Le Machrek et l'Egypte dont je respecte beaucoup d'intellectuels qui ne sont jamais invités à ces rencontres parce que considérés comme subversifs, devenaient le centre de notre univers, faisant du Maghreb un simple appendice de l'Egypte. La lecture de différents textes critiques nous montre que le qualificatif «arabe» se réduit à la production dramatique du Machrek. Ce qui s'expliquerait par une manifeste méconnaissance du Maghreb par les intellectuels du Moyen Orient. Mostefa Lacheraf avait déjà succinctement abordé cette question du regard réducteur porté par les intellectuels du Machrek sur le Maghreb (Algérie, Nation et Société). Dernièrement, c'est-à-dire en 1998, une polémique, parfois violente, avait opposé le philosophe marocain El Jabiri au sociologue syrien Georges Tarabichi autour de ce thème. L'intellectuel marocain considérait que les moyen orientaux réduisaient souvent la culture arabe à un champ précis et dévalorisaient, souvent par ignorance le savoir du Maghreb.

Souvent, les intellectuels du Machrek n'accordent, faute d'informations et de recherches sérieuses, que très peu d'importance à l'ensemble maghrébin. Notre lecture des textes et nos nombreuses rencontres avec des critiques et des hommes de théâtre arabes nous permettent de conclure que le Machrek méconnaît tragiquement le Maghreb. La réciproque n'est pas vraie. Les intellectuels maghrébins sont souvent à l'écoute de toutes les manifestations culturelles du Moyen-Orient. Les chercheurs et les universitaires rétrécissent le champ de leurs travaux suggéré par leurs intitulés en ne s'intéressant qu'au Liban, à la Syrie et à l'Egypte considérant ainsi l'art scénique au Maghreb comme une sorte d'appendice de la production du Machrek. Cette lecture réductrice et prétentieuse résulterait peut-être de l'absence de sources documentaires.

Les ouvrages comportent, dans certains cas, de très nombreuses erreurs surtout quand il s'agit d'évoquer la question du théâtre dans l'espace maghrébin. Youssef Saad Dagher s'offre même le luxe de confondre deux personnages- clés de l'art scénique en Algérie. Pour l'auteur de L'encyclopédie des pièces arabes et arabisées, Kateb Yacine et Mustapha Kateb sont une même et seule personne. C'est vrai qu'ils sont cousins et qu'ils sont décédés le même jour. Mais toutes ces coïncidences ne suffisent pas pour en faire une même personne. De grands noms de la scène maghrébine sont gommés (Alloula, Kaki, Mohamed Driss, Fadhel Jaibi, Nabil Lahlou?) ou à peine cités comme Berchid ou Tayeb Saddiki, le maître du théâtre marocain. Cette excessive et abusive généralisation engendre de nombreux malentendus et provoque de profondes erreurs. Ce qui altère sensiblement la communication et réduit la portée scientifique du texte.